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répudier la succession, elle doit être acceptée sous bénéfice d'inventaire.

783. Le majeur ne peut attaquer l'acceptation expresse ou tacite qu'il a faite d'une succession que dans le cas où cette acceptation aurait été la suite d'un dol pratiqué envers lui; il ne peut jamais réclamer sous prétexte de lésion, excepté seulement dans le cas où la succession se trouverait absorbée ou diminuée de plus de moitié, par la découverte d'un testament inconnu au moment de l'acceptation.

Observation. Lorsqu'une succession s'ouvre, l'héritier peut prendre trois partis différents, savoir: I. Accepter purement et simplement; II. Renoncer;

Avant d'examiner

III. Accepter sous bénéfice d'inventaire. I. De L'ACCEPTATION pure et simple. la nature et les effets de l'acceptation pure et simple en droit français, disons un mot de la manière dont on acquérait en droit romain la qualité d'héritier. Il y avait trois sortes d'hé– ritiers, savoir :

1o Les héritiers nécessaires (esclaves);

2o Les héritiers siens et nécessaires (fils de famille); 3o Les héritiers externes (étrangers à la famille).

Les héritiers nécessaires et les héritiers siens et nécessaires étaient investis, de plein droit et malgré eux, de l'hérédité, de sorte que non-seulement toute acceptation de leur part était inutile, mais qu'encore toute renonciation était impossible. Il n'en était pas de même des héritiers externes : ils restaient complétement étrangers à l'hérédité jusqu'à ce qu'ils eussent fait adition.

Le système du droit romain présentait un double inconvénient: d'une part, en effet, les héritiers des deux premières classes étaient comme continuateurs de la personne du défunt, tenus malgré eux de supporter in infinitum les dettes de la succession, même la plus onéreuse; et, d'autre part, les héritiers externes, empêchés par une cause quelconque de faire adition immédiate de l'hérédité, pouvaient mourir sans trans

mettre la succession non encore acceptée à leurs propres héritiers.

Le Code a fait disparaître ce double inconvénient. Aujourd'hui, tout héritier est de plein droit investi de la succession, comme les héritiers nécessaires ou siens et nécessaires du droit romain; mais par contre tout héritier peut, soit se dépouiller de la succession dont il est investi, soit convertir sa qualité d'héritier pur et simple en celle d'héritier bénéficiaire, et, par l'un ou l'autre de ces moyens, échapper aux charges d'une succession insolvable. L'acceptation n'a donc plus pour but ni pour effet d'attribuer l'hérédité; son unique résultat est de confirmer dans le successible la qualité d'héritier et de lui enlever de la sorte la faculté de renoncer; aussi certains auteurs ont-ils défini l'acceptation: la renonciation au droit de renoncer.

On a fait plusieurs objections contre cette manière d'entendre l'acceptation, et l'on a prétendu que son effet est d'attribuer au successible une qualité nouvelle, et non de consolider en lui une qualité préexistante.

On se fonde:

1° Sur l'article 775, aux termes duquel « Nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue. » Or, dit-on, ce texte paraît bien impliquer un acte, un fait volontaire de la part de l'héritier, et par cela même exclure son investissement tacite et ipso jure de la succession ; à quoi l'on répond que l'article 775 est la reproduction pure et simple de l'ancien principe du droit français : « Nul n'est héritier qui ne veut, » et que ce texte expliqué historiquement a pour but unique de consacrer dans la personne de l'héritier la faculté de renoncer.

2° Sur l'article 777, aux termes duquel « l'effet de l'acceptation remonte au jour de l'ouverture de la succession. >> Pourquoi, dit-on, le Code prendrait-il la peine de faire remonter l'effet de l'acceptation au jour de l'ouverture de la succession, si effectivement l'héritier en était investi depuis cette

époque? A cela on répond que l'article 777 est mal rédigé ; le Code lui-même le démontre. En effet, l'article 724, d'une part, dit expressément que les héritiers légitimes sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; et, d'autre part, l'article 785 déclare que l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier; or, cette fiction ne seraitelle pas entièrement inutile si le successible n'avait pas été réellement héritier depuis l'ouverture de la succession? En conséquence, concluons que l'acceptation, au lieu de conférer la qualité d'héritier, ne fait que la confirmer et la rendre irrévocable en la personne du successible.

