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ce contrat doit stipuler les obligations de la jourd'hui une anomalie dans notre Code. caution, il fait la loi des parties.

Le texte de l'art. 273 ne s'étend qu'aux vagabonds déclarés tels par jugement; mais, s'ils n'étaient encore qu'en état de prévention, pour raient-ils en réclamer le bénéfice? M. Carnot (1) ne fait aucun doute à cet égard : ils le peuvent à plus forte raison, dit cet auteur, puisqu'ils le peuvent même après jugement. Cette raison ne nous paraît pas concluante. La loi a pu mettre un terme aux mesures qui pèsent sur le condamné, lorsque le cautionnement d'un citoyen ou la réclamation d'une commune semblent offrir des garanties de sa conduite future; c'est en quelque sorte une remise de la peine, une grâce que l'administration est autorisée à accorder mais cette mesure suppose nécessairement une déclaration de culpabilité, une condamnation prononcée. Dans quel titre, en effet, l'administration puiserait-elle le droit de renvoyer dans sa commune, ou de soumettre à la garantie d'une caution, un individu qui, n'étant encore que prévenu, serait réputé n'avoir commis aucun délit? La condamnation seule justifie ces mesures qui, sans elle, ne seraient plus que des actes arbitraires et tyranniques. La garantie d'une commune ou d'un citoyen peut affaiblir ou effacer la prévention; mais l'application de l'art. 273 ne peut être faite qu'à un condamné.

Ce même article dispose, en terminant, que les vagabonds, renvoyés dans leur commune ou admis à caution, seront conduits dans la commune qui leur sera assignée pour résidence. Il ne faudrait pas induire de ces termes que le vagabond, renvoyé ou admis à caution, ne peut s'éloigner de cette commune sans une autorisation nouvelle. Par l'une ou l'autre de ces deux mesures, le condamné reprend tous ses droits; tous les effets du jugement cessent. Il ne faut donc voir dans l'art. 273 que l'intention de faire une simple désignation de commune. Ramené dans cette commune désignée, le condamné n'y a d'autre frein que la tutelle bienveillante du conseil municipal qui l'a réclamé, ou du citoyen qui l'a cautionné. Aussi la loi n'a-t-elle imposé aucune peine à son changement de résidence; ce qui prouve sans réplique qu'elle n'a point voulu créer une résidence obligée, qui serait d'ailleurs au

[1] Comm. du Code pénal, sur l'art. 273. [2] Voyez t. 2, p. 33.

[3] V. la note suivante de l'éditeur belge. [4] Le pouvoir judiciaire est incompétent pour

CHAVEAU. T. III, ÉDIT. DE FR. T. V.

Une mesure particulière a été prescrite à l'égard des vagabonds étrangers. L'art. 272 porte: «Les individus déclarés vagabonds par jugement pourront, s'ils sont étrangers, être conduits, par les ordres du gouvernement, hors du territoire du royaume. » Le germe de cette disposition se trouvait déjà dans l'art. 7 de la loi du 28 vendémiaire an VI, relative aux passeports : « Tous étrangers, porte cet article, voyageant dans l'intérieur de la république, ou y résidant sans avoir une mission des puissances neutres ou amies reconnues par le gouvernement français, ou sans y avoir acquis le titre de citoyen, sont mis sous la surveillance spéciale du Directoire exécutif, qui pourra retirer leurs passe- ports et leur enjoindre de sortir du territoire français, s'il juge leur présence susceptible de troubler l'ordre et la tranquillité publique.»>

