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Cependant l'esprit royal continuait à se manifester par quelques actes en dehors de la marche constitutionnelle de l'Etat. Une négociation s'était ouverte à Rome avec le Pape Pie VII, en vue de donner à l'Eglise de France une constitution plus large que celle que lui avait faite le Concordat de 1801. Un Concordat nouveau fut la fin de cette négociation, et M. Lainé, ministre de l'intérieur, l'apporta à la chambre des députés [21 novembre] avec un projet de loi pour le ratifier.

L'Église de France, disait le ministre en terminant son exposé des motifs, l'Église de France s'agrandit mais net renaît pas. Les avantages qui étaient résultés du précédent Concordat, soit pour le rétablissement de la religion, soit pour la paix de l'État, sont consolidés; la dotation des évêques est assurée; de sages précautions vous garantissent le maintien de ces libertés précieuses que saint Louis, Henri IV et Louis XIV ont tour à tour protégées, que nos plus grands et nos plus saints docteurs ont défendues. Vous vous empresserez de les placer sous la garantie constitutionnelle, et de régler, par une loi nécessaire, les rapports de l'Église et de l'État, de cette Église que la France porte en son sein et qui a tant contribué à sa gloire; à laquelle nous sommes redevables des Bossuet, des Fénelon, et qui, unissant les lumières à la pureté de la Foi, le zèle religieux à l'amour de la patrie, le dévouement pour le Roi à la sainteté des mœurs, a mérité le respect et la vénération de tous les peuples. C'est à vous que le Roi confie la défense des droits sacrés de la couronne et de la Nation, persuadé que vous affermirez, par la sagesse de vos délibérations, cette heureuse concorde qu'on doit voir régner entre le sacerdoce et l'Empire. »

Après quoi le ministre lut son projet de loi; voici quelles en étaient les premières dispositions.

« I. Conformément au Concordat passé entre François I" et Léon X, le Roi seul nomme, en vertu du droit inhérent à la couronne, aux archevêchés et évêchés dans toute l'étendue du royaume.

» Les archevêques et évêques se retirent auprès du

Pape pour en obtenir l'institution canonique, suivant la forme anciennement établie.

» II. Le Concordat du 15 juillet 1801 cesse d'avoir son effet à compter de ce jour, sans que néanmoins il soit porté aucune atteinte aux effets qu'il a produits et à la disposition contenue en l'art. 3 de cet acte, laquelle demeure dans toute sa force et vigueur.

>> III. Sont érigés sept nouveaux siéges archiepiscopaux et trente-cinq nouveaux siéges épiscopaux. »

Suivaient les clauses de circonscription, et les réserves sur la publication des bulles et les cas d'abus'.

Cet acte était comme une révolution dans l'Église de France. Il ramenait les questions périlleuses qu'avait excitées le Concordat de 1801, en les compliquant de difficultés nouvelles; dès qu'en effet, le Concordat de François I" et de Léon X était remis en vigueur, les actes qui avaient détruit la constitution de l'ancienne Église de France pouvaient paraître infirmés, et les oppositions de ceux de ses évêques qui avaient jusque-là méconnu l'autorité de ces actes, semblaient justifiées. D'autre part, l'invocation du vieux droit offensait ceux qui ne croyaient qu'au droit de la Révolution, et ainsi, une blessure était faite aux opinions. les plus opposées; celles qui invoquaient les libertés de l'Église, s'irritaient de l'indépendance laissée à l'intervention du Pape, et celles qui combattaient pour l'intégrité du droit du Pape, s'irritaient des restrictions posées à l'exercice de sa puissance.

Ce fut dans les chambres et dans la presse une extrême confusion, et le public, peu imbu de notions techniques sur des questions si délicates, put aisément se laisser aller aux impressions fausses ou extrêmes que les partis en firent jaillir. Les écrivains politiques se mêlèrent aux controverses de théologie. L'abbé de Pradt y apporta la verve de sa passion; Fiévée, la vivacité de ses railleries; Lanjuinais, l'amertume de ses rancunes. La personnalité

Voir le texte. - Mém. historiques sur les affaires ecclésiastiques, etc., tom. ill.

s'ajouta aux conflits d'opinions; et comme la plupart des noms déjà désignés aux siéges nouveaux appartenaient aux vieilles races aristocratiques, ce fut une occasion de plus de murmure. La France, en un mot, fut agitée par des disputes ardentes, et ce ne fut pas le caractère le moins triste de ce trouble, de voir le mécontentement des partis ennemis de l'Église s'aggraver par la plainte du clergé contre un acte si largement propice à ses vœux. Les opinions sceptiques n'en furent que plus irritées, et M. Lainé, trop facile au découragement, désespéra d'achever son œuvre contre des oppositions si complexes et si imprévues.

