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(No. CLXXX.) 24 FRIMAIRE an 13. ( Samedi 15 Décembre 1804.)

MERCURE

DE FRANCE.

LITTÉRATURE.

POÉSI E.

ALEX I S.

ÉLÉGI E.

OBJET des premiers feux de la jeune Amarile,

Pour Ismène en secret soupirait Alexis;
Et la tendre Amarile éprouvait les mépris
D'Alexis, le plus beau des pasteurs de Sicile.
Seule avec son amour, vers les sombres abris,
Où des hêtres touffus les sommets réunis
Offraient à ses troupeaux une ombre solitaire ;
Déplorant de l'ingrat la flamme passagère,
De ces tristes accens nos bois furent émus :
<< Insensible Alexis, tu fuis; tu n'entends plus
» La plainte et les regrets d'une amante trahie.
» Déjà de nos pasteurs les troupeaux confondus,
» Accourent altérés près de l'onde chérie

» Où de sombres tilleuls l'ombrage bienfaisant

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» Les dérobe aux ardeurs d'un ciel étincelant.
» De Flore dans nos champs la parure est flétrie.
» Au fond de nos forêts, Philomèle à mes chants
» N'unit plus de sa voix les tongs gémissemens

Tout est calme, et moi seule au repos suis ravie. » Ah ! d'Amarile en pleurs, si, loin d'elle entraîné, » L'infidèle Alexis méprise encor la plainte,

Nisus, le beau Nisus, trop long-temps dédaigné, » M'inspirera les feux dont son ame est atteinte. » Vains desirs! pour toi seul j'ai tout abandonné, » Et mon cœur que remplit ton image chérie, » Voit s'éteindre pour toi le flambeau de ma vie. >> D'un éclat fugitif crains de plaire à nos yeux; » L'albâtre passager du lis présomptueux >> Cède aux sombres couleurs dont brille l'hyacinte. »Des forêts d'Amarile as-tu suivi l'enceinte ?

» Vois du sein des vallons, au sommet des coteaux, » Ce peuple de pasteurs à mes ordres docile.

» L'été ni les frimas n'ont pu tarir les flots

Du lait que chaque jour me livrent mes troupeaux; » Et quand j'erre avec eux'aux monts de la Sicile, » De ma voix, par toi seul le charme méprisé, » Réunit vers le soir leur nombre dispersé.

»Tu fuis, et si j'en crois les flots d'une onde pure, >> Cet amour sans espoir qu'en vain mon cœur abjure, » Qui du feu de mes yeux semble éteindre les trails, » D'Amarille n'a flétri tous les attraits.

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» De mes pleurs, Alexis, qui furent ton ouvrage,
» Ton retour, je l'espère, effacera l'outrage.
» De ces lieux où mon sort pour toujours est lié,
>> Cruel! le souvenir peut-il être oublié ?

Ces forêts que tu fuis, les Dieux les habiterent; »De Pâris, dans leur sein, les troupeaux s'égarerent. » Reviens, hâte un retour trop long-temps suspendu. >> Reviens, leur charme alors loin de toi méconnu, » Va renaître pour moi! L'abeille au loin chassée,

»De nos fleurs, dans les airs, suit l'odeur dispersée;

La chèvre, le cytise; Amarile, Alexis:

» Ainsi des goûts divers, les attraits sont suivis.
» Puissé-je, ô doux espoir qui charme ma souffrance!
» Des forêts, avec toi, pénétrant le silence,

» Des sentiers effacés cherchant la trace en vain,
» Seule, près d'Alexis, me perdre dans leur sein!
»De tes pas égarés dans leur heureuse enceinte,
» Mes pas impatiens viendront presser l'empreinte.
» J'entendrai de ta voix, sous leur abri touffu,
» Retentir dans mon cœur le charme inattendu.
» Tout frémit de plaisir; les Nymphes consolées,
» T'offrent de nos vallons les fleurs amoncelées :
» A l'éclat du narcisse et des lis odorans
>> La sombre violette oppose son encens,
» Et des fleurs du rosier la coupe parfumée
» Mêle aux pâles jasmins sa nuance enflammée.
» Et moi de l'amandier j'irai cueillir les fruits;
» Avec eux s'offriront à tes regarde séduits

>> Ceux qui brillent des feux qui naissent de l'aurorey
>> Et couvrent de duvet l'éclat qui les colore; "
>> Le myrte, les lauriers, en voûte suspendus,
>> Nous offrent pour abri leurs sommets confondus.
» Que dis-je ? erreur cruelle où se plaît ma pensée J
J'irrite les tourmens d'une flamme insensée',

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J'appelle sur les fleurs le souffle des autans,

Je flétris de ses feux leurs calices brillants;

» Mais aux bords du couchant, où l'ombre's'amoncelle, » La flamme de Vesper dans les airs étincelle.

