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conséquence, le donateur peut aliéner à titre onéreux ses biens présents, et ses créanciers peuvent les saisir et les faire vendre, sans que le donataire soit fondé à revendiquer la part qui lui a été donnée, parce qu'il n'en est pas encore propriétaire 1.

Prévoyant le cas d'une option pour les biens présents seuls, la loi exige: 1° qu'il soit annexé à la donation un état des dettes dont est tenu le donateur au moment du contrat; à défaut de cet état, la donation n'est plus qu'une simple institution contractuelle, et le donataire ne pourra plus qu'accepter en bloc toute la succession ou la répudier de même (art. 1085); 2° qu'il soit annexé à l'acte de donation un état estimatif des meubles appartenant au donateur au moment de la donation; à défaut de cet état, la donation n'est cumulative de biens présents et à venir que pour les immeubles. Si donc le donataire opte pour les biens présents, il ne pourra pas réclamer les meubles, et il devra se contenter des immeubles.

La donation qui nous occupe a cela de particulier, que, même lorsque le donataire se contente des biens présents et renonce aux biens à venir, il n'entre en jouissance qu'après la mort du donateur. Le droit ne lui est acquis qu'à ce moment. De là plusieurs conséquences :

La première, c'est que le donataire est tenu de respecter tous les actes d'administration et autres qu'a faits le défunt ; la deuxième, que les enfants à naître du mariage sont présumés substitués vulgairement à cette donation; la troisième, enfin, qu'il y a caducité, si le donateur survit au donataire et à sa postérité.

IVo. Donation faite sous des CONDITIONS POTESTATIVES de la part du donateur. Cette donation, qui serait nulle en droit commun comme dérogatoire au principe donner et retenir ne vaut, devient valable lorsqu'elle est inscrite dans un contrat de mariage (art. 1086). Ainsi doit être maintenue

1 Marcadé, art. 1085, n. 2. - Troplong, t. IV, n. 2400 et suiv.

la donation faite avec charge de payer les dettes futures du donateur, sauf pour le donataire la faculté de renoncer à la libéralité si les dettes sont trop considérables. Le donateur peut, en outre, se réserver le droit de reprendre un objet dans la donation, et la donation ne sera pas nulle quant à cet objet, comme cela serait d'après les règles ordinaires. Si le donateur décède sans avoir repris l'objet, celui-ci appartient au donataire; l'article 1086 ajoute : et à ses héritiers, sans distinguer si ces héritiers sont des enfants ou des collatéraux. Malgré la généralité des termes de l'article, il faut exclure les collatéraux, et n'admettre que les enfants du donataire à recueillir l'objet donné et non repris. En effet, si le donateur survit au donataire et à sa postérité, il serait absurde de faire profiter d'une donation, exclusivement permise en faveur du mariage, des héritiers qui, en leur qualité de collatéraux, n'ont jamais fait partie de la famille de l'époux donataire. Dans ce cas, l'objet donné retournera donc au donateur ou à ses héritiers.

Comme l'institution contractuelle, la donation dont nous nous occupons a l'inconvénient de ne point assurer au donataire les biens qui la composent, et c'est seulement par la mort du donateur que la libéralité devient irrévocable: de là il résulte que cette donation est encore censée faite aux enfants à naître du mariage, et qu'elle serait caduque si le donateur survivait au donataire et à sa postérité (art. 1089). De la REDUCTION des donations faites en FAVEUR du mariage. — Nous avons dit que les donations faites en faveur du mariage étaient réductibles quand la quotité disponible était dépassée; comment doit se faire cette réduction? Est-ce au marc le franc comme pour les legs, ou en commençant par la donation la plus récente comme pour les donations ordinaires? C'est sans aucun doute en commençant par la donation la plus récente. Il est bien vrai que les trois dernières espèces de donation n'attribuent point au donataire un droit actuel et irrévocable, dès le moment du contrat, et que,

TOME II.

sous ce rapport, elles ont une grande analogie avec les legs; mais elles lui confèrent néanmoins plus qu'une espérance, . et, à la différence des legs, elles ne sont pas absolument révocables; un simple changement de volonté ne suffit pas pour les faire tomber, même quand elles sont sous condition potestative de la part du donateur, puisque, aux termes de l'article 1174 du Code, cette condition ne doit pas être purement potestative, et qu'elle peut en conséquence ne pas arriver. Il faut donc traiter ces donations comme les donations ordinaires plutôt que comme des legs; et dès lors elles ne seront réductibles, à quelque classe qu'elles appartiennent, que lorsque les legs n'auront pu combler le déficit

de la réserve.

CHAPITRE IX

DES DISPOSITIONS ENTRE ÉPOUX, SOIT PAR CONTRAT DE MARIAGE, SOIT PENDANT LE MARIAGE.

ART. 1091. Les époux pourront, par contrat de mariage, se faire réciproquement, ou l'un des deux à l'autre, telle donation qu'ils jugeront à propos, sous les modifications ci-après exprimées.

