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<< tant que leur destination n'a pas été changée ou par la « force des choses ou par le même pouvoir qui les avait « précédemment placées hors du commerce (1); »

4o Les canaux de navigation intérieure;

5o Les chemins de fer.

Bien que, dans les deux derniers cas, il puisse y avoir lieu à des drois de péage, ces voies de communication n'en sont pas moins destinées à un service public; les droits perçus ne sont qu'un impôt levé sur le voyageur, et ils ne donnent pas le caractère de propriété privée à une dépendance du domaine public.

6o Doit-on mettre dans les dépendances de ce domaine les cours d'eau non navigables, selon la doctrine de M. Proudhon, qui enseigne que « le corps et le très-fonds du lit naturel des petites rivières font partie du domaine public quant à la nue propriété, le droit de superficie ou d'usufruit perpétuel en étant concédé aux riverains pour la revendication et jouissance des divers avantages que peut leur procurer le voisinage de ces cours d'eau (2). »

Cette doctrine a été vivement combattue par M. Troplong (3), et la raison fondamentale de ce dernier jurisconsulte est prise du rapprochement des art. 560, 561; il dit en résumé: Ces articles sont placés sous le titre de l'accession; l'art. 560 déclare que les îles et atterrissemens qui se forment dans les fleuves et rivières appartiennent à l'État, Pourquoi? Parce que l'État est propriétaire du lit des fleuves, et que l'accessoire suit la nature du principal. -L'art. 561 attribue aux propriétaires riverains les îles et atterrissemens formés dans les rivières non navigables. Pourquoi? Évidemment par l'application du même principe que l'accessoire suit le principal.

La raison décisive du savant magistrat est donc prise de l'application que l'on doit nécessairement faire aux deux dispositions du code de la règle accessorium sequitur naturam principalis. Mais si l'on établit que l'art. 560 n'est pas fondé

(1) Proudhon, no 341.

(2) Domaine public, t. III, nos 933, 937, 956, 967.

(3) Commentaire du titre de la prescription, t. Ier, no 145.

sur cette règle, il s'ensuivra qu'on ne doit pas dès lors regarder cette règle comme le fondement nécessaire de l'art. 561. Le Code fournit à cet égard deux argumens qui nous semblent péremptoires :

Premier argument, la distinction entre le domaine public et le domaine de l'État est consacrée par le Code civil, nous l'avons démontré plus haut ; or, l'art. 538 dit que les fleuves et rivières navigables sont des dépendances du domaine public, et l'art. 560 dit que les îles et atterrissemens formés dans leur lit appartiennent à l'État, donc il y a une différence entre les fleuves et leurs îles quant au domaine de propriété. Tout le monde peut naviguer sur un fleuve, tout le monde ne peut jouir de l'île qui surgit d'un fleuve. Le fleuve est inaliénable et imprescriptible; l'usine établie sur le lit de ce fleuve sera toujours censée établie par tolérance, et la possession ne sera jamais une cause de propriété : au contraire, l'île née d'un fleuve est aliénable et prescriptible comme tout autre domaine de l'État. Il ne faut donc pas dire que la règle accessorium soit ici applicable, puisque l'île aura, en droit, une nature différente de celle du fleuve et de son lit. Le même raisonnement s'étend à l'art. 561; l'île née d'une rivière non navigable peut être attribuée en propriété aux riverains, sans en conclure que la rivière et son lit leur appartiennent. La loi a été libre d'attribuer cet objet aux riverains qui y ont le plus d'intérêt par leur voisinage, comme le droit romain attribuait aux riverains les îles des fleuves, bien que les fleuves fissent partie du domaine public (1): ces attributions sont indépendantes de la question de propriété des fleuves et rivières.

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Le deuxième argument, à l'appui de notre thèse, puisé dans l'art. 563. Lorsqu'une rivière non navigable se forme un nouveau cours et abandonne son ancien lit, le lit donné est attribué non aux riverains, mais aux propriétaires des fonds nouvellement occupés: si la propriété de l'ancien lit avait nécessairement appartenu aux riverains, ou la loi civile l'aurait laissée à ces derniers, ou, les expropriant

(1) Instit., lib. II, tit. 1, § 22, De rerum divisione. — Dig., lib. XLIII, tit. 12, L. 1, § 6, Si insula in publico flumine.

en faveur d'autrui, elle leur aurait assuré une indemnité : au contraire, c'est expressément à titre d'indemnité qu'elle attribue l'ancien lit aux propriétaires dépossédés par le changement du cours d'eau. Pourquoi donc cette indemnité? La raison en est que, dans nos principes de droit, il est dû indemnité toutes les fois qu'il y a expropriation pour cause d'utilité publique. Ici, le propriétaire dépossédé pour cause d'utilité publiqne reçoit une indemnité en nature de fonds, et le nouveau lit de la rivière pour lequel l'indemnité est payée tombe naturellement dans le domaine public. Si ce nouveau lit venait lui-même à être abandonné, il ne retournerait pas à son ancien propriétaire; il serait attribué, pour la même cause, la même cause, à celui qui serait nouvellement dépossédé par le changement du cours de l'eau. —Le principe de la propriété particulière ne se fait donc sentir qu'en faveur de celui qui est nouvellement privé de son fonds; le propriétaire riverain du lit abandonné est mis tout-à-fait en dehors de son application par l'art. 563.

