Page images
PDF
EPUB

la contrariété des statuts et des coutumes, traité qui a été traduit, puis commenté par notre auteur dans une série d'observations plus ou moins étendues 1.

En tête de ce traité préliminaire sont énoncés, succinctement et clairement, quarante-neuf principes exposant l'ensemble du droit international privé. Bien que ces principes soient généralement adoptés par notre auteur, sauf quelques modifications, nous citerons de préférence un certain nombre de règles, tirées des observations leur servant de commentaire, parce que ces dernières nous semblent représenter, plus exactement, le dernier état de la doctrine française sous l'ancien régime. Les Hollandais et les Belges adhéraient plus que les Français au principe de la territorialité. Nous nous arrêterons plus spécialement à ce qui tient aux caractères distinctifs des deux principaux statuts, et aux combinaisons dont ils peuvent paraître susceptibles.

Trois questions se présentent : 1° Sous quels aspects apparaît chacun de ces deux statuts? 2° Peuvent-ils se combiner de manière à former un statut vraiment mixte par les éléments dont il se compose? 3° Lequel des deux faut-il admettre de préférence, en cas de doute?

Quant au statut personnel, Boullenois combat, en premier lieu, quelques réalistes qui lui paraissent renfermer ce statut dans des limites trop étroites. Il faut bien se garder de croire, dit-il, qu'un statut n'est personnel 1° qu'autant qu'il règle l'état universel de la personne ;

1 Boullenois, t. I, préface, p. 29.

2o qu'autant qu'il le règle en faisant complètement abstraction des biens. Il ajoute, toutefois, que les meilleurs et même presque tous les auteurs exigent, pour reconnaître un tel statut, la réalisation de l'une ou de l'autre de ces conditions, et même de l'une et de l'autre. à la fois. On doit, suivant lui, distinguer entre le statut qui commande aux choses directement, primario et per se, comme disent les auteurs, et celui qui commande directement aux personnes et qui, par conséquent, ne commande aux choses qu'en vertu du droit qu'il a sur la personne. Le premier est réel, le second est personnel 2.

Les statuts personnels particuliers se distinguent des statuts personnels universels, en ce qu'ils ne règlent pas l'état et la capacité dans leur ensemble, mais bien seulement au sujet de quelques points spéciaux. Ils se présentent, d'ailleurs, sous deux aspects différents.

Ces statuts sont purs personnels, quand ils se rapportent à un engagement personnel, au cautionnement, par exemple. Ils doivent, comme le statut personnel général, ressortir leurs effets en tous lieux. C'est dans cette catégorie que l'auteur place, tout particulièrement, le sénatus-consulte velléien. La femme qui s'y trouve soumise par la loi de son domicile porte, partout, cette restriction de sa capacité personnelle. Les engagements qu'elle consentirait sur ses biens participeraient, comme

1 T. I, p. 42. Il cite spécialement dans ce sens d'Argentré et Bourgoingne, Burgundus, qui sont, en effet, très réalistes.

[blocks in formation]

accessoires, aux irrégularités de l'obligation principale '.

Ces statuts sont personnels réels, s'ils traitent d'un engagement portant sur certains biens spécialement désignés, les biens immobiliers par exemple. Ils n'affectent la personne qu'en ce qui a trait aux biens dont il s'y agit. Boullenois les appelle statuta personalia in rem scripta. Ces statuts n'étendent pas leur influence hors du territoire où se trouve le domicile. L'auteur explique cette règle en disant que le bien commun des nations n'exige pas que l'état particulier de la personne se porte partout, quand cet état n'a pour objet que quelques fonds.

Une exception doit, cependant, être admise, est-il ajouté, dans les cas où il s'agirait d'une règle ayant sa base dans un motif de piété indispensable, comme s'il était permis exceptionnellement à un mineur de vendre son fonds pour tirer son père d'esclavage. Ce motif doit être considéré comme tacitement admis dans toutes les coutumes. L'extension s'opère alors par voie de fraternité; des dispositions uniformes ne peuvent pas se nuire et se gêner réciproquement 2.

Les statuts réels sont ceux qui régissent directement et principalement les biens, par la seule action de la loi, sans qu'il y soit question du fait de l'homme. Ils ne déploient leurs effets que sur les biens situés dans leurs territoires respectifs. Boullenois représente ce principe

[blocks in formation]

comme généralement adopté de son temps, contre l'avis de Bourgoingne (Burgundus). L'application de cette règle se faisait principalement en matière de succession héréditaire ab intestat; il y avait autant de successions que de biens situés sur des territoires différents.

La controverse sur les statuts mixtes se trouvait tranchée, en quelques mots, dans le seizième des principes que Rodenburg avait énoncés en tête de son traité. Ce principe était ainsi conçu: « Les lois particulières personnelles réelles sont les seules qu'on puisse appeler mixtes, et il n'y en a pas de mixtes dans le sens de d'Argentré, de Burgundus, de Voet etc. >>

Dans l'observation qu'il fait au sujet de ce principe, Boullenois revient sur le statut particulier personnel réel, qu'il considère aussi comme mixte. « L'objet de telles lois, dit-il, est de régler la personne et les biens également pour les uns et pour les autres, en rendant certains biens disponibles par la personne et en habilitant celle-ci dans ce but seulement 2. >>

Nous ne voulons pas dire que de pareils statuts ne puissent pas exister en fait, si telle est la volonté de l'autorité souveraine. Nous croyons, toutefois, qu'il y aurait là quelque chose de peu normal et qu'il faudrait généralement rechercher lequel des deux aspects prédomine dans la disposition, lequel a principalement préoccupé le législateur; ce qui aurait, le plus souvent, pour

1 T. I, p. 25.

2 T. I, p. 5 et 122, observation 6.

résultat, de classer la disposition dans l'une ou l'autre catégorie.

Boullenois s'applique, ensuite, à réfuter d'autres statuts mixtes proposés par d'Argentré et par Bourgoingne. Ces questions n'étaient pas les seules qui durent naître de l'action réciproque des deux statuts l'un sur l'autre. Il fallait, en l'absence d'une réglementation précise, éviter, autant que possible, une combinaison d'éléments disparates et difficiles à concilier. On était, ainsi, conduit à se demander auquel des deux statuts il convenait de s'arrêter de préférence en cas de doute.

Ce que nous avons dit suffit à démontrer que ce devait être là une affaire de tendance, et même, en certains cas, de caractère. La lutte resta constamment engagée entre les deux principes. Chacun de ces principes avait ses partisans qui le considéraient comme devant être admis dans le doute.

Nous avons ajouté que c'était souvent affaire de caractère; c'est qu'en effet, le milieu social dans lequel se formait la doctrine, était bien manifestement dominé par le principe de territorialité. Ce principe se trouvait à la base du droit positif; s'en éloigner et le combattre pouvait sembler un acte plus ou moins révolutionnaire, on pouvait éprouver quelques scrupules en s'y livrant. La polémique élevée, sur ce chef, entre le président Bouhier et Boullenois est pleine d'intérêt sous ce rapport. Le premier, magistrat haut placé, esprit ardent et résolu, se rattachait hardiment au principe de personnalité; le second, vivant dans une position plus modeste,

« PreviousContinue »