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la superficie s'arpenterait à la mesure fixée par l'ordonnance.

Cependant, malgré ces raisons, la sentence qui intervint, condamna les marchands, et ordonna que l'arpentage fait suivant l'usage local, aurait lieu à raison de 20 pieds par perche.

Les adjudicataires s'étant rendus appelans de cette sentence, la cour, par arrêt du 3 mars 1690, ordonna l'exécution de l'ordonnance de 1669, et déclara bonnes et valables les offres faites par les appelans de payer le prix des bois suivant la mesure portée par l'ordonnance.

Le 25 avril 1760, on plaida, à la grand'chambre du parlement de Paris, une cause de l'espèce de celle dont on vient de parler. Il s'agissait de savoir si l'arpentage de bois taillis situés près de Sézane, vendus par le comte de Montmort à des marchands de bois, par acte sous seing-privé, devait se faire à raison de 20 pieds la perche, suivant la mesure du lieu, ou de 22 pieds, suivant la mesure fixée par l'ordonnance des eaux et forêts. La difficulté naissait de ce que l'écrit contenant la vente, n'exprimait pas à quelle mesure l'arpentage devait se faire. Le comte de Montmort disait qu'il n'était pas possible de présumer que les parties eussent eu inten tion de vendre et d'acheter à une autre mecelle du lieu; et diverses circonstansure que ces semblaient l'annoncer. Cependant la cour confirma la sentence de la table de marbre, qui avait ordonné que l'arpentage serait fait à la mesure fixée par l'ordonnance des eaux et forêts. Cette espèce est rapportée dans la Collection de jurisprudence.

Ces décisions sont dans les vrais principes, parceque les personnes qui contractent, ne sont présumées le faire que suivant la loi genérale, laquelle est censée connue de tous les regnicoles.

:

Il n'en est pas de même des heritages des particuliers ils s'arpentent selon la mesure du lieu où ces héritages sont situés; et pour mettre les juges en état de décider de l'étendue du terrein, l'arpenteur doit détailler dans son procès-verbal la quantité de perches ou verges dont l'arpent, le journal, la bicherée ou autre mesure, est composée; la longueur de la perche, verge ou corde, et combien de pieds de roi elle contient (M. GUYOT.)*

[[Aujourd'hui les mesures sont les mêmes dans toute la France. V. Poids et Mesures.]]

* ARQUEBUSIER. C'est le nom de l'artisan qui fabrique les petites armes à feu, telles

que les arquebuses, les fusils, les mousquets, les pistolets, etc.

I. La déclaration du 22 mars 1728 défend aux Arquebusiers de fabriquer des pistolets de poche ou d'autres armes défendues, et d'en faire commerce, à peine, pour la première contravention, de confiscation, et de 100 liv. d'amende, outre l'interdiction de travailler pendant une année; et en cas de récidive, d'être privés de leur maîtrise, et même punis corporellement, selon les circonstances.

[[V. la loi du 6 juillet 1793, les arrêtés du directoire exécutif des 11 nivóse et 8 ventóse an 4, les décrets des 2 nivòse an 14 et 12 mars 1806 et l'ordonnance du 24 juillet 1816. V. aussi Armes, S. 2. ]]

II. On appelle aussi Arquebusiers, des hommes armés d'arquebuses, et qui composent, en beaucoup d'en droits, un corps autorisé à tirer avec cette espèce d'armes, dans certaines circonstances.

en

Plusieurs de ces corps avaient obtenu, différens temps, des lois particulières qui leur avaient attribué différens priviléges.

On lit dans la Collection de jurisprudence, qu'un jour d'assemblée des Arquebusiers de la ville de Nevers, huit ou dix d'entre eux, après avoir tiré l'oiseau, s'amusèrent à tirer contre une cheminée, dont ils firent tomber des plåtras qui écrasèrent un boulanger. La veuve de plainte du fait; et par la sentence definitive, ce boulanger, qui avait trois enfans, rendit le lieutenant criminel de Nevers lui adjugea 2000 livres de dommages et intérêts, qu'il prononça seulement contre ceux qui avaient tiré.

