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faire pressentir aux esprits prophétiques un travail caché de réaction où risquerait de périr cette royauté si populaire, mais dont la vue était un remords pour ceux qui, depuis trente ans, l'avaient attaquée par tant de crimes inutiles.

1657

CHAPITRE IV.

Napoléon est embarqué sur le Bellerophon; sa lettre au prince régent d'Angleterre. Fin de sa destinée. Gouvernement du roi.Patriotisme de Louis XVIII. Passions politiques; assassinats. Ordonnances du 24 juillet; deux listes de proscrits; liberté Punitions militaires. Labédoyère. — Incidents;

des apologies.

restes de guerre.

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Organisation de l'armée.

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Procès criminels. Les frères Faucher, de La Réole; le maréchal Ney. - Changement de ministère. Le duc de Richelieu et M. de Cases. Ouverture de la session; noble langage du roi. Deux pairs refusent de prêter serment à la Charte; même exemple donné à Toulouse par M. de Villėle. Derniers épisodes de l'Empire; catastrophe de Murat. F.n lamentable. — Troubles du Midi; suite du procès de Ney; condamnation de Lavalette. - Traité définitif avec l'Europe. Douleur et colère. Procès de Ney; condamnation; noble mort. Évasion de Lavalette. Établissement des cours prévôtales. Rétablissement des affaires. Acte d'amnistie. Exaltation royaliste. Le testament de la reine MarieAntoinette est retrouvé dans les papiers de Courtois. Mariage du duc de Berry. Reconstitution de l'Institut. - Travaux législatifs. Budget. Économie. Règlement de l'arriéré. Scission dans le parti royalisté. Désignation nouvelle des partis d'opposition. Passions religieuses. Sédition de Grenoble. Punitions extrêmes. Jugements divers. La duchesse de Berry arrive en France; pompes du mariage.-Création de maréchaux; sanction de l'ordre de la Légion-d'Honneur. -Entreprises de conspiration. Changement de politique. Ordonnance du 5 septembre. Écrit de Châteaubriand.-Autres complots.-Chambre nouvelle; discours du roi. Réponse des députés. Mécontentements et irritations. Disette. Loi d'élections. Loi sur la liberté individuelle ; loi sur les journaux; ardeur des oppositions. Pensions militaires.-Désordres en quelques lieux. - - Gouvion-St-Cyr ministre de la guerre. Élections; première épreuve de la loi. Triomphe de la classe moyenne.. - Discours du roi. - Négociations à Rome pour un Concordat. Discours de M. Lainé.-Conflits d'opinions.

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Le jour où Louis XVIII rentrait dans Paris, Napoléon s'embarquait sur la frégate la Saale, qui devait, avec la

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Méduse, le transporter aux États-Unis. Mais déjà des pressentiments entraient dans son esprit, et ils s'accrurent à l'aspect d'une escadre anglaise, qui avait ordre de s'opposer à la sortie de tout bâtiment où Napoléon serait embarqué. De jeunes officiers de marine s'engageaient sur leur tête à l'enlever et à le conduire en Amérique ; il aima mieux s'aventurer à sa destinée, et se confier à la foi de l'Angleterre. Son frère Joseph fut autrement inspiré ; il se laissa conduire à Boston par un capitaine américain.

Napoléon se fit donc déposer sur le vaisseau anglais le Bellerophon, et de là il écrivit au prince régent le billet suivant : « Altesse Royale, en butte aux factions qui divisent mon pays et aux inimitiés des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m'asseoir au foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de Votre Altesse Royale, comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis. » Napoléon.

Pour réponse, le prince régent fit savoir à Napoléon que l'Angleterre, afin d'assurer la tranquillité de l'Europe, avait choisi pour sa résidence l'île de Sainte-Hélène, où il serait permis de lui laisser plus de liberté que dans aucun autre lieu du monde. Napoléon foudroyé protesta contre cette violation de tous les droits. « Aussitôt assis à bord du Bellerophon, disait-il dans sa note de protestation, je fus sur le foyer du peuple britannique. Si le gouvernement anglais, en donnant l'ordre au capitaine de me recevoir ainsi que ma suite, n'a voulu que tendre une embûche, il a forfait à l'honneur et flétri son pavillon.

