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ritier a-t-il reçu du défunt ces biens indirectement par donation entre-vifs?

Il les a reçus, dira t-on, directement, non à titre de libéralité, mais en vertu d'un contrat onéreux, et mul n'a le droit d'attaquer la forme de l'acte ni de porter l'inquisition sur les causes et la nature du contrat, parce que le défunt ne devait de réserve à personne; que l'article 918 n'ordonne l'emputation et le rapport qu'en ligne directe, et en interdit la demande aux successibles en ligne collatérale.

Que signifient ces mots de l'article 843, par donations entre-vifs, directement ou indirectement ?

Que les donations ne doivent pas être faites en termes formels pour être sujètes à rapport; qu'il suffit que la libéralité soit constatée par des actes qui eportent d'eux-mêmes donation; mais c'est abuser du sens de l'article 843 que de l'appliquer à des contrats sous prétexte qu'ils peuvent renfermer des avantages.

Par exemple,

Le défunt a renoncé à une succession en faveur d'un de ses héritiers présomptifs, ou il a fait une acquisition pour lui et avec ses propres deniers; il a payé les dettes de cet héritier, ou lui a fourni un établissement à ses frais: voilà des donations indirectes, et comme le défunt n'a pas manifesté l'intention de l'exempler du rapport l'héritier s'y trouve soumis en vertu de l'article 843.

Tel

Tel est le sens attaché à l'expression indirectement.

On pourrait citer beaucoup d'autres cas où la même obligation de rapporter résulterait de la nature des actes, quoiqu'ils ne soient pas conçus dans les formes d'une donation directe; mais, quand au lieu de donner le défunt vend, ou fait avec un de ses successibles un contrat à titre onéreux, il faut respecter les actes tels qu'ils sont caractérisés, à moins qu'il ne s'agisse de réserve et qu'elle se trouve entamée; alors les avantages déguisés restent soumis à la censure des légitimaires : c'est une fraude faite à la loi.

Où chercher la fraude lorsque le défunt a eu la libre disposition de sa fortune.

En vendant, il a prononcé sa volonté de détacher de la masse de ses biens ce qu'il a ainsi aliéné; il n'a pas voulu qu'ils fissent partie de sa succession : est-il possible d'exclure plus énergiquement toute obligation de rapporter ? Cette forme est plus expressive que toute stipulation de préciput.

Si l'intention du défunt eût été de donner à charge. de rapport, il aurait pris la voie directe des donations; il a eu recours à la forme d'un contrat onéreux, et, pour l'impugner, il faut avoir droit à une réserve.

Ce qui fortifie cette opinion, c'est que, selon l'article 844, l'héritier donataire, avec dispense de rapport, retient les dons jusqu'à concurrence de la portion disponible.

1812. Tome 11, N.o 1.

Donc, quand tout a été disponible, il n'est pas sujet au rapport.

Si un contrat à titre onéreux a plus de force que la stipulation du préciput et de la dispense du rapport, il suit qu'il est inattaquable dès qu'il n'y a point de réserve.

On soutient l'opinion contraire, et il faut conveuir qu'elle est tout-à-la-fois plus morale et plus conforme à l'égalité des droits des successibles.

Plus morale, parce que la simulation est odieuse et que l'on ne doit pas autoriser les individus à mentir dans les transactions sociales.

Plus conforme à l'équité, puisqu'elle tend à conserver l'égalité entre des héritiers qui viennent au même titre.

Qu'importe la dénomination de l'acte! s'il renferme une libéralité, il doit être jugé d'après sa nature.

Il n'y a pas de contrat onéreux là où tout est gratuit d'une part; et c'est un principe de droit qu'un acte qualifié de vente est une donation s'il n'y a pas eu de prix ou s'il n'y a eu qu'une fiction de prix suivant la maxime, plus valet quod agitur quàm quod simulate concipitur.

Or, l'article 843 du Code Napoléon soumet au rapport tout héritier qui a reçu par donation entrevifs, directement ou indirectement; il ne peut retenir, réclamer ni dons, ni legs, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part ou avec dispense du rapport.

Si le défunt a voulu le gratifier par voie indirecte, en lui donnant sous l'apparence d'un contrat onéreux, il n'a pas entendu le dispenser du rapport, puisqu'il ne l'a pas dit; il est censé avoir abandonné l'effet de sa libéralité à la règle générale, et l'article 843 ne fait à cet égard aucune distinction.

Que son intention n'ait pas été de soustraire la donation déguisée à l'obligation du rapport, c'est ce qui résulte du mode de la disposition; car il savait et il devait savoir qu'il lui était permis de donner par voie directe, avec dispense expresse du rapport.

Ces sortes de donations sont presque toujours arrachées par astuce ou par importunité en cédant aux impulsions de l'intrigue, le donateur adopte la forme qu'on lui présente, peut-être croit-il encore ménager sa délicatesse envers ses autres sccessibles en prenant une voie qui n'occasionne aucun éclat ; mais s'ensuit-il qu'il veuille plus faire par une voi. détournée que par une disposition directe?

Qu'importe l'article 918.

L'article 918 est étranger aux principes établis sur l'obligation de rapporter.

Il résulte simplement des dispositions qu'il renferme que, si la vente à fonds-perdu était sérieuse, elle se trouverait à l'abri de toute attaque de la part des successibles en ligne collatérale, parce que l'imputation et le rapport ordonnés ont pour objet la disponibilité limitée en ligne directe, tandis qu'en ligne collatérale il n'y a pas de réserve; mais c'est outrer le sens de cet article que d'en conclure que, s'il n'y

a pas de vente à fonds-perdu, que si sous cette apparence l'acte qui contient la vente à fouds-perdu n'est qu'une pure libéralité, le donataire se trouve dispensé du rapport: c'est confondre les matières.

Contre ces dernières observations s'élève une objection très-pressante.

Pourquoi l'article 918 a-t-il assujéti les ventes à fonds- perdu faites à des successibles en ligne directe à l'imputation sur la portion disponible et au rapport à la masse? c'est parce que le législateur a considéré ces sortes d'aliénation comme présumées emporter avantage en faveur de l'aliénataire.

Le même principe se trouvait déjà établi par l'article 26 de la loi du 17 nivôse an 2.

Plusieurs coutumes avaient envisagé sous le même point de vue les rentes viagères ou à fonds - perdu.

:

La loi du 17 nivôse étendait la nullité de ces actes à la ligne collatérale; mais la raison en est simple l'article 16 de la même loi interdisait toute donation aux personnes appelées par les lois au partage des successions; alors la réserve s'appliquait indistinctement aux deux lignes.

Ce motif n'existe plus pour la ligne collatérale, et voilà pourquoi l'article 918 interdit toute réclamation aux héritiers de cette ligne.

S'il est démontré que le principe de l'imputation et du rapport est fondé sur la présomption que l'acte contient avantage ou donation, il est conséquent

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