Sur l'appel interjeté de cette sentence par la veuve, M. l'avocat-général fit voir que le corps des Arquebusiers était solidairement responsable des dommages et intérêts dus à cette veuve; et il conclut à ce qu'avant faire droit, le corps de l'arquebuse fût mis en cause. L'arrêt qui intervint le 29 janvier 1738, fut conforme aux conclusions, et condamna nean. moins les accusés à payer une provision de 500 livres.

On voit que, par cet arrêt, la cour a préjugé que le corps des officiers de l'arquebuse devait, sous peine de répondre des événemens, empêcher les Arquebusiers de tirer ailleurs qu'aux lieux ordinaires, et leur faire observer une police exacte. (M. GUYOT.) *

[[ Il n'existe plus aujourd'hui de corporations d'Arquebusiers. Elles ont été suppri mées par l'art. 28 de la sect. 2 de la loi du 29 septembre 1791, relative à la garde nationale. ]]

ARRENTEMENT. V. Rente foncière. * ARRÉRAGES. On appelle ainsi ce qui'est

dû, ce qui est échu d'un revenu, d'une rente, 4 août 1789, et supprimé par celle du 17 juild'un loyer. let 1793. ]]

pro

I. Les arrérages d'une rente, quelle qu'elle sait, perpétuelle ou viagère, sont dus à portion du temps pendant lequel ils ont couru. Ainsi, lorsque le débiteur vient à faire le remboursement du principal, il doit les Arrérages, tant des termes qui peuvent être échus, que des jours qui se sont écoulés depuis le der nier terme jusqu'au moment du remboursement. La raison en est que le paiement d'un jour d'Arrérages de rente est le prix d'un jour de jouissance du capital de la rente.

Par une conséquence de ce principe, les Arrerages des rentes que des gens mariés ont mises dans leur communauté, appartiennent à cette communauté jusqu'au moment où elle se dissout.

Un particulier qui était en communauté de biens avec sa femme, avait des rentes sur l'hotel de ville de Paris. Sa femme étant décédée au mois de mars, ses héritiers prétendirent que les trois premiers mois de cette année appartenaient à la communauté. Le mari, au contraire, soutint qu'ils ne pouvaient en faire partie, puisque l'on ne payait ces rentes que tous les six mois de l'année, et qu'ainsi, les trois mois, ou environ, d'Arrérages échus ne devaient point entrer dans le partage de la communauté, parceque le bureau du paiement n'était pas encore ouvert.

Sur ce différend, le parlement de Paris rendit un arrêt le 31 juillet 1741, par lequel il jugea que le mari, propriétaire de la rente, serait tenu, lorsqu'il aurait reçu les Arrérages, à l'échéance des six mois, de tenir compte aux héritiers de sa femme de la moitié des trois mois, ou environ, qui étaient échus lors de la dissolution de la communauté.

Cet arrêt, cité dans la dernière édition du Traité des successions, par Lebrun, est conforme au droit commun qui s'observe partout.

Il n'en est pas de même des Arrérages de cens; car si la communauté vient à être dissoute avant le jour où ces Arrérages échoient, les héritiers du prédécédé n'y peuvent rien prétendre. La raison en est que le paiement du cens n'étant, en quelque manière, considéré que comme une reconnaissance que le censitaire est obligé de faire de la seigneurie directe, il n'est dû qu'au jour où cette reconnaissance doit avoir lieu; mais si la communauté n'a été dissoute que le jour même où le cens doit être payé, c'est à elle que les Arré rages en doivent appartenir.

[[ Mais observez que le cens seigneurial a été converti en rente foncière par les lois du TOME II.

II. Les ordonnances et particulièrement celle de Louis XII, de l'an 1510, et de Louis XIII, de 1629, ont établi une prescription de cinq années, relativement aux Arrérages des rentes constituées; en sorte qu'on est non-recevable à demander au debiteur le paiement d'un plus grand nombre d'années d'Arrérages. Ces ordonnances sont toutefois bien moins fondées sur la présomption du paiement, que sur la faveur due au débiteur. Elles ont voulu empêcher qu'il ne fût accablé de trop d'Arrérages : c'est pourquoi, pour être déchargé du paiement des Arrerages antérieurs aux cinq dernières années, il n'est pas obligé d'affirmer qu'il les a payés.

Si le créancier était un mineur, ou un insensé, ou un interdit de quelqu'autre genre, il pourrait obliger son tuteur ou son curateur à lui payer les Arrérages qu'il aurait laissé prescrire.

