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de dire que l'article 918 n'a pas voulu que les donations faites sous la forme d'une rente viagère ou à fonds - perdu pussent être impugnées par les collatéraux; car il le décide textuellement.

La seconde question n'offre pas à beaucoup près les mêmes difficultés, car le rapport n'est dù qu'en cas de succession; c'est donc par la loi qui règle la succession que l'obligation de rapporter doit être régie, et c'est ce qui a été jugé toutes les fois que la question s'est présentée.

D'après ces développemens, il ne reste plus qu'à donner une idée du fait.

La veuve Paternoster, née Vanmaldeghem, est décédée sans enfans sous l'empire dn Code Napoléon.

Le premier fructidor an 10, elle fit au sieur Vanmaldeghem, son frère germain, une vente de biens à fonds-perdu: elle avait d'autres successibles.

A son décès, les cohéritiers prétendirent contraindre les enfans de Vanmaldeghem a rapporter à la masse la valeur des biens vendus à leur père à titre de rente viagère ou à fonds perdu.

Ils se fondaient sur ce que cette vente était une douation, une pure libéralité, puisque le revenu équivalait au moins au montant de la rente, et que l'aliénation avait été faite par une femme infirme avancée en àge et dans le voisinage de la mort.

Ils ajoutaient que l'acte du premier fructidor an

10 était resté sans exécution, et ils induisaient de deux dispositions postérieures et de quelques autres circonstances la renonciation de Vanmaldeghem à la vente à fonds perdu; en un mot, la résolution de l'acte du premier fructidor an 10.

Inutile d'entrer dans le détail des faits articulés contre la vente à fonds perdu; ils ont été appréciés dans leur ensemble, et, lorsqu'il s'agit de déterminer la nature d'un acte ex conglobatis, le juge ne doit compte qu'à sa conscience du degré de preuve qui le décide.

Le tribunal de première instance n'avait examiné que la question de droit, et il avait jugé que les biens compris dans l'acte du premier fructidor an 10 n'étaient pas sujets à rapport.

Ses motifs étaient puisés dans l'article 918 du Code Napoléon.

Steyaert et consors, appelans, s'attachèrent plus particulièrement au développement des faits, dont ils firent sortir la preuve, que la vente à fonds perdu n'était autre chose qu'une donation déguisée.

Partant de cette preuve, ils invoquèrent l'application de l'article 843, et leur système fut accueilli par l'arrêt suivant.

Considérant que c'est un principe incontestable que les indices, les conjectures et les présomptious n'ont jamais plus d'effet que lorsqu'il s'agit de découvrir la fraude et la simulation des actes:

« Considérant qu'en discutant chacun des fails et

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circonstances articulés et vérifiés par l'appelant, pour établir que l'acte du 1.er fructidor an 10 renferme une donation couverte du voile d'une vente à fondsperdu, et nommément 1.° que la pension viagère stipulée par ledit acte était à-peu-près égale au revenu annuel des biens qui en forment l'objet, 2.o que la délivrance de ces biens n'a pas été effectuée, et qu'il n'a pas même été fait de tradition feinte ou symbolique, qu'enfin le même acte n'a reçu aucune espèce d'exécution; 3.° que, postérieurement à sa naisla venderesse a fait une donation à l'acheteur d'une partie des biens qui s'y trouvaient déjà enveloppés, et qu'après cela elle a encore légué les mêmes biens aux intimés, et qu'il est intervenu en après plusieurs autres actes contraires à celui susénoncé, l'on est pleinement convaincu qu'il résulte de la masse des présomptions qui naissent des faits et circonstances détaillés ci-dessus une preuve morale ou artificielle que ledit acte est entaché de simulation, n'ayant eu d'autre cause finale de la part de la veuve Paternoster que de faire une donation à son frère qui l'a acceptée :

sance,

• Considérant qu'il est évident que c'est la loi en vigueur, à l'époque où s'ouvre une succession, qui doit régir et déterminer les rapports à y faire, d'autant que le droit de succéder étant sans contredit subordonné à la loi qui règle la succession lors de son ouverture, on est obligé, en exerçant ce droit, de se soumettre aux conditions qu'elle y impose :

« Considérant que l'article 843 du Code Napoléon, sous l'empire duquel la succession de ladite Veuve Paternoster s'est ouverte, statuc formellement

que tout héritier méme bénéficiaire venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt par donation entre-vifs, directement ou indirectement, et à moins que les dons et legs ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part ou avec dispense du rapport, et que l'article 848 du même code porte textuellement que si le fils ne vient que par représentation à la succession du donateur, il doit rapporter ce qui avait été donné à son père, même dans le cas où il aurait répudié sa succession:

« Considérant que l'article 918 dudit code n'est pas applicable à l'espèce de la cause, d'autant qu'il traite spécialement de la portion des biens disponi bles, et qu'il n'en est nullement question au cas actuel :

« Considérant qu'il est sensible que la volonté de faire une donation enveloppée sous les formes extérieures d'une vente n'emporte pas la dispense du rapport qui doit être expresse aux termes de l'article 843 susmentionné;

«Par ces motifs,

«La cour met le jugement dont est appel au néant, en tant qu'il a déclaré que les biens compris dans l'acte du premier fructidor an 10 n'étaient pas sujets au rapport, et en ce qu'il a condamné l'appelant aux dépens de l'incident qui s'est élevé en première instance; émendant, quant à ce, ordonne que lesdits biens seront rapportés à la masse de la succession dont il s'agit, dans le partage à en faire;

condamne les intimés aux dépens engendrés en première instance dans le susdit incident et en ceux de l'instance d'appel; ordonne la restitution de l'amende consignée; ordonne en outre que pour le surplus le jugement dont est appel sortira son plein effet; renvoie les parties, pour les opérations ultérieures du partage à faire de ladite succession, devant le tribunal de première instance de l'arrondissement de Bruges. »

Du 30 mai 1812. Première chambre.

MM. Hellebaut et Devleschoudere.

Appel.

Dernier ressort. — Dommagesintérêts. Réconvention.

Si la demande principale est d'une somme déterminée au-dessous de 1000 francs, le jugement estil rendu en dernier ressort quoique le défendeur ait conclu à des dommages-intérêts évalués à mille francs?

Peut-on, sous prétexte d'une demande réconventionnelle dont l'objet est vague et indéterminé, rendre appelable le jugement porté sur la demande principale dont l'objet est au-dessous de 1000 francs?

Si l'on suivait les principes établis par la loi 11, § 1, de jurisdictione, il faudrait décider que, dans

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