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THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

448547

ABTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.

1909

AUG 31 1909

16018

CONSULAT,

EMPIRE, RESTAURATION.

F 944

L4

mée.

tions.

CHAPITRE PREMIER.

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Proclamation du Gouvernement provisoire. Immobilité de l'ar-
Le comte d'Artois à Paris. - Élan spontané des popula-
Vicissitudes politiques. -Marie-Louise part pour Vienne
avec son fils. - Transactions en Italie. - Armistice de Soult avec
Wellington. Résistance de Davoust à Hambourg; il cède à la
fin.
Scènes touchantes à Fontainebleau. -Départ de Napoléon.
Incidents; oubli du respect dû à son malheur. Traité de
Paris; suspension de la guerre, tristes conditions. - Arrivée du
roi à Calais; discours du Corps législatif à Compiégne. - Pre-
mière lueur de liberté. Déclaration de Saint-Ouen. Entrée
à Paris; joie universelle. — Contrastes. Organisation de l'ar-
mée. Proclamation du roi. Indices d'hésitations et de con-
trastes. - Premier ministère. —Organisation de la maison mili-
taire du roi. Les officiers de l'Empire et les fidèles de l'émi-
gration; embarras politiques. Les traités s'achèvent avec l'Eu-
rope. Irritations; jugements. Conduite de l'Angleterre. —
Nouveau Gouvernement de la France. - Appréciation. - Discours
du roi au Corps législatif. La CHARTE. Contradictions de
l'opinion sur la Charte. Première adresse de la chambre des
députés.—Indices d'interprétations contraires à l'initiative royale.
Mécontentement des royalistes. Le roi travaille à raviver
l'État. Rapport du ministre de l'intérieur sur la situation de
la France. Tableau sinistre. Espérances d'avenir troublées
par l'antagonisme de deux sociétés dans la société française.

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--

Le 11 avril, le Gouvernement provisoire adressa une proclamation à l'armée :

<< Soldats, disait-il, vous n'êtes plus à Napoléon; mais

TOM. 11.

1

vous êtes toujours à la patrie : votre premier serment de fidélité fut pour elle. »

Après quoi, on disait aux soldats les avantages de la Constitution nouvelle :

« Elle vous assure vos honneurs, vos grades, vos pensions. Le Sénat et le Gouvernement provisoire ont reconnu vos droits.... Quelle était votre destinée sous le gouvernement qui n'est plus ? Traînés des bords du Tage à ceux du Danube, des bords du Nil à ceux du Dniéper... vous éleviez, sans intérêt pour la France, une grandeur monstrueuse dont tout le poids retombait sur vous comme sur tout le reste du monde.

>>... Vous ne périrez plus, ajoutait-on, à cinq cents lieues de la patrie pour une cause qui n'est pas la sienne. Des princes nés Français ménageront votre sang, car leur sang est le vôtre; leurs ancêtres ont gouverné vos ancêtres.... Pourriez-vous concevoir quelques alarmes? Ils admiraient dans une terre étrangère les prodiges de la valeur française ; ils l'admiraient en gémissant que leur retour fût suspendu par tant d'exploits inutiles... Restez donc fidèles à votre drapeau ! »

Cette éloquence touchait peu des soldats; l'armée n'avait point été façonnée aux émotions de la politique : ce qu'elle avait su de plus patriotique avait été précisément de courir sur les grandes routes de l'Europe et d'aller se faire tuer à cinq cents lieues de la patrie. Le Gouvernement provisoire voulant dissiper les alarmes, les faisait naître ; accusant l'Empire, il le rendait sacré ! L'armée ne sut que s'étonner à ces paroles que lui adressaient des voix inconnues, et l'apparition de la maison de Bourbon, sous l'impression de désastres et de malheurs ainsi rappelés, pouvait n'être pas sans péril.

Heureusement la bonne grâce du comte d'Artois, frère du roi, fut mieux inspirée que l'éloquence militaire du gouvernement. Il arrivait avec le titre de lieutenant général du Royaume, souriant aux citoyens et à l'armée, comme si jamais il n'eut quitté les palais où s'étaient écoulés ses jeunes ans.