[[ Avant la publication du Code civil, qui renouvelle, comme on le verra bientôt, les dispositions de ces ordonnances, il y avait, dans plusieurs contrées, des coutumes ou des lois qui n'admettaient, en aucun cas, la prescription de cinq ans qu'elles etablissent.

Telle était la Lorraine. Les Arrérages de rentes n'y étaient passibles que de la prescription de trente ans.

En Artois, et dans la plus grande partie des Pays-Bas, ils n'étaient également sujets qu'à la prescription ordinaire, qui, dans certaines coutumes, était de vingt ans, de vingtun ans dans quelques-unes, et de trente dans les autres. V. Rente constituée, §. 11.

Dans les pays gouvernés par les constitutions sardes, on ne connaissait, en cette matière, d'autre prescription que celle de trente ans. V. Rente constituée, §. 12.

Le ressort du parlement de Pau avait làdessus deux sortes d'usages. Dans la Navarre, les rentes, intérêts et reliefs se prescrivaient par cinq ans, quand il n'en avait pas été fait de demande en justice pendant ce terme. C'était la disposition expresse de la coutume de ce royaume, rub. 15, art. 18; et elle s'observait très-exactement.

Mais en Béarn, les Arrérages n'étaient soumis qu'à la prescription trentenaire. Ce n'est pas que le parlement de Navarre n'eût enregistré l'ordonnance de 1629; elle y avait même étéexécutée fort long-temps; et, comme nous l'a certifié M. Mourot, avocat et professeur de droit à Pau, « un arrêt de règlement rendu, » les chambres assemblées, le 27 janvier 1645,

10

>> ordonna que les intérêts ne seraient adjugés » que de cinq ans, s'il n'y avait interpella» tion, sommation ou demande judiciaire; mais il excepta les dots, les légitimes, les legs pieux, les prix des ventes, et les reliefs » des cautionnemens dont les intérêts cour»raient sans interpellation au delà de cinq » ans. Cette première brèche faite à la loi, » fut suivie de plus grandes encore, puisqu'on » ne l'observa plus; et que les intérêts et les » rentes ne furent sujets en Béarn qu'à la » prescription du droit commun ».

Il y avait des coutumes qui donnaient dans l'extrémité opposée : elles n'adoptaient pas la prescription de cinq ans, mais ce n'était pas pour l'allonger, c'était pour la restreindre à trois ans. V. Prescription, sect. 2, §. 6.]}

Observez que la prescription de cinq années, telle qu'elle est établie par l'ordonnance de 1510, ne s'étend pas aux rentes viagères. Soëfve rapporte un arrêt du 5 mai 1668, par lequel la dame d'Albrac fut condamnée à payer à la marquise de Kerian, dix années d'Arrérages d'une pension viagère; et Henrys pense, avec plusieurs autres auteurs, que l'on peut répéter trente années de ces sortes d'Arrérages.

Il est néanmoins vrai que, par arrêt du 7 septembre 1657, les Arrerages d'une pension viagere constituée au profit de la dame Diane de Coligni, par son père, lorsqu'elle se fit religieuse, furent réduits à dix années, quoiqu'il lui en fût dù plus de vingt-cinq années; mais Henrys observe judicieusement que cet arrêt ne doit pas être tire à conséquence, parcequ'il a été rendu dans la coutume de Bourbonnais, qui ne permet pas de répéter plus de dix années de quelque espèce d'Arrérages

que ce soit.

[ Aussi la question s'étant présentée au grand conseil en 1761, il y a été jugé, par arrêt du 22 septembre de cette année, qu'une communauté religieuse pouvait demander jusqu'à vingt-neuf années d'Arrérages d'une rente viagere constituée à l'un de ses membres lors de son entrée dans le cloître. Cet arrêt est rapporté dans le Journal du grand conseil.]

Ce que nous venons de dire des Arrérages des rentes viagères, doit aussi s'appliquer aux Arrérages du cens et à ceux des rentes foncières ; c'est-à-dire, que, suivant le droit commun, ils ne se prescrivent que par trente années.

Boniface rapporte un arrêt du 24 mai 1583, par lequel le parlement de Proverce a jugé

que

les Arrérages du champart ne se prescrivaient que par quarante ans contre les sei

gneurs ecclésiastiques, et par trente contre les laïques.