La théorie que nous venons d'exposer admet cependant des exceptions: ainsi, lorsque le successible du premier degré renonce, l'acceptation de l'hérédité par le successible du degré subséquent a nécessairement pour effet de lui conférer une qualité nouvelle; l'hérédité ne pouvait être en même temps sur la tête de l'un et sur la tête de l'autre. Mais comme, d'une part, tout héritier renonçant est censé n'avoir jamais été héritier (art. 785), et que, de l'autre, l'effet de l'acceptation remonte au jour de l'ouverture de la succession (article 777), il en résulte que fictivement le successible du second degré se trouve avoir toujours été héritier, et sa situation est la même que si, étant au premier degré, il avait dès l'origine recueilli la succession.

Au cas précédent, l'on peut ajouter celui de l'acceptation de l'hérédité par un successible qui avait d'abord renoncé (art. 790). Cette acceptation confère évidemment à l'héritier une qualité dont il était dépourvu depuis sa renonciation; mais, comme tout à l'heure, elle la lui confère avec effet rétroactif au jour de l'ouverture.

L'acceptation pure et simple d'une succession a ses avantages et ses inconvénients.

Ses avantages consistent dans l'économie et la simplicité qui en résultent pour la liquidation de la succession. Les biens et les dettes du défunt se confondent avec les biens et

les dettes de l'héritier; et celui-ci gère l'hérédité en même temps et de la même manière que son propre patrimoine.

Ses inconvénients consistent dans les risques courus par l'héritier. Toutes les dettes et charges de la succession deviennent ses dettes et charges personnelles, et le passif héréditaire fût-il centuple de l'actif, l'héritier devrait le supporter tout entier. Aussi l'acceptation bénéficiaire est-elle, malgré les formalités et les frais qui en sont le cortége, préférable à l'acceptation pure et simple, toutes les fois que la solvabilité de la succession est douteuse. Quelquefois aussi la renonciation est plus avantageuse à l'héritier qu'une acceptation pure et simple ou bénéficiaire; c'est lorsqu'il a reçu du défunt une donation excédant la part qu'il prendrait dans la succession. L'article 845 oblige, en effet, tout donataire acceptant à rapporter dans la masse commune les dons qui ne lui ont pas été faits par préciput: or, lorsque ce don excède la part héréditaire, le meilleur parti à prendre est évidemment une renonciation qui dispense du rapport.

Des CONDITIONS requises pour la VALIDITÉ de l'acceptation. -Trois conditions sont requises pour la validité de l'acceptation. Il faut :

1° Que la succession soit ouverte; et en effet, dans un but d'honnêteté publique, le Code prohibe toute convention sur succession non encore ouverte (art. 1130);

2° Que l'héritier connaisse l'ouverture; car, autrement, son acceptation aurait ce caractère immoral dont l'article précité fait une cause de nullité;

3° Que l'héritier soit capable de s'obliger, puisque, par son acceptation, il met sur sa tête le fardeau de toutes les dettes et charges de la succession. De là cette conséquence que la femme mariée ne peut valablement accepter une succession sans l'autorisation de son mari ou de justice (art. 776), et que les tuteurs des mineurs ou interdits ne peuvent non plus accepter celles qui sont déférées à ces incapables que sous bé

néfice d'inventaire et après y avoir été expressément autorisés par le conseil de famille (art. 776).

Nous avons dit que l'héritier ne peut accepter une succession non encore ouverte ; mais pourrait-il, se trouvant à un degré inférieur, valablement accepter une succession ouverte, au profit de l'héritier du degré supérieur, avant que celui-ci l'ait répudiée? Il le pourrait, car on ne rencontre plus là cette spéculation odieuse sur la succession d'un vivant, que le Code a voulu proscrire. Une telle acceptation est en tout point semblable à celle d'un legs fait sous une condition non encore accomplie. Or, l'acceptation du légataire est sans aucun doute valable, et comme il n'existe aucune raison de différence, celle de l'héritier doit l'être également. Pothier donne à tort la décision contraire.

Des DIFFÉRENTES MANIÈRES d'accepter purement et simplement. L'acceptation pure et simple peut être expresse ou tacite (art. 778).

-

De l'acceptation EXPRESSE. — L'acceptation est expresse quand le successible prend le titre d'héritier dans un acte authentique ou sous seing privé (art. 778).

Dans le but de prévenir toute difficulté sur la preuve d'un fait si important, le Code ne permet pas d'accepter par simple déclaration verbale; un écrit est dans tous les cas nécessaire, et il ne doit laisser aucun doute sur la volonté de l'héritier1.

De l'acceptation TACITE. - L'acceptation est tacite quand l'héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter (art. 778). Ainsi l'héritier qui aliène ou hypothèque en cette qualité les immeubles de la succession accepte tacitement, parce que l'on ne peut concilier l'intention de renoncer ou même d'accepter sous bénéfice d'inventaire, avec le fait de disposer préalablement des biens héréditaires. Au contraire, l'héritier qui administre, par exem

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