Nous avons soulevé précédemment [2] la question de savoir si cette dernière disposition n'a point été abrogée par l'art. 272; il suffit de rapprocher les termes de ces deux articles pour se convaincre qu'aucune contrariété réelle ne s'élève entre eux Dans l'art. 272, il ne s'agit que d'une seule classe d'étrangers, de ceux qui sont condamnés pour vagabondage; dans la loi de l'an VI, il s'agit, au contraire, de tous les étrangers voyageant dans l'intérieur de la France sans y avoir une mission des nations alliées. Dans l'espèce du premier article, l'expulsion du territoire est un accessoire, un complément de la peine; cette mesure remplace la surveillance qui est exercée sur les vagabonds non étrangers. Dans le cas de la loi de l'an VI, l'expulsion du territoire n'est qu'une mesure de police administrative, mesure purement préventive, et qui n'est la suite d'aucun délit commis. Ainsi il est évident que l'art. 272 n'a point nécessairement abrogé l'art. 7 de la loi du 28 vendémiaire an VI [3]. Quant au point de savoir si cette disposition, qui arme le gouvernement d'un pouvoir extraordinaire, est restée debout au milieu des variations successives de la législation, nous n'avons point à l'examiner ici: elle appartient à la police administrative; elle est étrangère à la répression du vagabondage [4].

Le droit que l'art. 272 confère au gouverne

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ment ne peut être exercé par les tribunaux [1]. Cette règle, qui résulte d'ailleurs du texte même de l'article, a été reconnue par plusieurs arrêts de la Cour de cassation. Les motifs exprimés dans ces arrêts sont que le seul article du Code pénal qui autorise cette expulsion des étrangers hors de France, est l'art. 272; que cet article ne s'applique qu'aux étrangers déclarés vagabonds par jugement, et qu'il ajoute que ces étrangers seront conduits hors du territoire du royaume par les ordres du gouvernement, c'est-à-dire par les soins de l'autorité administrative; qu'ainsi l'autorité administrative est seule juge de cette nécessité, et que les tribunaux ne peuvent déclarer son existence, et prescrire en conséquence eux-mêmes l'expulsion du condamné, sans excéder les limites de leurs attributions [2].

:

Quelle serait la peine applicable à l'étranger condamné comme vagabond, qui, conduit hors du territoire, y pénétrerait de nouveau? Il faut distinguer si la surveillance qui a dû être prononcée contre lui en vertu de l'art. 271 n'est pas expirée, sa rentrée en France pourra être considérée comme une infraction de son ban, et les dispositions de l'art. 45 pourront lui être appliquées. Mais si le temps de la surveillance est expiré, s'il a cessé d'être soumis à cette peine, sa rentrée ne peut plus être considérée comme une infraction au mode d'exécution d'une peine qui ne le régit plus. Il ne sera donc passible d'aucun châtiment; seulement le gouvernement pourra user encore du droit que lui donne l'art. 272, de faire reconduire cet étranger aux frontières, puisque ce droit se fonde sur sa qualité d'étranger déclaré vagabond par jugement, qualité indélébile qui survit à l'exécution de sa peine.

Cette sorte de lacune dans la législation s'est fait sentir avec plus de force à l'égard des étrangers expulsés en vertu de l'art. 7 de la loi

déterminé, en vertu de l'art. 7 de la loi du 28 vend, an VI. Brux., 26 avril 1834; J. de Br., 1834, 217.

L'arrêté d'expulsion du 17 avril 1834, qui a donné lieu à cette décision, fait supposer que le gouvernement belge considère la loi du 28 vendémiaire an VI, comme étant encore obligatoire en

du 28 vendémiaire an VI. Aussi le législateur a-t-il essayé de la combler, en ce qui concerne du moins une classe de ces étrangers, les réfagiés. L'art. 2 de la loi du 21 avril 1832, reproduisant cette ancienne loi, porte que le gouvernement pourra leur enjoindre de sortir du royaume, s'ils ne se rendent pas à leur destination, ou s'il juge leur présence susceptible de troubler l'ordre et la tranquillité publique. Cette loi, de même que la loi de l'an VI, manquait de sanction; la loi du 1er mai 1834 lui ena donné une. Son art. 2 porte « Tout réfugié étranger qui n'obéira pas à l'ordre qu'il aura reçu de sortir du royaume, ou qui, ayant été expulsé, rentrera sans autorisation, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à six mois. [3]. » Il faut remarquer que cette pénalité ne s'applique qu'aux seuls réfugiés étrangers; il serait donc interdit de l'étendre hors de ses termes, et de l'appliquer soit aux étrangers voyageurs, soit aux étrangers déclarés vagabonds.