On tient pour maxime au parlement de Bourgogne, que le seigneur peut obliger le nouveau possesseur d'un héritage, sur lequel il lui est dû un cens, à payer vingt-neuf années d'Arrérages de ce cens, quoique ces années soient dues par le possesseur antérieur. C'est d'après ce principe que, par arrêt du premier août 1639, ce parlement condamna la comtesse de Tavannes à payer onze années d'Arrérages d'une charge foncière établie sur la terre de Corcelles, lesquelles étaient échues avant qu'elle possédat cette terre.

[[Cette jurisprudence n'était pourtant pas universelle, même avant la loi du 20 août 1792; bien des coutumes y avaient dérogé. La loi citée, tit. 3, art. 1, a fait plus : elle a étendu cette dérogation à toute la France; en sorte que, depuis la publication de cette loi, les Arrérages des rentes foncières sont soumis, dans toute la France, à la prescription de cinq ans. ]]

La prescription de cinq ans n'est pas admise, relativement à une rente constituée pour raison de l'acquisition d'un héritage: c'est que les rentes de cette espèce tiennent lieu d'immeubles qui produisent des fruits : ainsi, ce ne sont pas tant les Arrérages d'une rente constituée que l'on demande, que les fruits d'un héritage. Cujas remarque judicieusement à ce sujet, que la jouissance d'un immeuble acheté produit un intérêt légal, plus favorable que l'intérêt conventionnel, attendu que c'est par une espèce de compensation que

les lois l'ont introduit.

[[ Le 5 thermidor an 13, dans une espèce dont on trouvera les détails au mot Curateur, S. 2, on a plaidé à la cour d'Appel d'Aix, la question de savoir si l'on pouvait exiger vingt années d'Arrérages d'une rente constituée par une transaction du 16 mai 1782, pour un supplément de légitime. L'arrêt rendu le même jour sur cette question, l'a jugée pour l'affirmative, contre la dame de Navailles, curatrice à l'interdiction du sieur Clapiers-Cabris, son père, et en faveur des sœurs légitimaires de celui-ci.

La dame de Navailles s'est pourvue en cassation contre cet arrêt, et l'a dénoncé comme contraire à l'art. 71 de l'ordonnance du mois de juin 1510.

«Il est certain (ai-je dit, en portant la parole sur cette affaire, à l'audience de la section des requêtes) que, si les sommes auxquelles ont été reconnus se monter les supplémens de légitime des sœurs de l'interdit Clapiers-Cabris, n'avaient pas été constituées en rente par

la transaction du 16 mai 1782, ces sommes auraient produit, de plein droit, au profit des légitimaires, des intérêts qui n'eussent pas éte soumis à la prescription de cinq ans. Car, avant la publication du Code civil, le parlement de Dijon était le seul dans le ressort duquel fut observé l'art. 150 de l'ordonnance de 1629, en ce qu'il faisait porter cette prescription jusque sur les intérêts de capitaux non constitués.

» Or, en consentant par la transaction du 16 mai 1782, à la constitution de leurs supplémens de légitime, les légitimaires ont-elles empire leur sort au point, non-seulement de ne pouvoir pas en exiger le principal, tant que les Arrérages en seraient payés, mais encore de l'exposer pour ces Arrérages aux chances d'une prescription particulière, d'une prescription pour laquelle il n'eût fallu que le sixième du temps nécessaire à celle de simples intérêts? Si telle a été leur volonté, il n'y a rien à dire. Mais, on le sent, pour juger que telle a été leur volonté, de simples présomptions ne suffisent pas, il faut des preuves évidentes; et ici revient le principe écrit dans les lois romaines, comme dans notre Code civil, que la novation ne se présume pas, et que l'intention de l'opérer doit sortir clairement de l'acte duquel on prétend la faire résulter.

» Mais quelles preuves trouvons-nous dans la transaction du 16 mai 1782, de l'intention que la demanderesse prête ici aux légitimaires? Aucune.

» D'un côté, les légitimaires ne font que consentir à ce que le principal de leurs supplémens de légitime reste encore entre les mains de leurs frères, ce qui n'équivaut pour celui-ci qu'à la concession d'un terme de paiement dont la durée est laissée indéfiniment à sa volonté; et l'on sait qu'accorder un terme de paiement à son débiteur, ce n'est point faire

novation.