» Des troupeaux de l'amant, momens trop tôt venus! L'amante a séparé ses troupeaux confondus.

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>> Son œil le suit encor dans l'ombre où tout s'efface;
De sa voix dans les airs elle cherche la traces;** - ~
>> Les accens affaiblis qu'elle aime à recueillir,
» Bientôt dans le lointain vont se perdre et mourir.
Elle fuit lentement, et pour le voir encore,

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» Elle devancera le retour de l'aurore.

» Transports que je regrette, et qui m'êtes ravis, » D'Amarile, ah ! pourquoi fûtes-vous trop sentis? »Des sermens qu'à ma foi prodigua l'infidèle, » Abjurons, s'il se peut, la mémoire cruelle. »Pour toi que j'ai perdu peut-être sans retour, »Pour toi qui fus l'objet de mon premier amour, »Tous mes pleurs vont tarir, et mon cœur, je l'espère, » Dégagé pour toujours d'une erreur passagère, » Accueillant de Nisus les timides soupirs,

>> Oubliera ta beauté pour combler ses desirs. . . . W

J. DEMOLIÈRES.

L'EXCUSE.

A ÉLÉON ORE.

Traduction de Métastase.

PARDONNE-MOI: non, je ne comprends rien,
Éléonore, à ta vive colère.

Qu'ai-je dit? qu'ai-je fait qui puisse te déplaire ?
J'ai dit que je t'aimais, je t'appelais mon bien;
Est-ce donc à tes yeux un crime inexcusable ?
Ah! si t'aimer rend un cœur criminel,
Il faut ne pas te voir pour n'être pas coupable.
Oui, trouve un seul mortel capable

De t'entendre sans soupirer,

Ou de te voir sans t'adorer;

J'appelle alors sur moi ta vengeance implacable.
Pourquoi faut-il que parmi tant de cœurs
Qui tous ont partagé mon crime,

De ton ressentiment je sois seul la victime?
Dois-je expier les torts de tes charmes vainqueurs ?
Mes soupirs et mes vœux doivent-ils te déplaire ?
Apaise-toi, recouvre tes attraits;

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Si tu ne m'en crois pas, consulte cette eau claire.,
Suis-je un trompeur ? dis-je la vérité ?
Ce front dur, cet air sombre et ce regard farouche,
Qui font fuir les ris de ta bouche,
Ont de moitié détruit ta première beauté.
Venge-toi mieux. Si te dire je t'aime,
Și te nommer mon bien te paraît insultant;
Éléonore, insulte-moi de même,

Et je te pardonne à l'instant.

Mais quel bonheur ! j'ai vu sourire mon amante;
Sourire heureux qui me met hors de moi....
Éléonore, à présent mire-toi;

Vois comme en souriant ta beauté s'en augmente,
Et juge de l'effet que produirait l'amour.

D'un visage riant les graces sont charmantes,
Mais l'amour y répand des graces plus touchantes;
Accorde donc un amoureux retour,

Et puis reviens à ces ondes fidelles ;
Ton sourire sera plus doux,

Tu te verras plus de beautés nouvelles
Que n'en pourrait jamais effacer le courroux.

Auguste DE LABOUÏSSE.

LE SOT ET L'HOMME D'ESPRIT.

SAVEZ-VOUS bien en quoi diffère

Le sot d'avec l'homme d'esprit ?

En fait de sottise, l'un dit

Ce que l'autre est sujet à faire.

KERIVALANT.

AV I S.

LES personnes qui envoient des vers pour être insérés dans ce Journal, sont priées d'y joindre leurs adresses, afin qu'on puisse, au besoin, correspondre avec elles.

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