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ANNEXE G.

Dépêche adressée aux missions impériales auprès des cours de Florence, Rome, Naples et Modène, en date de Vienne le 18 mai 1855.

Les interpellations adressées à M. le président du conseil de Sa Majesté Sarde au sujet du traité de paix signé à Paris le 30 mars dernier, ont donné lieu dans les chambres piémontaises à des discussions qui ont sans doute attiré la sérieuse attention du gouvernement... tout comme elles ont fixé la nôtre.

Dans le cours de ces débats, le comte Cavour a déclaré que les plénipotentiaires de l'Autriche et de la Sardaigne au congrès de Paris s'étaient séparés avec la conviction intime que les deux pays étaient plus éloignés que jamais de tomber d'accord sur leur politique, et que les principes soutenus par l'un et l'autre gouvernement étaient inconciliables.

Après avoir pris connaissance des explications données par le comte Cavour au parlement piémontais, nous ne pouvons, je l'avoue, que souscrire à l'opinion qu'il a émise sur l'infranchissable distance qui nous sépare de lui sur le terrain des principes politiques. Parmi les pièces justificatives que le président du conseil a soumises à l'appréciation des chambres, la note présentée, sous la date du 16 avril dernier, par les plénipotentiaires piémontais aux chefs des cabinets de Paris et de Londres, nous a semblé particulièrement digne d'observation. Réduite à sa plus simple expression, cette pièce n'est qu'un plaidoyer des plus passionnés contre l'Autriche. Le système de compression et de réaction violente inauguré en 1848 et 1849 doit nécessairement, affirme le comte Cavour, maintenir les populations dans un état d'irritation constante et de fermentation révolutionnaire; et les

moyens employés par l'Autriche pour comprimer cette fermentation, les occupations permanentes de territoires qui ne lui appartiennent pas, détruisent, selon le président du conseil, l'équilibre établi par le traité de Vienne, et sont une menace continuelle pour le Piémont.

Les dangers créés pour la Sardaigne par l'extension de puissance de l'Autriche sont, aux yeux du comte Cavour, si flagrants, qu'ils pourraient d'un moment à l'autre forcer le Piémont à adopter des mesures extrêmes, dont il est impossible de calculer les conséquences. C'est ainsi que les appréhensions qu'inspire au chef du cabinet sarde l'attitude de l'Autriche en Italie, lui servent de prétexte pour lancer contre nous une menace à peine déguisée, et que rien assurément n'a provoquée.

L'Autriche, pour sa part ne saurait d'aucune façon admettre la mission attribuée par le comte Cavour à la cour de Sardaigne, d'élever la voix au nom de l'Italie. Il y a dans cette presqu'île différents gouvernements complètement indépendants l'un de l'autre, et reconnus comme tels par le droit public de l'Europe, qui, en revanche, ignore entièrement l'espèce de protectorat auquel le cabinet de Turin semble aspirer à leur égard. Quant à nous, nous savons respecter l'indépendance des divers gouvernements établis dans la Péninsule, et nous croyons leur offrir une nouvelle preuve de ce respect en faisant en cette occasion franchement appel à leur jugement impartial.

Ils ne nous démentiront pas, nous en sommes persuadés, lorsque nous posons en fait que le comte Cavour eût été beaucoup plus près de la vérité en intervertissant le raisonnement dont il a fait usage. A l'entendre, il n'y a que la présence prolongée de troupes auxiliaires dans quelques États italiens, qui entretient dans les esprits le mécontentement et la fermentation. Ne serait-il pas infiniment plus juste de dire que la continuation de l'occupa tion n'est rendue nécessaire que par les machinations incessantes du parti subversif, et que rien n'est plus fait pour encourager ses coupables espérances et pour surexciter ses passions ardentes, que le langage incendiaire dout a naguère retenti l'enceinte du parlement piémontais?