» D'un autre côté, les légitimaires, par la transaction du 16 mai 1782, ue donnent quittance à leur frère que des prétentions ultérieures qu'elles pourraient former pour faire aug. menter encore leurs supplémens de légitime; elles ne lui donnent pas quittance des sommes auxquelles leurs supplémens de légitime sont fixés par cet acte; elles demeurent donc creancières de leurs supplémens de légitime; et dèslà, comment y aurait-il novation de leur part? Il y a bien novation, lorsqu'une nouvelle dette est substituée à la dette primitive, avec décharge expresse de celle-ci. Mais lorsque la dette primitive n'est pas déclarée éteinte par l'acte qui lui en substitue une nouvelle, on ne

peut voir dans cet acte que la dation en paiement d'une chose pour une autre; or, comme le dit Voet, sur le digeste, titre de novationibus, no 5, solá conventione de re aliá, pro eá quæ ab initio debebatur, in solutum dandá, nulla novatio contingit; cela est ainsi décidé, continue-t-il, par la loi 9, C. de rescindendá venditione; cela résulte encore de la loi 26, S. 4, D. de conditione indebiti.

» Et par-là tombe le seul argument dont la demanderesse étaie son système de novation, celui qu'elle tire de ce que la transaction du 16 mai 1782 a substitué, dans la personne de l'interdit, l'obligation de payer des rentes, à l'obligation de délivrer en corps héréditaires les valeurs qui formaient les supplémens de légitime.

» Pothier, nous le savons, soutient que «< la » constitution d'une rente pour le prix d'une » somme due par le constituant, renferme es» sentiellement une novation ». Mais il convient lui-même que les autres auteurs sont d'une opinion contraire, et sur quoi fonde-t-il la sienne? Voici ses termes, Traité des obligations, no 559, §. 3 : « Il est de l'essence du » contrat de constitution de rente, qui est un » contrat réel, que celui qui constitue la rente, » reçoive le prix de la constitution; lorsque » mon débiteur d'une certaine somme prétée » de mille livres, me constitue pour cette » somme 50 livres de rentes, il faut donc qu'il >> reçoive la somme de 1000 livres pour le prix » de la rente qu'il en constitue, et il ne peut » être censé la recevoir que par la quittance » que je lui en donne en paiement de la » rente qu'il en constitue; cette constitution » renferme donc une quittance que je lui donne » de cette somme; elle renferme une compen»sation de la dette de cette somme dont il » m'était débiteur, avec pareille somme que je » devais lui donner pour prix de la rente qu'il »me constitue : or, il est évident que cette » quittance et cette compensation éteignent » cette dette et forment une novation » ?

» Ce raisonnement est subtil, sans doute; mais sa subtilité même suffit pour le réfuter. De quoi s'agit-il dans la question actuelle? uniquement de savoir si, en constituant une dette exigible, le créancier a renoncé aux priviléges, aux hypothèques, à toutes les sûretés qui environnaient sa créance. Et certainement si, nous mettant à sa place, nous interrogeons notre propre conscience, elle nous dira que telle n'a pu être son intention; qu'il n'a pas raisonné en jurisconsulte quand il a donné son consentement à la conversion de sa créance en une constitution de rente; qu'il a tout simplement voulu accorder à son débiteur des

facilités pour se libérer; et que donner à cette faveur plus d'étendue qu'elle n'en a eue par elle-même dans sa pensée, ce serait abuser de sa bonne foi.

» A ces raisons déjà si décisives par ellesmêmes, se joint encore l'autorité de Duplessis, qui, dans sa soixante-unième consultation, s'occupe d'une espèce parfaitement analogue à la nôtre.

» Un père, en mariant sa fille, lui avait constitué en dot une somme d'argent qu'il s'était engagé de lui payer comptant. Quelque temps après la célébration du mariage, se trouvant gêné, il demanda et obtint la conversion de cette dot en une rente qu'il s'obligea de payer à sa fille. Dans la suite, il fut question de savoir si les Arrérages de cette rente étaient sujets à la prescription de cinq ans; et voici quelle fut la réponse du jurisconsulte cité: «< Ilparaît >> contre toute raison de ne vouloir pas donner » à la dot, quand elle est devenue immobilière » par la conversion que le père en a faite en >> contrat de constitution sur lui, la même fa>veur qu'elle avait, lorsqu'elle était purement » mobiliaire. Elle produisait alors des inté» rêts de plein droit : le mari en pouvait de» mander 29 années. Quel changement y a-t-il > eu depuis? La dot est laissée au père à cons»titution. Le père acquiert l'avantage de ne » pouvoir plus être contraint au paiement du » principal; mais le contrat n'ôte au mari aucun » des droits qu'il avait : la rente tient lieu du » fonds de la dot; et les arrérages qui en nais» sent, sont des fruits nou sujets à la prescrip» tion de cinq années ».

