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se trouve le quatrième et dernier échelon de la hiérarchie administrative. Les maires ont en effet deux qualités bien distinctes celle d'administrateurs municipaux, celle de fonctionnaires de l'État. Dans la première, ils représentent le pouvoir communal proprement dit; dans la seconde, ils représentent l'action générale de l'État : sous ce dernier rapport, ils relèvent du préfet, du ministre de l'intérieur, du roi, ils sont sous leur autorité (1).

Ainsi les quatre degrés de la hiérarchie administrative descendent du trône vers l'unité communale : le roi, les ministres, les préfets, les maires, voilà l'ordre hiérarchique. Le roi procure l'action, mais il ne l'exerce pas; les ministres l'exercent et la procurent; les préfets l'exercent et la procurent; les maires la reçoivent, l'exercent et ne la procurent pas; elle s'arrête en eux, elle se résout dans leur part d'attributions administratives.

L'action, dans l'administration actuelle de la France, repose sur l'unité; elle est, à tous les degrés, confiée à un seul fonctionnaire. Les directoires administratifs, créés par l'assemblée constituante, ont fait place au système de l'unité administrative du consulat, selon la loi du 28 pluviôse an VIII. Mais à côté de l'action, pour la faciliter et l'éclairer, se trouve l'institution des conseils.

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A chaque ministère est attaché un comité du conseil d'État, qui est chargé de préparer les instructions, les règlemens, les solutions de toutes les questions qui peuvent intéresser le service; c'est un comité consultatif du premier ordre. A côté des préfets est placé le conseil de préfecture, lequel, dans ses attributions complexes, est chargé de donner son avis sur toutes les décisions, sur tous les arrêtés qui doivent être légalement pris par le préfet, en conseil de préfecture; ce conseil n'est pas alors un tribunal administratif, il n'est qu'un comité consultatif, dont l'avis peut n'être pas suivi. A côté des maires se trouvent le conseil des répartiteurs pour l'assiette des impôts, et le conseil municipal qui, en certains cas intéressant l'ordre public, peut éclairer l'action du maire.

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(1) Voir ci-dessous, livre II, le chap. 2, De l'adm, municipale.

Agir, conseiller, voilà donc les deux premiers modes par lesquels se manifeste la puissance administrative si la fonction du pouvoir actif est exercée, aux divers degrés de la hiérarchie, par un seul fonctionnaire, la fonction du pouvoir consultatif est naturellement exercée par plusieurs.

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L'administration, sous l'influence des conseils légaux, agit soit par voie générale d'ordonnance et de règlement sur l'ensemble du royaume, soit par voie d'arrêté et d'action spéciale sur les divisions territoriales et les individus. Elle agit aussi par voie de décision et de jugement, en matière administrative contentieuse; et alors ce sont ou les fonctionnaires actifs qui deviennent juges en premier ressort, ou les conseils qui, institués comités consultatifs sous un rapport, deviennent, sous un autre, conseils de juridiction et tribunaux administratifs de premier et de deuxième degrés.

Mais si l'action administrative manifeste sous ces diverses. formes le pouvoir exécutif de l'État, la société aussi a son action d'examen et de contrôle sur l'administration: l'intervention sociale et le droit d'examen sont représentés, à côté des ministres, par les chambres législatives; à côté des préfets et sous-préfets, par les conseils de département et d'arrondissement; à côté des maires, par les conseils mu nicipaux l'action du pouvoir administratif et le contrôle social se présentent donc toujours sur deux lignes parallèles.

Ainsi la hiérarchie administrative comprend : 1° les degrés successifs de l'administration générale et locale; 2o les adjonctions, à chaque degré, de conseils consultatifs; 3° les adjonctions, à certains degrés, de juges et tribunaux administratifs; et, de plus, l'ordre constitutionnel et la hiérarchie administrative embrassent les institutions diverses par lesquelles la société est représentée dans son droit souverain d'examen et de contrôle général et local.