Mém. historiques sur les aff. eccl., tom. III.

CHAPITRE V.

Système constitutionnel. Difficultés du Gouvernement. Ajournement des lois sur la presse et sur le concordat. Loi sur le recrutement. Scissions royalistes. - Violences du parti modéré; réponses amères. Fiévée en police correctionnelle. - Irritations contre M. de Cases. - Inventions de complots; le parti royaliste conspirateur; combats acharnés de politique. Loi du budget; conditions de la libération du territoire. Les souverains étran

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gers aux Tuileries. Session nouvelle. - Système du Juste-Milieu; modification de la loi d'élections; fournée de pairs. Troubles publics. Marche du Gouvernement.; protection de l'industrie publique. Élections; nomination d'un régicide. Indices funestes. Révolte militaire à Cadix, factions ardentes en France. Assassinat du duc de Berry; scènes atroces; effroi public. Jugements de l'histoire. Tumulte à la chambre; accusation de M. de Cases; projets de loi; changements de ministres. Troubles dans les rues. Jugement et supplice de Louvel.

Suite des agitations populaires.

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tion. - Congrès de Laybach. Naissance du duc de Bordeaux.

-

Les luttes continuent.

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Madier de Montjau. — Modifications ministérielles. - Résolution du congrès de Laybach contre la Révolution. Compression des révolutions d'Italie. - Explosion de pétards aux Tuileries. Trouble dans les écoles. - Baptême du duc de Bordeaux. Mort de Napoléon. Déclaration des souverains à Laybach. Entrée des royalistes aux affaires. — Orages dans la chambre des députés. Changement complet de politique. M. de Villèle ministre. Situation de la France.

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1818-1821.-Dans le système constitutionnel, toute la vic politique de l'Etat semblait désormais concentrée dans les chambres; mais hors des chambres se constituait une force à laquelle les chambres finiraient par obéir; cette force s'appela du nom vague d'opinion publique ; elle avait son expression dans les écrits politiques et dans les journaux, et quelque soin que prît le gouvernement de la contenir par des lois, la liberté de la presse, stipulée dans

la Charte, n'était pas moins le principe d'un pouvoir qui, à la longue, maîtriserait tous les autres.

Or, tous les partis aspirant à dominer, on les vit tous s'attacher à la liberté de la presse comme à un levier pour briser les obstacles qui s'opposeraient à leur triomphe.

De là vint l'indécision des législations sur cette matière ; de là aussi l'affaiblissement inévitable de l'autorité. Toute la Restauration devait se passer en tâtonnement et en contradiction, et ce ne fut pas la moindre cause de ses malheurs.

Le ministère, à la fin 1817, venait d'éprouver la difficulté de faire une loi sur la liberté d'écrire ; il avait porté un projet pour lequel s'étaient aussitôt armées les oppositions les plus diverses de pensée et d'intérêt. Nulle solution ne semblait possible; on prit le parti soudain de retirer le projet discuté et déjà meurtri par des amendements, et de proroger jusqu'à la fin de la session de 1818 la loi provisoire qui interdisait la publication des journaux sans l'autorisation du roi. Ainsi apparaissait la difficulté de gouverner, dans un système d'Etat où la presse avait son action sur les chambres et où les chambres fatiguaient le pouvoir par la variété de leurs systèmes, sans lui en imposer un qui pût l'affermir par la constitution de majorités véritables.

Il en fut de même de ce projet de loi sur le concordat, autour duquel s'étaient allumées des passions si contraires. Il y eut des consciences inquiètes qui crurent de. voir s'adresser au Pape pour s'assurer s'il était permis de voter une loi qui consacrait les réserves de l'État en ce qui concernait la publication des bulles, comme si les doctrines de l'Église devaient être soumises à l'examen laïque pour avoir leur validité. Tel n'était pas le sens attaché à l'exercice du droit de l'État, quelque blessant que ce droit parût dans sa forme pour l'autorité du Pape; c'était une tradition parlementaire sur laquelle il convenait peu d'appeler l'avis du Pape, car on le faisait de la sorte entrer dans une délibération de loi; et aussi le bref qui vint de Rome, en réponse au comte de Marcellus, porta le trouble dans l'assemblée et dans le Gouvernement, et bientôt fut

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