Son entrée à Paris, le 12 avril, fut un triomphe. Le Gouvernement provisoire était allé le recevoir aux barrières avec le corps municipal et plusieurs maréchaux. La gare nationale faisait une double haie de la barrière de Bondy à Notre-Dame. Des multitudes populaires se pressaient sur ses pas; il eut pour les maréchaux, pour les ministres, pour les citoyens, de ces mots heureux qui remuent les âmes mieux que les harangues. Il y avait des caresses dans son regard, et de l'attendrissement dans tous ses traits. On disait qu'aux orateurs du Gouvernement provisoire, il avait répondu « Il n'y a rien de changé; il n'y a qu'un Français de plus. » Et cette parole, circulant parmi le peuple, excitait un frémissement de joie et d'amour; tout Paris fit cortége au prince de Notre-Dame aux Tuileries, et ce ne fut pas sans émotion qu'on vit enfin,`à cinq heures, le frère de Louis XVI entrer dans ce palais si plein de souvenirs. Tous les cœurs palpitaient sous une même pensée, et aussi un mystérieux étonnement se mêlait aux effusions de joie; des larmes coulaient de tous les yeux c'était un de ces bonheurs qui s'exaltent par le contraste des douleurs passées.

Le Sénat voulut jeter son intervention politique dans cette impulsion spontanée des populations; il conféra, par un décret, le gouvernement provisoire au comte d'Artois, en attendant que le Roi eût accepté la charte constitutionnelle. Ainsi prenait-il l'initiative d'une transformation systématique du Gouvernement; c'était comme une sûreté contre la royauté dont il appelait et réglait le retour.

Cependant d'étonnantes déceptions se faisaient voir dans ces vicissitudes de politique. L'Impératrice Marie-Louise s'était refusée à croire que son père put la délaisser; mais la rapidité des événements vint lui ôter ses illusions. Bientôt il lui fallut renoncer à son ombre de régence; on la ramena de Blois à Orléans et d'Orléans à Rambouillet. Alors l'imagination publique put s'étonner de voir cette variété de destinées rapprochées comme dans un cadre par la providence; les souverains de l'Europe à Paris, un Bourbon aux Tuileries, Napoléon Bonaparte à Fontainebleau,

et sa femme, fille des Césars, à quelques lieues, condamnée à ne pas revoir celui qui l'avait fait monter sur un trône, peu auparavant envié par toutes les reines du monde. «Cela me paraît encore, dit un narrateur, aussi extraordinaire aujourd'hui que je l'ai vu, que cela m'eût paru impossible deux ans auparavant. 1. »

Peu après, Marie-Louise partait pour Vienne avec son fils, emportant des souvenirs mêlés de tristesse et de gloire, mais manquant peut-être de pénétration pour sonder ce qu'il y avait d'étrange dans les variations de sa fortune, et s'y soumettant avec une résignation inerte et sans grandeur. En même temps s'accomplissaient partout des transactions de paix.

:

16 avril.-En Italie, le prince Eugène signait à Schiarino Rizzino une convention avec le général autrichien Bellegarde. Ses quarante mille hommes devaient rentrer dans les limites de l'ancienne France; les troupes italiennes occuperaient les pays qui n'étaient pas au pouvoir des alliés la couronne de fer était brisée comme la couronne impériale. Le prince Eugène, toujours Français, quoique vice-roi et gendre du roi de Bavière, fit ses adieux à l'armée d'Italie par une proclamation : « De longs malheurs, disait-il, ont pesé sur notre patrie. La France cherchant un remède à ses maux, s'est replacée sous son antique égide. Le sentiment de toutes ses souffrances s'efface déjà pour elle, dans l'espoir du repos nécessaire après tant d'agitations. >>

Après quoi le prince Eugène remit le commandement au général Grenier, qui ne tarda pas à saluer la royauté qui se levait sur la France.

Tout cédait partout. Dans le Midi, le maréchal Soult signait un armistice avec Wellington. En Allemagne, les généraux restés dans les villes fortes, notamment Rapp à Dantzick, Davoust à Hambourg, après avoir lutté contre les événements, avaient fini par subir la victoire. Davoust fut le plus opiniâtre à garder sa fidélité à l'Empire, mais

'Bourrienne. - Mém., tom. X.

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