Ajoutons qu'aux termes de l'art. 3 du Code de la pêche fluviale (1), « dans le cas où des cours d'eau seraient ren« dus ou déclarés navigables ou flottables, les propriétaires «qui seront privés du droit de pêche auront droit à une <«< indemnité préalable. » — La loi accorde indemnité pour le droit de pêche, qui appartient incontestablement aux propriétaires riverains; mais elle n'accorde pas d'indemnité pour la prétendue propriété du lit du cours d'eau, qui passerait cependant alors, dans le système de M. Troplong, du domaine privé dans le domaine public.

Nous concluons de tout cela que, dans le silence de la loi, on doit s'attacher à la nature des choses. Or, l'eau courante est dans le domaine public, le lit qui lui sert de passage et de véhicule est donc aussi dans le domaine public; Ulpien l'a dit, en ne considérant les choses que sous le point de vue logique, impossibile est ut alveus fluminis publici non sit publicus (2). Et l'on sait qu'en droit romain les cours d'eau étaient publics, sans distinction des fleuves

(1) Loi du 15 avril 1829.

(2) Dig., lib. XLIII, tit. ^2, L. 1, § 7, De fluminibus.

navigables ou non navigables, flumina autem omnia publica sunt(1); pertinet interdictum ad flumina publica, sive navigabilia sunt, sive non sunt (2). Cette théorie, qui classe les fonds des cours d'eau non navigables ni flottables dans le domaine public, nous paraît la seule vraiment rationnelle et conforme aux principes de notre droit. Il faut mettre dans une classe à part les canaux artificiels destinés soit à l'irrigation des terres, soit à l'alimentation des usines; le terrain a été fourni volontairement et par contribution pour recevoir le passage de l'eau dans un but déterminé. Ces canaux et leurs francs-bords font exception aux règles ordinaires des cours d'eau.

Cette doctrine serait peu importante, si l'on ne considé rait que l'intérêt immédiat du propriétaire riverain, puisque tous les droits utiles sont reconnus lui appartenir; mais elle est très-essentielle, du point de vue administratif, en ce qu'elle fonde le droit de l'administration sur le régime des cours d'eau. Hors de cette théorie, le droit de l'administration est exceptionnel et exorbitant; avec cette théorie, il devient, comme nous le verrons plus tard, d'une facile et régulière application.

SECTION III.

DU DOMAINE DE L'ÉTAT.

Le domaine de l'État est aujourd'hui, comme sous l'ancien droit, corporel et incorporel.

Il faut considérer les élémens qui le composent et les règles qui le régissent sous l'un et l'autre rapport.

(1) Instit., lib. II, tit. 1, no 2, De rerum divisione.

(2) Dig., lib. XLIII, tit. 13, L. 1, § 2, Ne quid in flumine publico.—On peut opposer la loi 1 du tit. 12, S3, portant: Fluminum quædem publica sunt, quædam non. Mais le sens de cette loi n'est pas équivoque; car Ulpien, à qui elle est empruntée, dit que Cassius définit publicum flumen quod perenne sit, et il approuve la définition. C'est donc la continuité du cours qui constitue la qualité du fleuve public; le flumen privatum sera celui qui ne coulera que pendant un certain temps torrens vel hyeme fluens. C'est dans ce sens seulement que le jurisconsulte dit, §4: «Si << autem flumen privatum sit cessabit interdictum; nihil enim differt a cæteris « locis privatis flumen privatum. »

SI. DOMAINE CORPOREL.

I. Élémens constitutifs. — Le domaine corporel renferme des biens meubles et immeubles.

Les biens meubles se composent d'objets d'un nombre indéfini et d'une valeur inappréciable, tels que les bibliothèques royales, les archives nationales, les objets de l'imprimerie royale, les collections d'objets d'arts et de sciences formées et entretenues par l'État ; tous les objets précieux, diamans, pierreries, statues, musées, tableaux, etc., compris dans la dotation mobilière de la couronne, et inventoriés en vertu de la loi du 2 mars 1832; mais les monumens et les objets d'arts placés, depuis cette loi, dans les maisons royales, soit aux frais de l'État, soit aux frais du roi, sont déclarés propriétés de la couronne [7]. Dans les biens meubles, il faut comprendre encore le mobilier et le matériel des ministères et des administrations publiques, les matières premières ou fabriquées destinées aux services publics, à la marine, aux finances, à la guerre, et enfin les armes et objets confiés à la garde nationale. Ces élémens d la fortune publique dans un État comme la France sont d'une importance incalculable: aussi n'a-t-on pas essayé de donner la statistique de la richesse mobilière de l'État. Les biens immeubles se composent :

1o Des immeubles et forêts provenant de l'ancien domaine et du clergé, qui n'ont pas été compris dans la dotation immobilière de la couronne par la loi du 2 mars 1832;

2o Des biens provenant du domaine extraordinaire créé sous l'empire par le sénatus-consulte du 30 janvier 1810, et réuni au domaine de l'État par la loi du 15 mai 1818 (c'est ce sénatus-consulte qui avait ressuscité des inféodations transmissibles de mâle en mâle, et reversibles, en cas d'extinction de la race masculine);

3o Des biens provenant de la dotation de l'ancien sénat et des sénatoreries, réunis au domaine réunis au domaine par la loi du 28 mai 1829 [art. 7];

4o Des édifices et biens immeubles affectés au service des ministères et administrations générales ;

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