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versel. Effectivement, il représenterait seul alors le défunt, et il serait en conséquence personnellement tenu de la totalité des dettes héréditaires, sauf son recours contre les successeurs ou légataires jusqu'à concurrence des biens qu'il leur aurait délivrés. Cette solution est aussi conforme à la tradition qu'aux principes: en effet, Pothier disait que la délivrance faite aux successeurs irréguliers ou aux légataires de leur part dans la succession ne désoblige pas l'héritier envers les créanciers, qui peuvent toujours voir en lui le continuateur du défunt et le poursuivre comme ils auraient poursuivi le défunt lui-même, c'est-à-dire pour la totalité.

Passons aux cas exceptionnels où le droit de poursuite est plus étendu que la contribution aux dettes. Un héritier peut être poursuivi pour le tout, quoique la loi l'ait constitué débiteur d'une partie seulement.

1° Lorsqu'il détient un immeuble grevé de privilége ou d'hypothèque au profit d'un créancier de la succession (art. 873). Le privilége et l'hypothèque sont en effet indivisibles (art. 2114), et donnent au créancier le droit de poursuivre pour la dette entière quiconque, débiteur ou non, possède l'immeuble affecté de privilége ou d'hypothèque. Ainsi, le légataire particulier et même un tiers totalement étranger à la succession peuvent être poursuivis absolument comme l'héritier (art. 2166).

2° Lorsque tous les héritiers conviennent que l'un d'eux payera la totalité de certaines dettes pour compenser, soit des charges semblables imposées aux autres héritiers, soit des avantages excessifs qui lui auraient été faits dans le partage. Dans ce cas, en effet, l'héritier s'engage personnellement à supporter plus dans les dettes dont il s'agit que la loi ne l'obligeait à payer, et il est de principe que l'on peut être poursuivi jusqu'à concurrence de ce que l'on doit définitivement supporter. Seulement la convention des héritiers n'a rien d'obligatoire pour les créanciers qui, au lieu de poursuivre l'un d'eux pour la totalité de certaines dettes, auront

toujours la faculté de les poursuivre tous proportionnellement à leurs parts héréditaires, sauf le recours de ceux qui auront payé sans être débiteurs contre ceux qui devaient payer.

3° Lorsque la dette est indivisible ou a pour objet un corps certain, ou doit être acquittée intégralement par un seul des héritiers, aux termes du contrat dont elle résulte (art. 1221). Nous reviendrons plus tard sur ces trois hypothèses.

Du RECOURS entre cohéritiers. —Quand un des héritiers a payé plus que sa part contributoire dans les dettes, et à plus forte raison quand un légataire particulier a payé une dette hypothéquée sur un immeuble dont il était détenteur, un recours est ouvert contre les héritiers auxquels a profité ce payement. Examinons d'abord le recours du légataire particulier.

Le légataire a une double action :

1° L'action qu'avait le créancier par lui désintéressé. En effet, aux termes de l'art. 874, il est subrogé de plein droit à sa créance et à tous les accessoires qui la garantissent.

2o Une action de gestion d'affaires; et en effet, le légataire particulier a utilement géré les affaires des héritiers, en payant une dette de la succession: or, aux termes de l'art. 1375, toute gestion utile donne un recours contre celui qui en a profité. L'action récursoire du légataire est garantie par une hypothèque générale sur tous les biens de la succession (art. 1017). On peut, dès lors, se demander quelle sera pour lui l'utilité de sa subrogation aux droits du créancier. Le voici :

L'hypothèque du légataire porte seulement sur les biens laissés par le testateur au jour du décès, tandis que l'hypothèque du créancier peut porter sur des biens aliénés avant l'ouverture de la succession. De plus, le rang de la première ne date que de l'inscription qui en est prise par le légataire (art. 2146), inscription nécessairement postérieure au décès; tandis que celui de la seconde date de l'inscription prise par

le créancier, inscription presque toujours antérieure au décès. Passons au recours de l'héritier :

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Lorsqu'un héritier a payé plus que sa part dans une dette de la succession, son recours n'est pas soumis aux mêmes règles que celui du légataire particulier. D'abord, son action personnelle est garantie par un privilége sur tous les immeubles de la succession (art. 2103 30), et non plus par une simple hypothèque. Mais est-il, comme le légataire, subrogé de plein droit à l'action du créancier ? Non, si l'on s'en tient aux termes de l'article 875 qui, prévoyant et réglant l'hypothèse où l'héritier aurait requis la subrogation, exclut par cela même une subrogation de plein droit et par le seul fait du payement. Cette induction ne doit pas toutefois être admise. Vraie dans l'ancienne jurisprudence, où les détenteurs d'un immeuble hypothéqué n'étaient pas de plein droit subrogés aux actions du créancier qu'ils désintéressaient, elle a cessé d'être applicable depuis que l'article 1251 3° a établi cette subrogation. Le cohéritier aura donc l'action du créancier en même temps que son action en garantie. Seulement, l'article 875 lui interdit d'exercer pour le tout son recours contre un seul de ses cohéritiers, recours qu'il pourrait exercer en vertu de l'indivisibilité de l'hypothèque, si ce texte n'y faisait obstacle. Le Code, en exigeant qu'il poursuive chaque cohéritier pour sa part seulement, a voulu empêcher cette série de recours successifs qui auraient été la conséquence nécessaire d'un recours du premier héritier contre un second, et du second contre un troisième, etc., pour la totalité. D'ailleurs, comment l'héritier pourrait-il réclamer plus que sa part de l'un de ses cohéritiers, lorsque lui-même serait tenu de le garantir, si un tiers le poursuivait au delà de cette part? C'est le cas d'appliquer la règle : Quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio. Néanmoins, l'héritier bénéficiaire peut toujours réclamer le payement intégral de sa créance personnelle, car il agit alors non plus comme héritier, mais comme créancier ordinaire (art. 875).