» Comme vous le voyez, messieurs, il n'y a pas un mot dans cette réponse qui ne s'adapte parfaitement à notre espèce; et c'en est assez sans doute pour justifier les motifs de l'arrêt du 5 thermidor an 13.

» Mais, après tout, quand on supposerait ces motifs aussi contraires aux principes sur la novation, qu'ils y sont conformes; quand on admettrait avec la demanderesse que la transaction du 16 mai 1782 a denaturé les droits des sœurs de l'interdit Clapiers-Cabris, et que, par l'effet d'une novation qui se serait opérée de plein droit et sans qu'elles en eussent la plus légère idée, elles eussent perdu les avantages attachés à leur qualité de légitimaires; au moins faudrait-il toujours reconnaître, comme le reconnaît effectivement la dame de Navaille, que les rentes constituées à leur profit par la transaction du 16 mai 1782, l'ont été du prix des biens que l'interdit Clapiers-Cabris était tenu de leur délivrer en nature ou en estimation, pour leurs supplémens de légitime; il faudrait par conséquent assimiler ces rentes à celle

qu'un acquéreur constitue à son vendeur qui laisse entre ses mains le prix de l'héritage qu'il lui transporte.

» Or, avant la publication du Code civil, les Arrérages d'une rente constituée pour le prix de la vente d'un immeuble, se prescrivaient-ils par cinq ans ? Ils n'auraient pu se prescrire par ce terme, qu'en vertu de l'ordonnance de 1510. Voyons donc ce que porte cette ordonnance, et remarquons bien qu'elle remonte à une époque où l'on ne faisait encore que tolérer les constitutions de rente à prix d'argent, où l'on avait encore beaucoup de peine à ne pas les assimiler aux prêts usuraires, où par conséquent elles étaient regardées comme odieuses: « La plupart de nos sujets, » au temps présent, usent d'achats et ventes » de rentes, que les uns appellent rentes à » prix d'argent, les autres rentes volantes, » pensions, hypothèques ou rentes à rachat, » selon la diversité des lieux et pays où se » font iceux contrats; à cause desquels contrats, >> plusieurs sont mis en pauvreté et destruc» tion pour les grands Arrérages que les ache»teurs laissent courir sur eux, qui mon>> tent souvent plus que le principal, pour le » paiement desquels il faut vendre et distraire » tous leurs biens, et tombent eux et leurs » enfans en mendicité et misère; nous, con» sidérant tels contrats être odieux et à res» treindre, ordonnons que les acheteurs de » telles rentes et hypothèques ne pourront » demander que les Arrérages de cinq ans...; » et en ce ne sont comprises les rentes fonciè»res portant directe et censive ».

» Tels sont les motifs et la disposition de l'ordonnance de 1510. Ses motifs ne sont pas équivoques. Le législateur ne soumet à la prescription de cinq ans, les Arrérages des rentes créées par des contrats de constitution à prix d'argent, que parceque tels contrats sont odieux et à restreindre. Mais comment, d'après cela, pourrait-on appliquer sa disposition aux Arrérages des rentes créées par des contrats de ventes d'immeubles? Jamais ces rentes n'ont été regardées d'un œil défavorable : jamais elles n'ont été désapprouvées par les papes, qui cependant, en 1510, condamnaient encore comme usuraires les simples constitutions de rentes à prix d'argent; et, dans le fait, elles méritent d'autant plus de faveur, qu'elles ne sont, dans la réalité, que le fermage des fruits que tirent les acheteurs des biens qui leur ont été vendus; tandis que les rentes constituées à prix d'argent, forment véritablement le loyer de capitaux stériles par eux-mêmes.

» Inutile de dire avec Pothier (Traité du contrat de constitution, no 138), qui cependant

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