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LIVRE III.

DES FAITS JURIDIQUES SE RAPPORTANT

AUX DROITS DE FORTUNE.

125.

INTRODUCTION.

Les faits juridiques nous ont généralement occupé jusqu'ici d'une manière occasionnelle et plus ou moins indirecte. Nous abordons, maintenant, l'étude d'une rubrique dans laquelle ils sont traités d'une manière principale et directe.

Ce n'est pas encore le temps de résumer les idées générales qui peuvent les dominer dans leur ensemble; ce que nous en avons dit, peut suffire comme direction: ce n'est que plus tard que nous pourrons nous expliquer d'une manière définitive sur ce sujet difficile et trop négligé dans les textes et dans la doctrine.

Le livre III du Code civil est intitulé: Des différentes manières dont on acquiert la propriété. Ce titre laisse beaucoup à désirer et doit être rectifié sur certains points.

Le mot de propriété doit s'y entendre des droits de fortune; et le mot acquérir doit y être pris comme signifiant tout mouvement qui s'opère dans ces droits. Ce qui est perte ou aliénation pour l'une des parties, est le plus

souvent gain ou acquisition pour l'autre. Les cas de perte pure et simple sont rares.

Les dispositions générales placées en tête de ce livre, dans les articles 711 à 717, sont destinées à servir d'introduction; elles se rapportent au droit interne plus qu'au droit international. Nous n'avons pas à nous en occuper ici. Nous y reviendrons, s'il y a lieu, dans les questions de détail.

L'ordre suivi par les rédacteurs du Code nous servira généralement de direction, sauf à y introduire quelques modifications jugées nécessaires.

CHAPITRE Ier.

De la succession héréditaire et légale.

126. Nature générale de ce droit en France.

127. Qualités requises pour succéder. 128. Preuves ou présomptions de survie. 129. Liberté d'accepter ou de refuser une succession. -130. Formes, modalités et présomptions se rapportant à l'exercice de cette liberté. - 131. Moyen de recourir contre un acte consommé. 132. Successions non ouvertes, vacantes ou bénéficiaires. 133. Demande en partage et retrait successoral. 134. Rapports et réserve légale. 135. Paiement des dettes et séparation des patrimoines. 136. Effets de l'acte de partage et rescision dont il est susceptible. 137. Loi du 11 juillet 1819. - 138. Traité franco-suisse du 15 juin 1869.

126.

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Quelque pauvre qu'elle soit, chaque personne

se trouve, en droit abstrait, le centre et la base de tout

un ensemble de droits et de charges qui constitue son patrimoine durant sa vie, et sa succession héréditaire après sa mort.

Nous avons déjà vu que ce sujet rentre, en principe, dans le statut réel, suivant les bases consacrées dans le Code civil. La succession légale est régie par la loi de la situation, en matière immobilière ; et par la loi du domicile, situation fictive ou juridique, en matière mobilière 2.

C'est la loi territoriale qui prédomine en cette matière; mais ce n'est qu'en tant que posant les bases suivant lesquelles la répartition doit se faire. Nous avons déjà vu que cette répartition doit, généralement, se faire d'après les rapports de famille qui existaient entre certaines personnes et le défunt.

Ces rapports rentrent, bien certainement, dans le statut personnel. Il y aura, par conséquent, concours, et possibilité de conflits, entre les deux principaux statuts ;

1 Code civil, article 3, § 2. Voir spécialement l'arrêt de rejet du 4 avril 1881; veuve John Lesueur contre Mauchien, Dalloz, 1881, I, p. 380 et les références. Le principe ne pouvait être contesté en droit positif; ce qui soulevait quelque doute, c'était la nature du douaire réclamé par la veuve.

2 Ces questions ont été étudiées sous toutes leurs faces, dans le procès soulevé par la succession d'un sieur Forgo, Bavarois, décédé en France, sans y avoir eu un domicile autorisé, conformément à l'article 13 du Code. Ce procès qui a duré près de dix ans, a été, croyons-nous, terminé par un arrêt de la Cour de Toulouse du 20 mai 1880; Dalloz, 1881, II, p. 93, cause Ditschl contre l'Administration des domaines.

il faut s'efforcer de faire à chacun la part qui lui revient effectivement.

Des complications peuvent également naître de faits juridiques se produisant en cette matière. Ces faits se présentent sous trois aspects différents, selon qu'ils restent soumis aux règles qui leur sont propres, ou qu'ils se trouvent plus ou moins dominés par l'un ou par l'autre des deux statuts principaux.

127.

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Nous avons vu que l'état civil des étrangers doit être apprécié d'après leur loi nationale, quant aux rapports de famille qui existaient entre eux et le défunt: faudra-t-il s'arrêter également à cette loi, quant aux autres qualités exigées pour prendre part à la succession?

Nous croyons qu'il faut distinguer entre les incapacités de droit commun, régies par le statut personnel, et les incapacités créées spécialement en vue du droit de succession. Ces dernières font partie de ce droit et se trouvent ainsi revêtues d'un caractère de réalité.

Elles existent dans les choses ou dans les faits, plus que dans les personnes. Cela nous paraît être le cas au sujet des qualités requises par les articles 725 et suivants, dont le premier s'énonce de cette manière :

« Pour succéder, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture de la succession.

<< Ainsi, sont incapables de succéder:

« 1° Celui qui n'est pas encore conçu;
« 2° L'enfant qui n'est pas né viable;
<< 3o Celui qui est mort civilement. >>

Ce sont là des conditions d'une nature spéciale; il s'y

agit d'une question d'existence physique ou juridique ; celui qui n'est pas revêtu d'une telle existence peut être considéré comme n'ayant pas d'état civil. De telles conditions créées, en quelque sorte, en vue de la succession, émanent, en fait, de la loi régulatrice de celle-ci, sous la compétence de laquelle elles rentrent naturellement.

Nous voyons se représenter ici les questions que nous avons déjà rencontrées au sujet de la mort civile et des changements qui se sont opérés à cet égard en France. Nous ne pouvons que nous référer à ce que nous avons dit, précédemment, sur cet anéantissement de personnalité juridique, résultant d'une condamnation pénale, d'une loi ou de l'entrée dans les ordres.

Ce sont là des questions d'état qui, prises en ellesmêmes, quant à l'application qui doit en être faite, rentrent en principe dans le statut personnel. La règle énoncée dans le texte fait partie de la loi de succession; elle régit les biens soumis au droit français, mais qu'en sera-t-il des personnes étrangères? faudra-t-il se conformer strictement, en ce qui les concerne, aux rigueurs de leur droit national?

Il y a là des considérations d'ordre public, sur lesquelles les changements intervenus en France doivent nécessairement exercer une influence; il serait difficile, toutefois, d'en fixer les limites en termes absolus.

L'article 726, abrogé par la loi du 14 juillet 1819, n'était qu'une référence à l'article 11, en matière de succession héréditaire; il faisait également partie de la loi régulatrice de celle-ci.

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