Telles sont les dispositions qui s'appliquent au vagabondage, abstraction faite de toute circonstance de nature à en modifier le caractère. Nous avons successivement examiné les caractères distinctifs de ce délit, le mode de répression qui lui est appliqué, les mesures particulières établies à l'égard des vagabonds étrangers; enfin, l'exception qui peut suspendre l'exécution de la peine, quand le vagabond est réclamé ou qu'il trouve une caution.

Il nous reste à considérer encore le vagabondage sous deux points de vue distincts: comme puisant un caractère d'aggravation dans les circonstances qui l'accompagnent, et comme constituant lui-même une circonstance aggravante de certains crimes et délits. Mais, comme ces deux caractères lui sont communs avec le délit de mendicité, nous croyons devoir renvoyer leur examen au chapitre suivant.

ce qui concerne la police relative aux étrangers, [1] V. Mangin, Tr. de l'action publique, no 64, édit. de la soc. typ.

[2] Arr. cass. 9 sept. 1826 (Sirey, 1827, 1, 319); 6 déc. 1832 (Sirey, 1833, 1, 866).

[3] V. la loi belge sur les expulsions du 22 sept. 1835.

CHAPITRE XL.

DE LA MENDICITÉ.

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Sous quel rapport la mendicité est considérée dans ce chapitre. Dans quel cas elle prend le caractère d'un délit.—Dispositions des diverses législations qui y sont relatives.—Distinction entre les mendiants valides et invalides. Dans quels cas les mendiants invalides peuvent étre poursuivis. — Conditions légales du délit. — Caractère de la conduite et de la détention des mendiants au dépót de mendicité. Ils ne peuvent être remis par les tribunaux aux personnes qui les réclament. — Inapplication des articles 271 et 273 aux mendiants. Des mendiants valides.-Circonstances aggravantes du méme délit. Faits qui puisent une criminalité spéciale ou plus grave dans la qualité de mendiant de l'agent. Caractères de ces faits. violences commises par les mendiants. Quelle doit étre la nature de ces violences pour motiver l'aggravation de la peine? De la surveillance appliquée aux mendiants. Cette surveillance peut-elle étre remise par l'effet des circonstances atténuantes? Son application doit-elle étre circonscrite aux cas prévus par l'article 277 et suivants, ou doit-elle s'étendre à tous les cas de mendicité? (Commentaire des articles 274, 275, 276, 277, 278, 279, 281 et 282 du Code pénal.)

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Des

Le législateur s'est occupé de la mendicité, soit pour l'extirper comme une plaie sociale par des précautions et des mesures de police,soit pour en réprimer par des peines l'abus et les écarts. Les mesures préventives ne rentrent point dans le domaine de la justice pénale: tels sont l'établissement d'hôpitaux spéciaux et de dépôts de mendicité pour recueillir les mendiants, l'institution de colonies agricoles et d'ateliers de charité pour les occuper. C'est à l'économie politique qu'il appartient d'apprécier ces mesures et d'en juger les effets.

Le droit pénal ne considère la mendicité que dans ses effets; il la saisit et la réprime au moment où, par les circonstances qui l'accompagnent, elle prend un caractère criminel. Les mendiants sont alors assimilés aux vagabonds: leurs allures également suspectes, leurs habitudes également dépravées décèlent la même immoralité; et la société puise le droit de les punir tant dans cette immoralité que dans le péril dont ils menaçent l'ordre public. Cette assimilation de ces deux classes d'agents, reproduite de l'ancien droit et répétée dans les lois étrangères, nous dispense de retracer de nouveau des principes qui ont été rappelés dans le chapitre précédent.

