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ment ce vicariat, annullant perpétuellement toute puissance, juridiction et droits que le comte de Savoie, ou ses successeurs pourraient prétendre sur Genève et ses dépendances. <<< Finalement, sur la contumace du comte, fut rendue une quatrième sentence datée de Prague, du 15 février, pour confirmer cette révocation, sous peine de 1,000 marcs d'or applicables, moitié au fisc et moitié à partie. »

L'évêque Guillaume de Marcossay, voyant qu'au mépris de toutes ces sentences impériales, le comte Vert ne rendait pas à l'église de Genève les droits qu'il avait usurpés, s'adressa au pape Grégoire XI qui siégeait alors à Avignon; et le comte de Savoie, qui avait encouru l'excommunication pendant plusieurs années, jusqu'à ce qu'il eût renoncé au vicariat, consentit enfin à se soumettre à la décision du souverain pontife. Cette décision dut satisfaire l'évêque de Genève. Le pape Grégoire commanda au comte de restituer tout ce qu'il avait usurpé appartenant à l'Église, et de rapporter, sans délai, entre les mains de l'évêque, les lettres impériales qui avaient servi de prétexte à ses usurpations, réservant d'ailleurs à chacune des parties ses droits sur le vidomnat et sur le châ– teau de L'Isle que l'évêque réclamait comme appartenant de plein droit à son église.

Le comte Vert tint parole et se soumit à la décision papale. Par un acte passé à Thonon, le 25 du mois de juin 1375, il rendit à l'évêque tout ce qu'il avait usurpé, promettant pour lui et ses successeurs de ne jamais l'inquiéter là-dessus à l'avenir.

Au milieu de toutes ces guerres des comtes de Savoie contre les comtes de Génevois, et de tous leurs conflits de juridiction avec les évêques de Genève, la commune ne restait pas inactive; «elle conquestait chaque jour, dit Bonnivard, de nouvelles libertés. » C'était pour conserver ces précieuses conquêtes que le peuple de Genève s'était tourné contre l'évê

que, Pierre de Faucigny, qui soutenait le comte de Génevois, et qu'il s'était rangé du côté d'Edouard et d'Aimon de Savoie, fils d'Amé-le-Grand, qui lui avait promis, comme nous l'avons vu, de protéger ses droits et ses franchises. Guardabimus, avait-il dit en latin barbare du temps, contra omnes villam vestram, jura vestra, franchesas vestras, «nous défendrons contre tous votre ville, vos droits et vos franchises. » Aussi le peuple reconnaissant s'était-il laissé excommunier plutôt que d'abandonner leur cause. Il avait bravement aidé, malgré les foudres de l'Église, les fils d'Amé-le-Grand à détruire le château du Bourg-du-Four que possédait le comte de Génevois, et qu'on appelait aussi le château de Genève. Il est vrai de dire que cette forteresse, bâtie dans un des faubourgs de la ville, menaçait son indépendance, et qu'en la renversant, le peuple travaillait pour sa liberté.

Mais, si le peuple de Genève avait embrassé la cause d'Améle-Grand, parce qu'il protégeait ses franchises, nous l'avons vu s'unir à son évêque, Guillaume de Marcossay, lorsque le comte Vert, en sa qualité de vicaire de l'empire, voulut enlever au prélat sa juridiction temporelle. Nous avons vu les syndics, par ordre du conseil général, se joindre au prélat pour demander à l'empereur de révoquer ce vicariat, dont le comte s'était servi pour dominer Genève.

Ce que demandait avant tout le peuple génevois, c'était de conserver ses libertés et ses franchises sous le gouvernement de ses évêques, seuls princes légitimes qu'il ait jamais reconnus. Car si, comme le dit Bonnivard, il conquestait chaque jour quelques libertés nouvelles, la plupart étaient si anciennes qu'elles se perdaient dans la nuit des temps. Les évêques, en entrant en charge, juraient de les observer; ils leur donnaient même parfois une sanction légale par des actes confirmatifs, véritables chartes constitutionnelles qui consacraient les droits du peuple et les garantissaient dans