Le comte Cavour a établi que la Sardaigne, jalouse de l'in

dépendance d'autres gouvernements, n'admet point qu'une Fuissance quelconque puisse avoir le droit d'intervenir dans un autre État, en eût-elle été franchement requise par celui-ci. Pousser le respect de l'indépendance d'autres gouvernements au point de leur contester le droit d'appeler à leur secours, dans l'intérêt de leur conservation, une Puissance amie, c'est là une théorie à laquelle l'Autriche a constamment refusé son adhésion. Les principes professés par l'Autriche en pareille matière sont trop connus pour que nous sentions le besoin de les exposer de nouveau. C'est dans l'exercice d'un droit de souveraineté incontestable, que l'Empereur et ses augustes prédécesseurs ont plus d'une fois prêté des secours armés à des voisins qui les avaient réclamés contre des ennemis extérieurs ou intérieurs. Ce droit, l'Autriche entend le maintenir et se réserver la faculté d'en faire éventuellement usage. Est-il permis, du reste, à qui que ce soit, d'avoir des doutes sur les intentions qui ont présidé aux interventions auxquelles l'Autriche s'est prêtée à différentes époques en Italie, lorsque l'histoire est là pour démontrer qu'en agissant ainsi, nous n'avons jamais poursuivi des vues intéressées, et que nos troupes se sont sur-le-champ retirées dès que l'autorité légitime déclarait pouvoir maintenir l'ordre public sans secours étrangers? Il en sera toujours de même. Tout comme nos troupes ont quitté la Toscane à peine l'ordre légal s'y trouvait suffisamment consolidé, elles seront prêtes à évacuer les États pontificaux dès que leur gouvernement n'en aura plus besoin pour se défendre contre les attaques du parti révolutionnaire. Loin de nous, au reste, de prétendre exclure du nombre des moyens propres à faciliter ce résultat, de sages réformes intérieures que nous n'avons discontinué de conseiller au gouvernement de la Péninsule, dans les limites d'une saine pratique et avec tous les égards dus à la dignité et à l'indépendance d'États au sujet desquels nous ne reconnaissons pas au cabinet de Turin le droit de s'ériger en censeur privilégié. Mais nous sommes persuadé, d'un autre côté, que les démolisseurs ne cesseront de dresser leurs machines de guerre contre l'existence des gouvernements réguliers en Italie aussi longtemps qu'il y aura des pays qui leur accorderont appui et protection, et des hommes d'Etat qui ne craignent point de faire indi

rectement appel aux passions et aux tendances destructives. En résumé, loin de nous laisser détourner de notre ligne de conduite par une sortie inqualifiable, qui, nous voulons bien l'admettre, a été amenée surtout par le besoin d'un triomphe parlementaire, nous attendrons de pied ferme les événements, persuadés que l'attitude des gouvernements italiens, qui ont été comme nous l'objet des attaques du comte Cavour, ne différera pas de la nôtre. Prêts à applaudir à toute réforme bien entendue, à encourager toute amélioration utile émanée de la volonté libre et éclairée des gouvernements italiens, à leur offrir notre appui moral et notre concours empressé pour le développement de leurs ressources et de leur prospérité, l'Autriche est aussi fermement décidée à user de tout son pouvoir pour repousser toute agression injuste de quelque côté qu'elle vienne, et pour concourir à faire. avorter, partout où s'étend sa sphère d'action, les tentatives des artisans de troubles et des fauteurs de l'anarchie.

Je vous charge, Monsieur, de donner communication de cette dépêche à M. ... et de me rendre compte des explications que vous en obtiendrez en retour.

....."

Signé BUOL.

ANNEXE H.

Déclaration du congrès de Paris sur le droit maritime,
datée du 16 avril 1856.

Les plénipotentiaires qui ont signé le traité de Paris du trente mars mil huit cent cinquante-six, réunis en conférence,

Considérant :

Que le droit maritime, en temps de guerre, a été pendant longtemps l'objet de contestations regrettables;

Que l'incertitude du droit et des devoirs en pareille matière donne lieu, entre les neutres et les belligérants, à des divergences d'opinion qui peuvent faire naître des difficultés sérieuses et même des conflits;

Qu'il y a avantage, par conséquent, à établir une doctrine uniforme sur un point aussi important;

Que les plénipotentiaires assemblés au congrès de Paris ne sauraient mieux répondre aux intentions dont leurs gouvernements sont animés, qu'en cherchant à introduire dans les rapports internationaux des principes fixes à cet égard;

Dûment autorisés, les susdits plénipotentiaires sont convenus de se concerter sur les moyens d'atteindre ce but, et, étant tombés d'accord, ont arrêté la déclaration solennelle ci-après;

1o La course est et demeure abolie;

2o Le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, à l'exception de la contrebande de guerre;

3o La marchandise neutre, à l'exception de la contrebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon ennemi;

4o Les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs, c'est-à-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi.

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