La mendicité, isolée de toute circonstance aggravante, ne constitue en elle-même aucun

délit; car ce n'est point une action imputable que de demander l'aumône, lorsque l'agent, faible ou in firme, n'a point d'autres ressources pour soutenir sa vie. Le délit ne peut commen. cer que dans le cas où la mendicité ne se fonde pas sur une nécessité flagrante, où elle prend sa source dans la fainéantise et l'oisiveté, où elle devient le prétexte de courses vagabondes, et sert de moyen et de voile à la perpétration d'autres délits.

Cette première distinction a servi de base à toutes les législations sur cette matière : elle s'est formulée dans la ligne qui a séparé, dans toutes les lois, les mendiants valides et les mendiants invalides. Les premiers seuls sont, en général, l'objet de la sévérité des législateurs; les autres trouvent, non pas seulement une excuse, mais un moyen de justification, dans leur âge ou dans les infirmités qui les rendent incapables de travail.

C'est ainsi que la loi romaine ne déployait ses peines qu'à l'égard des mendiants valides; les personnes dont le travail ne pouvait soutenir l'existence avaient la faculté de mendier: cunc. tis quos in publicum quæstum incerta mendicitas vocaverit, inspectis, explora-tur in singulis et integritas corporum et robur annorum; atque inertibus et absqué ulla debilitate miserandis necessitas infe

ratur, ut eorum [1]... Notre ancienne législa tion avait maintenu cette distinction. De simples mesures de police atteignaient ceux que leur âge et leurs infirmités mettaient hors d'état d'exercer un métier: tels étaient les enfants, les vieillards, les malades et estropiés. «Comme l'impuissance où ils sont, dit Muyart de Vouglans, de se procurer par leur travail de quoi subsister, les rend plus dignes de commisération que de peine, lorsqu'ils se livrent à la mendicité, et qu'on ne peut dire d'eux que cette mendicité est le fruit de l'oisiveté et du libertinage, ils ont toujours été distingués de ces derniers par les lois pénales, et ils ne deviennent punissables que lorsqu'ils négligent de profiter des ressources qu'elles leur offrent pour assurer leur subsistance, soit en se présentant aux hôpitaux destinés à cet effet, soit en se retirant dans le lieu de leur naissance [2]. » La déclaration du 18 juillet 1724 portait en effet : « Enjoignons aux mendiants qui ne sont pas en état, à cause de leurs infirmités ou de leur caducité, de gagner leur vie par le travail, de se présenter aux hôpitaux pour y être reçus. » Les peines n'étaient édictées que pour les cas de désobéis

sance.

Les mendiants valides, au contraire, étaient punis pour le seul fait de la mendicité. Ainsi, une ordonnance de François Ier, d'août 1536, portait : «< Ordonnons que ceux qui seront mendiants valides seront contraints de besongner et labourer pour gagner leur vie; et où il y auroit défaut ou abus desdits mendiants valides, chacun pourra les prendre ou faire prendre et les mener à la prochaine justice, pour les punir et corriger publiquement de verges et fouets. » Une autre ordonnance de Henri II, du 9 juillet 1547, portait contre les mendiants valides la peine du fouet, du bannissement pour les femmes, et celle des galères pour les hommes Les ordonnances des 13 avril 1685, 28 janvier 1687, 18 juillet 1724 et 20 août 1750, maintenaient ces peines, en substituant au bannissement la détention pour les femmes, et en réduisant les galères à cinq ans au plus pour les hommes.