1092. Toute donation entre-vifs de biens présents, faite entre époux, par contrat de mariage, ne sera point censée faite sous la condition de survie du donataire, si cette condition n'est formellement exprimée; et elle sera soumise à toutes les règles et formes ci-dessus prescrites pour ces sortes de donations.

1093. La donation de biens à venir ou de biens présents et à venir, faite entre époux par contrat de mariage, soit simple, soit réciproque, sera soumise aux règles établies par le chapitre précédent, à l'égard des donations pareilles qui leur seront faites par un tiers; sauf qu'elle ne sera point transmissible aux enfants issus du mariage, en cas de décès de l'époux donataire avant l'époux dona

teur.

1094. L'époux pourra, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, pour le cas où il ne laisserait point d'enfants ni descen

dants, disposer en faveur de l'autre époux, en propriété, de tout ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, et, en outre, de l'usufruit de la totalité de la portion dont la loi prohibe la disposition au préjudice des héritiers. Et pour le cas où l'époux donateur laisserait des enfants ou descendants, il pourra donner à l'autre époux ou un quart en propriété et un autre quart en usufruit, ou la moitié de tous ses biens en usufruit seulement.

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1095. Le mineur ne pourra, par contrat de mariage, donner à l'autre époux, soit par donation simple, soit par donation réciproque, qu'avec le consentement et l'assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité de son mariage; et, avec ce consentement, il pourra donner tout ce que la loi permet à l'époux majeur de donner à l'autre conjoint.

1096. Toutes donations faites entre époux pendant le mariage, quoique qualifiées entre-vifs, seront toujours révocables. — La révocation pourra être faite par la femme, sans y être autorisée par le mari ni par justice. Ces donations ne seront point révoquées

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par la survenance d'enfants.

1097. Les époux ne pourront, pendant le mariage, se faire, ni par acte entre-vifs, ni par testament, aucune donation mutuelle et réciproque par un seul et même acte.

1098. L'homme ou la femme qui, ayant des enfants d'un autre lit, contractera un second ou subséquent mariage, ne pourra donner à son nouvel époux qu'une part de l'enfant légitime le moins prenant, et sans que, dans aucun cas, ces donations puissent excéder le quart des biens.

1099. Les époux ne pourront se donner indirectement au delà de ce qui leur est permis par les dispositions ci-dessus. Toute donation, ou déguisée, ou faite à personnes interposées, sera nulle. 1100. Seront réputées faites à personnes interposées, les donations de l'un des époux aux enfants ou à l'un des enfants de l'autre époux issus d'un autre mariage, et celles faites par le donateur aux parents dont l'autre époux sera héritier présomptif au jour de la donation, encore que ce dernier n'ait point survécu à son parent donataire.

Des donations faites ENTRE ÉPOUX PAR CONTRAT de mariage. Les futurs époux peuvent se faire par contrat de mariage les mêmes donations qu'un tiers pourrait leur faire à euxmêmes : ils ont donc toutes les facilités que la loi a établies pour les donations en faveur du mariage (art. 1091).

Si c'est une donation de biens présents qu'un futur époux fait à son conjoint, elle ne sera point, aux termes de l'article 1092, censée faite sous la condition de survie du donataire, et, si ce donataire vient à prédécéder, les biens qu'il a reçus passeront à ses héritiers même en ligne collatérale, et ne retourneront pas au donateur. En d'autres termes, l'article 1092 applique aux donations de biens présents, faites entre époux par contrat de mariage, le droit commun admis pour les donations ordinaires de biens présents. Mais alors pourquoi s'est-il sur ce point formellement expliqué? C'est que, d'après les principes du droit écrit, les donations, même de biens présents, étaient faites sous la condition de survie de l'époux donataire à l'époux donateur. Le droit coutumier suivait la règle contraire, et le Code l'a reproduite. Au surplus il n'y a là qu'une présomption, et l'époux donateur peut très-bien faire la libéralité, sous la condition de survie de l'époux donataire.

Lorsque les futurs époux se font une donation, soit de biens à venir, soit de biens présents et à venir, soit sous des conditions potestatives de la part du donateur, on doit appliquer les mêmes règles et suivre les mêmes formes que lorsque c'est un tiers qui leur fait la donation. Il faut toutefois admettre deux exceptions à cette identité de règles. D'abord les donations qui étaient présumées faites en faveur des enfants à naître du mariage ne seront plus ici soumises à cette présomption. La loi va même plus loin, et elle déclare que la donation faite par un époux à l'autre n'est point transmissible aux enfants, en cas de décès de l'époux donataire,avant l'époux donateur (art. 1093). La raison de cette différence entre la donation faite par un tiers aux époux, et celle faite par un époux à l'autre, est facile à saisir ; c'est que la donation faite par un tiers ne profiterait pas aux enfants en cas de prédécès de l'époux donataire, si ces enfants n'étaient pas subsidiairement appelés à la recueillir. Au contraire, lorsque la donation est faite par un époux à son futur conjoint, les

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