» J'en appelle à l'histoire, ajoutait-il; elle dira qu'un ennemi, qui fit vingt ans la guerre au peuple anglais, vint librement, dans son infortune, chercher un asile sous ses lois. Quelle plus éclatante preuve pouvait-il donner de son estime et de sa confiance! Mais que répondit-on en Angleterre à lant de magnanimité? On feignit de tendre une main hospitalière à cet ennemi, et quand il se fut livré de bonne foi, on l'immola ! »

L'Angleterre n'eut pas l'air d'entendre ces reproches et ces invocations à la justice et à la postérité. Aussi bien elle servait d'instrument aux vengeances concertées de l'Europe. Dès le 2 août, une convention, signée à Paris par les puissances, déclarait Bonaparte leur prisonnier et confiait sa garde au gouvernement britannique. Chacune des puissances devait envoyer un commissaire au lieu que l'Angleterre aurait choisi pour le séjour du prisonnier ; et l'Angleterre s'engageait à remplir les obligations qui résulteraient pour elle de la convention. Telle était donc la fin de cette destinée. Après avoir remué le monde, brisé dix couronnes, conquis, bouleversé, reconstitué l'Europe à sa guise, Napoléon, à la fleur de l'âge, allait être cloué dans une petite île, au fond de l'Océan ; là s'en allait mourir le bruit de tant de gloire. Jamais ce que les hommes appellent la fortune n'apparut avec des retours si mystérieux, ou plutôt jamais la Providence ne se révéla par des éclats de punition aussi effroyables. L'histoire s'étonne, et même elle s'attendrit devant une si grande adversité; la Fable antique n'eut rien imaginé de plus fatal, et, quelles qu'eussent été les témérités qui avaient provoqué de telles expiations, la colère même ne pouvait faire qu'un profond et douloureux intérêt ne s'attachât à l'homme étrange que les souverains frappaient par une justice aussi impitoyable.

Louis XVIII, étranger à ces actes des puissances, avait repris les soins du gouvernenient. Il avait, dès le premier jour, appelé au ministère des hommes formés à l'école de l'Empire. On s'étonna de voir dans ce ministère Fouché, qui venait de jouer des rôles ambigus ; c'était peut-être ce qui lui faisait un titre, en dépit de cet autre souvenir de régicide qui semblait devoir l'éloigner du contact du frère de Louis XVI. Talleyrand, qui venait de rendre à Vienne des services, fut président du conseil ; un choix des ministres d'État indiqua des pensées de rapprochement politique. L'administration publique fut refaite en ce sens, L'ordre judiciaire fut reconstitué. Et, de leur côté, les corps publics se hâtaient de publier des actes de soumission, d'adhésion ou d'amour. L'armée de la Loire, com

mandée par Davoust, fit sa soumission au roi. Toute l'armée fut réorganisée ; en peu de jours, le royaume eut repris un aspect d'ordre et de discipline. Mais la présence des armes étrangères à Paris était triste, et pouvait donner lieu à des actes blessants pour l'honneur public. Louis XVIII sut adoucir ce que l'occupation avait d'amer et de périlleux. Au commencement, les officiers prussiens avaient essayé de faire sentir leur victoire, et ils s'étaient rendus avec des mineurs au pont d'Iéna pour le faire sauter. C'était, disaient-ils, une représaille de la destruction de la colonne de Rosbach, renversée à Berlin par l'armée française. Tout Paris s'émut à cette menace, et Louis XVIII fit appeler les chefs de l'armée prussienne : « Je vais, leur dit-il, me rendre sur le pont qu'on veut faire sauter; prévenez qu'on a tende! » Les furieux vainqueurs furent désarmés; mais les noms des monuments qui rappelaient les défaites de l'Europe furent changés : blessure vainement tempérée par la dignité du monarque.

En France, les passions politiques restaient en présence. Les violences commises dans les Cent-Jours par les fédérés, avaient allumé dans le Midi d'horribles colères. Déjà les vengeances grondaient à Nîmes; Louis XVIII s'appliqua vainement à les contenir.

Les corps francs furent désarmés. Le duc d'Angoulême, envoyé dans le Midi avec de grands pouvoirs, s'efforça de contenir les passions; mais les populations rompaient tous les freins. A Avignon, le maréchal Brune fut cruellement assassiné, malgré tous les efforts du préfet pour le protéger; la populace enivrée, traîna son corps dans les rues et le jeta dans le Rhône. A Toulouse, le général Ramel fut victime d'un mouvement populaire; il venait de prendre possession du commandement dans la Haute-Garonne; ses premiers actes de modération irritèrent la populace qui pensa faire de l'enthousiasme royaliste, en assassinant dans les rues un général envoyé par le roi. Ailleurs, la ferveur se signalait par des actes moins cruels, mais non pas moins funestes pour la dignité du monarque. Le maréchal Ney avait cherché un asile au château de Bessonis,

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