Notre législation moderne s'est beaucoup occupée de la mendicité, mais sans dévier de la même règle. L'art. 4 de la loi du 30 mai-13 juin 1790 ouvrait des maisons de travail pour les pauvres valides trouvés mendiant. L'art. 22, tit. 2 de la loi du 19-22 juillet 1791, disposait, avec la même restriction, que les mendiants

[1] L. 1, C. de mendicantibus validis. [2] Lois criminelles, p. 395.

valides pourraient être sur-le-champ saisis et conduits devant le juge de paix : le seul fait de la mendicité les plaçait en prévention du délit. La loi du 24 vendémiaire an II prescrivit des mesures répressives pour éteindre la mendicité, et ces mesures n'atteignaient que les mendiants valides. Enfin, l'art. 3 de la loi du 16 ventôse an II ordonnait aux autorités constituées de veiller, sous leur responsabilité, à ce que des individus valides ne mendient point, et s'occupent de travaux utiles à la société. Ainsi l'esprit de la législation a toujours été de ne punir la mendicité que de la part des individus valides, et de la tolérer dans les personnes infirmes et incapables de soutenir leur vie par le travail, sauf seulement les cas où ces personnes emploieraient la fraude ou feraient un métier de la mendicité.

Tel est aussi l'esprit qui respire dans toutes les législations étrangères. Le Code pénal d'Autriche ne punit les mendiants que lorsque l'habitude de la mendicité démontre leur penchant à l'oisiveté ( 2o §, art. 261 ). La loi du Brésil ne décerne également des peines contre ceux qui mendient dans les lieux où des établissements publics sont ouverts pour les mendiants, qu'autant qu'ils sont en état de travailler. Enfin les lois pénales de Naples et de l'île de Malte ne réputent improbe et punissable que la mendicité qui s'exerce par des individus valides (art. 301 et 245). Nous retrouverions le même principe répété dans la plupart des législations.

Notre Code l'a formellement consacré. Le législateur distingue les lieux où un établissement public est institué pour recevoir les mendiants, et les lieux où une telle institution n'existe pas dans les premiers, tout acte de mendicité est interdit, parce que la société, en prenant les mendiants à sa charge, leur ôte le prétexte de leurs besoins; tout acte de mendicité, même de la part des invalides, est donc un acte de désobéissance que la loi inculpe et punit. Dans les autres lieux, au contraire, la mendicité est permise, mais de la part des mendiants invalides seulement, ou de ceux qui, quoique valides, n'en font pas un métier. Le délit n'existe que dans le cas où l'habitude se réunit à la validité; c'est cette double circonstance qui accuse, en effet, l'oisiveté et la fainéantise de l'agent. Nous allons suivre cette distinction dans les textes de la loi.

L'art. 274 est ainsi conçu : « Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il existera un établissement public organisé afin d'obvier à la mendicité, sera punie de trois à six mois d'emprisonnement, et sera,

après l'expiration de sa peine, conduite au dé- c'est le métier de mendier. Il ne faut donc pas pôt de mendicité. »>

Cet article exige deux conditions pour que cette infraction puisse être poursuivie : il faut, en premier lieu, que l'existence d'un dépôt de mendicité soit établie : car, suivant les propres expressions des rédacteurs du Code, jusqu'à ce que les dépôts de mendicité soient formés, on ne peut défendre à ceux qui sont sans ressource de demander l'aumône, encore moins les punir pour l'avoir fait [1]. » Mais il n'est pas nécessaire que cet établissement soit placé au lieu même où le délit a été commis; il suffit, et les termes de l'article l'indiquent, que le dépôt existe pour ce lieu, c'est-à-dire que le mendiant ait eu la faculté de s'y faire admettre; car l'infraction réside dans l'acte de mendicité après qu'un asile a été ouvert à l'agent. Le décret du 25 juillet 1808, qui prescrit l'institution d'un dépôt de mendicité dans chaque département, avec la destination de recevoir tous les mendiants du département, suffit donc pour que tous les actes de mendicité doivent être supprimés dans son étendue; mais il faut que cet établissement soit organisé, c'est-à-dire en pleine activité. Tant que les indigents n'y sont pas admis par leur simple réclamation, l'art. 274 demeure sans application, et la mendicité, isolée d'ailleurs de toutes circonstances aggravantes, demeure licite.