L'insolvabilité de l'un des héritiers se répartit au marc le franc sur tous les autres.

Lorsque certains immeubles de la succession sont grevés d'hypothèques destinées à garantir le service d'une rente, le Code (art. 872) trace aux héritiers des règles de liquidation tendant à supprimer tous recours respectifs. Chacun des héritiers peut exiger que le capital de la rente soit remboursé et que les immeubles soient avant la formation des lots affranchis de leurs hypothèques. Si aucun n'exige ce remboursement, ou encore si la rente n'est pas rachetable, soit parce qu'elle est viagère, soit parce que le terme après lequel le rachat peut avoir lieu n'est pas arrivé, l'immeuble grevé doit être estimé au même taux que les autres, il est fait déduction du capital de la rente sur le prix total, et l'héritier dans le lot duquel il tombe reste seul chargé du service de la rente, dont il doit garantie à ses cohéritiers. Soit un immeuble de 1,000, grevé d'une rente de 100. L'immeuble sera mis dans un lot, comme valant 900 au lieu de 1,000, et l'héritier auquel ce lot écherra devra seul payer les arrérages. Ce n'est pas à dire que le créancier de la rente perde le droit de poursuivre pour leur part chacun des autres héritiers: un tel arrangement ne peut en rien préjudicier aux droits qu'il tient de la loi même, mais, comme il lui sera plus commode d'exercer une seule poursuite, il s'adressera toujours de préference à l'héritier chargé du service de la rente. Si, en fait, les autres étaient contraints au payement, ils auraient un recours contre ce dernier.

La disposition que nous venons d'examiner paraît uniquement écrite pour le cas où la rente est garantie par une hypothèque spéciale (art. 872). Que décider si l'hypothèque est générale? Il est d'abord évident qu'un seul des héritiers ne pourra pas être chargé du service de la rente, puisque tous les lots comprennent des immeubles hypothéqués. Le créancier aura done alors la faculté d'exiger de chacun la totalité des arrérages, à cause de l'indivisibilité de l'hypothèque.

TOME II.

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Mais si la rente est rachetable, il faut reconnaître à chaque héritier le droit d'en demander le remboursement avant la formation des lots, car il n'y a sous ce rapport aucune raison de différence entre le cas où la rente est garantie par une hypothèque générale, et celui où elle est garantie par une hypothèque spéciale. On objecte en vain le texte de l'article 872, qui, permettant à chaque héritier d'exiger le rachat dans le cas d'une hypothèque spéciale, semble à contrario le lui dénier dans celui d'une hypothèque générale. En effet, les rédacteurs du Code ne prévoyaient et ne réglaient, dans le projet primitif, le service de la rente que dans l'hypothèse où en fait le remboursement n'était pas effectué, sans accorder d'ailleurs à chaque héritier le droit d'exiger ce remboursement. Or, il est clair qu'ils devaient nécessairement se placer dans le cas d'une hypothèque spéciale, puisque, dans ce cas seulement, le service des arrérages peut être utilement mis à la charge d'un seul héritier. Plus tard, ils accordèrent à chaque héritier le droit d'exiger le remboursement, et, par inadvertance, ils laissèrent subsister leur première hypothèse; mais ils n'entendirent aucunement refuser ce droit à chaque héritier, dans le cas où la rente serait garantie par une hypothèque générale. Aussi faut-il reconnaître à chaque héritier la faculté d'exiger le remboursement de la rente, toutes les fois que cette rente est par elle-même rachetable, et sans distinguer si elle est garantie par une hypothèque générale ou par une hypothèque spéciale 1.

Effet envers l'héritier des TITRES EXÉCUTOIRES contre le défunt. - L'héritier continue la personne du défunt, et il est tenu de la même manière que lui de ses obligations. Cependant, l'ancien droit français, dans le but d'empêcher qu'il ne fût surpris par des poursuites de saisie, ne maintenait pas contre lui les titres exécutoires qui existaient contre le défunt, et il exigeait que les créanciers de la succession obtinssent à

1 Marcadé, art. 872, n. 2.

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