Le pouvoir administratif étant fondé dans sa hiérarchie et réglé dans ses divers modes d'action, de conseil, de jugement, de contrôle national, le législateur a dû lui assurer l'indépendance la plus entière le pouvoir judiciaire,

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par son impulsion propre, ou par l'effort des intérêts particuliers qui s'agitent en sa présence, pouvait se laisser facilement entraîner hors de ses limites : le souvenir de l'intervention des parlemens dans la sphère administrative était, au surplus, un avertissement légué par l'ancienne monarchie aussi la loi du 16 août 1790 [art. 13] a-t-elle défendu aux tribunaux ordinaires de troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, et de citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions (1).

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L'indépendance réciproque des pouvoirs administratifs et judiciaires est aujourd'hui un principe fondamental de notre droit public et administratif.

Ces caractères généraux reconnus, nous pouvons aborber les trois grandes sections de notre plan : l'administration générale, l'administration locale, la justice administrative, considérées par rapport à la conservation et au but de la société.

(1) Voir aussi décr. 22 déc. 1789, sect. 3, art. 7 : « Elles (les administrations << de département et de district) ne pourront être troublées dans l'exercice de <«<leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire. >>

ADMINISTRATION GÉNÉRALE,

PREMIÈRE PARTIE.

DROIT ADMINISTRATIF

DANS SES RAPPORTS AVEC LA CONSERVATION DE LA SOCIÉTÉ.

Cette première partie embrasse les matières qui se rattachent essentiellement à la conservation de la société sous le point de vue de l'intérieur et sous le point de vue de l'extérieur. De là plusieurs titres qui pourraient se placer sous deux sections correspondantes, mais que nous comprenons dans une seule série, pour ne pas multiplier les divisions sans nécessité absolue :

Titre I. Du domaine national;
Titre II. Des impôts;

Titre III. De la défense sociale considérée dans ses moyens préventifs et répressifs, et dans ses rapports avec les droits et les devoirs de l'administration;

Titre IV. De la force armée ;

Titre V. Des servitudes militaires;

Titre VI. De l'institution diplomatique, dans ses rapports avec les droits et les devoirs respectifs de l'administration et des citoyens.

TITRE PREMIER.

DU DOMAINE NATIONAL'.

Nous avons trois périodes à étudier au sujet du domaine :

(1) On peut consulter: 1o Le Traité du Domaine public de M. de Proudhon, 5 vol.; 2o Le Traité de la Fortune publique en France, par MM. Macarel et Boulatignier, 1838, et 1840, 2 vol. (L'ouvrage en aura 6.)

1o Le droit ancien; 2° le droit né de la révolution; 3o le droit actuel; ce qui nous donne la matière d'autant de chapitres; mais nous ne demanderons au passé que des résultats indispensables.

CHAPITRE I.

DROIT ANCien.

L'idée de la royauté s'était élevée si haut dans l'ancienne monarchie, que le domaine de la couronne, au lieu d'être regardé comme une branche du domaine national, était l'expression générique qui comprenait toutes les parties du domaine. Il y avait donc identité entre le domaine de l'État, en général, et le domaine de la couronne. Nous ne rechercherons ici que deux résultats : quels étaient les élémens du domaine de la couronne, et quels principes le régissaient.

I. Les élémens du domaine de la couronne étaient de deux espèces, le domaine corporel et le domaine incorporel. Le domaine corporel comprenait le grand et le petit domaine.

Le grand domaine renfermait des seigneuries ayant justice haute, des duchés, marquisats, principautés, et leurs mouvances. Les forêts royales, les chemins publics, les fleuves, les rivages de la mer étaient attribués expressément au roi en propriété par les ordonnances de Louis XIV, de 1669 et 1681.

Le petit domaine se composait d'objets détachés qui ne constituaient pas un corps de seigneurie, comme des prés, des bois, des fours, des moulins, des marais, etc.

Le domaine incorporel comprenait des droits dont les uns étaient féodaux par leur origine, les autres régaliens: ainsi les droits d'amortissement, de franc-fief, de bâtardise, d'aubaine, avaient été pris par le domaine de la couronne dans le régime féodal; les droits d'anoblissement, de confiscation, de déshérence; le droit de créer des offices vénaux les droits de contrôle, de centième denier, avaient été puisés dans le pouvoir inhérent à la royauté: ce sont ces droits

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