Une deuxième condition est que l'agent ait été trouvé mendiant. Cette condition a été puisée dans la déclaration du 18 janvier 1687, qui ne prononçait également des peines que contre ceux qui étaient trouvés mendiant dans les villes et à la campagne. Il résulte de cette expression, qu'il ne suffit pas de faire preuve des faits de mendicité pour qu'ils puissent être punis: le flagrant délit est seul atteint par la loi; il est nécessaire que l'agent ait été surpris au moment même de l'acte.

L'acte de mendicité a d'ailleurs un caractère propre qu'on ne doit pas perdre de vue. La loi suppose de la part du mendiant un état d'indigence qu'elle veut atteindre; mais le fait unique qu'elle parvient à saisir, c'est l'habitude,

confondre les actes de mendicité avec d'autres faits qui ont avec ces actes une analogie plus ou moins grande telles sont toutes les quêtes qui sont faites au profit des pauvres. Lorsque ces quêtes sont faites, non par les pauvres euxmêmes, mais par des personnes qui s'interposent en leur faveur, il ne peut exister aucun doute; mais elles seraient faites par ceux mêmes qui en profiteraient, qu'elles ne constitueraient pas un acte de mendicité, pourvu d'ailleurs qu'elles fussent accidentelles telles seraient les quêtes faites par les victimes d'un incendie, d'un désastre quelconque. Il en est de même de toutes les souscriptions: tant que la quête ou la souscription n'a pour objet que d'allouer une indemnité passagère à celui qui en est l'objet, elle échappe à la loi pénale; mais elle pourrait rentrer dans ses termes si elle devenait habituelle, si elle était un moyen ordinaire de subsistance. C'est d'après cette distinction que la Cour de cassation a décidé qu'une quête faite au nom du desservant d'une paroisse, chez tous les habitants de la commune, pour demander à chacun d'eux, à titre volontaire, une certaine quantité de blé, ne caractérisait pas le délit de mendicité [2].

L'art. 274, après avoir prononcé un emprisonnement de trois à six mois, ajoute : « que le condamné sera, en outre, conduit au dépôt de mendicité. » Or, quel est le caractère de cette mesure? Est-ce une peine accessoire? Est-ce une simple mesure de police? Ce n'est point une peine; cela résulte de l'article lui-même, puisqu'il dispose que les condamnés seront, apès l'expiration de leur peine, conduits au dépôt. Le but de cette disposition a été d'ouvrir un asile aux indigents qui n'ont aucun moyen de subsistance, et d'habituer au travail ceux que l'oisiveté et la paresse jettent dans la mendicité 3). C'est ainsi qu'elle fut caractérisée dans la discussion du Code pénal. M. de Cessac demanda pourquoi on ne transférait pas d'abord le mendiant dans le dépôt. M. Regnaud répondit: » que les dépôts de mendicité sont des maisons de secours et des asiles

[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 27 novembre 1830. V. Code administratif des 5 nov. 1808.

[2] Arr. cass. 10 nov. 1808. (Sir., 1807. 2, 1155). [3] V. les arrêtés belges des 12 octobre 1825, et 3 janvier 1826 sur la répression de la mendicité et la réorganisation des dépôts. Toutes les dispositions existantes sur la mendicité ont été maintenues par arrêté du gouvernement provisoire du

établissemens de bienfaisance, p. 272 et suiv.

D'après une instruction du ministre de la justice (insérée ib p. 270), relative à l'exécution de Part. 274 du Code pénal, l'envoi d'un mendiant dans un dépôt peut avoir lieu sans qu'il ait été préalablement soumis à un jugement. Il suffit que le mendiant demande d'y être envoyé directement.

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