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contre les obligations résultant de son délit ou quasidélit. Dans bien des cas, la partie adverse sera en faute, de son côté. Tout semble conduire à faire une appréciation aussi équitable que possible. D'autres fois, la question se complique de difficultés de droit et l'idée de la faute perd considérablement de son importance. Il faut s'arrêter alors à la stricte application des principes '.

42. Les changements de rédaction qui se sont produits dans l'article 3 ne sont pas non plus sans importance pour fixer les rapports respectifs des deux principaux statuts. Le texte actuel porte: « Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française. » Cette disposition ne semble pas douteuse: elle indique, très clairement, que la loi du statut réel s'applique directement aux immeubles. Ce n'est que d'une manière détournée, par voie de consé

1 On peut consulter, sur la prépondérance de l'un des intérêts sur l'autre, un arrêt Lizard, rendu le 16 janvier 1861, par la Cour de cassation, et tout particulièrement une note très détaillée placée sous cet arrêt dans le recueil de Dalloz, 1861, partie I, p. 193, où un grand nombre d'auteurs se trouvent cités et classés en quatre systèmes différents. On peut ajouter à ces auteurs Laurent, Droit civil international, t. II, p. 79, no 47, qui ne tient peut-être pas suffisamment compte de ce que le statut personnel des étrangers n'a été admis que tacitement, par voie détournée et sans réglementation expresse. Nous reviendrons sur les cas où la difficulté se complique d'autres questions de droit, parce qu'il convient de rechercher si le désir de faire prédominer l'intérêt français n'a pas fait dévier de l'application rigoureusement exacte des principes.

quences résultant de son action sur les choses, qu'elle impose des obstacles à la volonté individuelle; ces obstacles sont dans les choses et non dans les personnes; on peut les qualifier d'incapacités réelles. Les deux statuts restent, en conséquence, distincts l'un de l'autre, bien qu'ils puissent, dans certains cas, s'entraver réciproquement dans leur exercice extérieur; c'est ce qui résulte des termes clairs et précis du texte actuel, dont le sens se manifeste avec le plus d'évidence quand on le rapproche des dispositions qu'il a remplacées.

Cette indépendance réciproque des deux statuts considérés en eux-mêmes, conduit aux résultats suivants, qui simplifient considérablement toute cette doctrine, fort obscure et contestée sous l'ancien droit.

1o Le statut personnel a des limites très bien tracées: on ne doit y faire rentrer que les lois se rapportant directement à l'état ou à la capacité des personnes. Ce sont là, en effet, les caractères qui constituent la personne, qui la font être ce qu'elle est réellement; les lois qui les énoncent ont une importance qui leur appartient en propre.

2o Il n'est pas nécessaire, pour qu'une loi rentre dans le statut personnel, qu'elle règle l'état et la capacité d'une manière générale. Rien dans nos textes ne justifie de telles exigences, et l'article 170, qui semble n'être qu'une application de notre article 3, se rapporte à des incapacités spéciales 1.

Demangeat combat, avec raison, l'avis contraire professé par Fœlix, t. I, p. 64.

3o C'est, en ce qui rentre sous la compétence française, dans la plénitude de leur autorité, avec toutes les conséquences qui en dérivent, que les lois nationales suivent les Français à l'étranger: elles régissent leur capacité, tout aussi bien que leur état; on ne saurait les combiner avec les lois étrangères, pour maintenir la réglementation spéciale par laquelle celles-ci suppléent au défaut de capacité de leurs ressortissants. La loi française est seule compétente, non seulement pour statuer sur l'état de majorité ou de minorité, mais encore pour tirer les conséquences qui doivent en dériver quant à la capacité. Les termes sont absolus, en ce qui a trait au statut personnel.

Les travaux préparatoires et le texte se rapportant au statut réel, conduisent au même résultat. Les deux statuts sont tenus distincts l'un de l'autre. Celui qui a les choses pour objet, nous est représenté comme les régissant directement et ne se préoccupant que d'elles. Il peut s'élever des conflits entre les deux statuts; mais il n'en reste pas moins vrai que, considéré en lui-même, dans sa nature et dans son action interne, chacun de ces statuts reste homogène et soumis à sa loi : il n'y a plus de statuts mixtes en cette matière.

4° L'indépendance originelle des deux statuts et l'influence réciproque exercée par chacun d'eux sur l'exercice de l'autre, sans en altérer la nature, ne permet plus de refuser la qualification de statut personnel à toute loi qui agit indirectement sur les choses, et celle de statut réel à toute loi qui agit indirectement sur le libre exercice de la volonté.

5o Il nous semblerait difficile d'admettre, sous l'empire du Code, des statuts personnels réels et par conséquent mixtes, dans le sens indiqué par Boullenois et autres auteurs anciens.

Nous croyons qu'il faut vérifier, dans chaque disposition, quel caractère et quelle nature y prédominent, pour la classer dans l'une ou l'autre catégorie.

Nous ne craignons pas de le dire: il serait difficile de résoudre plus de questions en aussi peu de mots que l'a fait la nouvelle rédaction de l'article 3.

43.- Il a été dit, ci-dessus, conformément à la doctrine

admise par la presque unanimité des auteurs et des tribunaux, que l'état et la capacité des Français doivent, au regard de la loi française, être régis, en tous lieux, par cette loi. C'est, croyons-nous, le moment de réfuter une fois pour toutes, afin de n'y pas revenir, un système contraire, spécialement professé par MM. Demangeat et Barrilliet', admettant qu'il faut encore s'arrêter au domicile comme base en cette matière. L'ancien droit, le mot résidence inséré dans l'article 3, et quelques inductions tirées de l'article 13, sont invoqués à l'appui de cette doctrine.

On ne peut argumenter de l'ancien droit, parce qu'il reposait sur une organisation sociale fort différente de celle sous l'empire de laquelle, et en vue de laquelle, le

1 Demangeat, dans la 4e édition de M. Felix, t. I, p. 58 et 105, et Histoire de la condition des étrangers, p. 414; Barrilliet, Conflits de la loi française, p. 42.

Code civil a été rédigé. Le domicile y était revêtu d'une haute importance, résultant en particulier de la grande diversité du droit qui en faisait une sorte de nationalité civile.

Le mot résidant peut être pris dans un sens vague et général, ou dans le sens technique et plus précis qu'il revêt par opposition au domicile. Tout doit faire admettre la première de ces alternatives dans l'article 3 la distinction entre le domicile et la résidence n'avait pas encore été fixée; la principale portée de la disposition consistait à régler la valeur des actes faits par les Français à l'étranger; c'était, par conséquent, de la résidence plutôt que du domicile qu'il était naturel de se préoccuper. Conclure de ce que cet article ne mentionne que les Français résidant à l'étranger, qu'une règle opposée devrait s'appliquer à ceux dont le domicile y serait établi, ne peut s'appuyer que sur l'argument a contrario, généralement considéré comme faible, à moins qu'il ne soit corroboré par des circonstances spéciales qui font ici défaut la disposition qu'il s'agit d'interpréter ne se présente pas comme exceptionnelle; on peut, en conséquence, la prendre dans le sens large qui semble résulter de la nature des choses. Une pareille distinction qui, sous une forme nouvelle, maintiendrait l'ancienne doctrine, aurait dû être énoncée plus clairement; la première impression qu'on éprouve en lisant le texte est celle d'un changement de système, qui était, d'ailleurs, dans la nature des choses.

L'article 13 ne peut être invoqué dans le sens proposé, que par une sorte de pétition de principe. Il s'ex

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