l'avenir contre les infractions des prélats eux-mêmes. On connaît une de ces chartes que publia, en 1387, l'évêque Adémar Fabri. Ce sont, dit-il dans le préambule de l'acte qu'il promet en son nom et au nom de ses successeurs d'observer de bonne foi, ce sont certaines coustumes par lesquelles nos féaux citoyens, bourgeois, habitans et jurez de ladite cité usent et jà devant sont accoustumez de user, par l'espace de si longtemps qu'il n'est mémoire du contraire. Cet acte qui a été imprimé, en 4507, contient, entr'autres articles : << Que les procès intentés devant le vidomne ne seront point traités par écrit, ni en latin, mais verbalement et en langage maternel qui dans l'acte est nommé roman ou romain. Que les procès criminels ne seront jugés que par les syndics, élus par les bourgeois. Que personne ne sera appliqué à la question que par ses juges. Que personne ne pourra vendre du vin, s'il n'est citoyen, bourgeois ou chanoine. Que la garde de la ville, depuis le soleil couché jusqu'au soleil levé, appartiendra aux citoyens, et que l'évêque, ni tout autre en son nom, ne pourra exercer aucune juridiction à ces heures, mais seulement les citoyens qui auront alors toute juridiction, pur et mixte empire. Que les citoyens, bourgeois et jurés de la ville pourront créer, toutes les années, quatre syndics ou procureurs de la ville, à qui ils donneront plein pouvoir pour les affaires de la communauté. »

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Cependant, afin de prendre pied insensiblement dans la ville de Genève, les comtes de Savoie s'adressaient tantôt à l'évêque, tantôt aux syndics, tantôt à l'évêque et aux syndics. à la fois, pour avoir la permission d'y habiter avec leur cour et leur conseil pendant un certain temps, après lequel ils demandaient une prolongation de séjour. Ils donnaient ordinairement des déclarations qu'ils ne prétendaient tirer de leur séjour dans la ville aucune conséquence, ni préjudicier à sa juridiction et à sa liberté. Quelquefois aussi, ils deman

daient qu'il leur fût permis d'y rendre la justice à leurs sujets qui s'y rencontraient pendant leur séjour. « On voit dans les archives, dit Spon, une douzaine de tels actes depuis l'an 1390 jusqu'en 1513. » C'est ainsi que le comte Amé VII, dit le comte Rouge, déclara dans un acte authentique daté du 26 avril 1391, «que par l'exercice de juridiction qu'ont fait et feront Louis de Cossonay et son conseil résidant à Genève, jusqu'au 1er septembre suivant, par une spéciale concession de l'évêque, il n'entend ni ne veut déroger à la juridiction de l'évêque et de l'église de Genève, ni acquérir quelque droit. >>

CHAPITRE II. (1401 A 1504.)

Le patriarche Jean de Pierre-Cise.

Séance mémorable da Conseil général.

Les prétentions du duc de Savoie sont repoussées par l'évêque, le peuple et le clergé. Le duc de Savoie devenu pape. Sa conduite envers Genève.

Pendant trois siècles, les comtes de Savoie s'étaient trouvés en concurrence avec les comtes de Génevois, pour disputer aux évêques de Genève leur juridiction temporelle; et cette concurrence, qui engendra de cruelles et longues guerres, avait servi à conserver aux prélats leur autorité. Mais dès le commencement du XVme siècle, les comtes de Savoie cessérent d'avoir des rivaux. Ils se trouvèrent seuls en présence de ce pouvoir sacerdotal, qui n'avait pour se défendre que son bon droit et l'amour du peuple. En effet, Odo de Villars, ayant hérité du titre de comte de Génevois, le céda, en 4404, à Amé VIII, comte de Savoie, pour 45,000 livres d'or (1), et ce même Amé VIII fut créé, en 4447, à Montluel, par l'empereur Sigismond, duc et vicaire du saint empire romain.

Le nouveau duc de Savoie, vidomne de Genève et comte de Génevois, pensa qu'il n'avait qu'à tendre la main pour saisir cette souveraineté temporelle que ses ancêtres avaient

(1) Guichenon, HIST. DE LA MAISON DE SAVOYE, 2 vol., p. 454.

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