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sidère seulement les choses dans leur valeur échangeable et productive propriété, valeur, deux idées essentielle ment distinctes, et qui ont dû servir de base à deux sciences différentes.

L'économie politique, comme science de faits sociaux qui changent, se modifient, se développent, est une science relative; elle repousse l'absolu; elle est mobile dans ses points de vue comme la société, dont elle comprend et éclaire la situation sous le rapport de la richesse nationale. Elle embrasse tous les faits qui constituent ou qui modifient la valeur échangeable et productive des choses, d'après l'état donné de la société à l'intérieur et à l'extérieur; elle indique les moyens appropriés à l'état de la société pour développer les élémens de la richesse nationale : de là ses rapports avec le droit administratif, surtout en matière d'impôts; car les impôts sont un des élémens de la richesse ou de la misère publique, et ils exercent une grande influence sur la valeur échangeable et productive.

L'économie sociale renferme quatre faits principaux : la production de la richesse, la distribution des produits, l'échange des valeurs, la transmission volontaire ou héréditaire des capitaux.

La production de la richesse ou des revenus se fait par trois classes de producteurs : les propriétaires fonciers, y compris les fermiers-cultivateurs; les capitalistes ou ceux qui disposent soit d'une force pécuniaire, soit d'une force intellectuelle; les travailleurs, ce qui embrasse les industriels, les commerçans par échanges ou par transports, les ouvriers.

La distribution de la richesse se fait entre les différentes classes de producteurs : les propriétaires fonciers ont le revenu net, les cultivateurs la rente territoriale, c'est-àdire le bénéfice de vente qui dépasse les frais de production; les capitalistes ont les profits de leur capital pécuniaire ou les revenus de leur fonds intellectuel; les travailleurs ont les profits de l'industrie et du commerce, ou le salaire du travail.

Ces deux faits de la production et de la distribution de la richesse supposent un échange préalable de valeurs, ou nécessitent un échange postérieur à la production et à la distribution, car l'échange des revenus et des objets est l'élément indispensable de la satisfaction des besoins ré→ ciproques.

Enfin les valeurs étant produites, distribuées, échangées, deviennent, dans la part qui excède la consomma→ tion, un capital nouveau qui produira de nouveaux revenus, subira différentes mutations, et sera transmis par les derniers détenteurs à leurs héritiers légitimes ou tes→ tamentaires.

Or, tout agent qui concourt à la production des revenus doit prendre part à leur distribution. C'est là un principe fondamental en économie politique, et c'est ce principe qui devient la base légitime de l'impôt.

En premier lieu, le gouvernement prend part à la production de la richesse nationale par la protection qu'il exerce, au nom de la société, sur les producteurs, sur tous les élémens de la production, et par les travaux d'utilité générale qu'il entreprend et qu'il dirige;

En second lieu, il facilite les échanges et en assure les effets ;

En troisième lieu, il garantit les transmissions héréditaires par cette même protection sociale dont il est l'instrument toujours actif. Donc, participant à la production, l'État doit, comme tous les autres agens, avoir part aussi à la distribution: telle est la base rationnelle et scientifique de l'impôt.

C'est dans ce concours de l'État à la production, aux échanges, aux transmissions, que se trouve la raison de l'impôt général sur les revenus et de l'impôt spécial sur les capitaux.

L'impôt est donc le prix de la protection exercée par le gouvernement au nom de la société : ce prix est payé par les propriétaires fonciers et les fermiers sur les revenus nets de leur terre, par les capitalistes de différentes classes sur leurs produits présumés, par les travailleurs indus

triels, commerçans, mercenaires, sur leurs profits et salaires présumés.

C'est là l'impôt général et direct sur les revenus.

L'impôt indirect ou de consommation a la même base; il est le tribut payé par tous et surtout par la classe la plus nombreuse, en vue de la protection qui maintient l'ordre de la société, donne au travail des moyens d'exercice, et crée des institutions de bienfaisance publique et d'instruction pour la classe ouvrière. On peut les considérer comme une juste compensation de l'impôt que paient les propriétaires territoriaux : « Les impôts indirects pèsent princi« palement sur le pauvre, mais ils sont balancés par ceux qui portent uniquement sur les propriétaires de biens« fonds, et ils les justifient (1). »

Enfin, les impôts de mutation sur les capitaux échangés entre les personnes ou transmis d'une génération à une autre, sont également le prix de la protection sociale qui a concouru à la formation, à la circulation du capital, et qui garantit sa transmission : c'est au moment où le capital apparaît et se manifeste par un emploi productif, par une transformation territoriale, que le prélèvement est fait sur le capital au profit de la société, qui protége la transaction. C'est au moment où l'héritier du sang, où le successeur testamentaire va profiter du capital à la formation duquel il n'a pas concouru, que la société réclame une sorte de prime d'assurance pour l'avenir, un prélèvement qui devient le prix anticipé de la garantie publique.

Impôts directs, impôts indirects, droits d'enregistrement et de mutation, telle est la division qui servira de base aux trois chapitres suivans; mais nous plaçons ses différentes branches sous l'empire de cette idée générale, que l'impôt en lui-même est la part assignée par la loi au gouvernement dans la distribution de la richesse publique, et que, dans son principe économique et rationnel, il est le prix de la protection que la société accorde à tous les intérêts.

(1) M. de Tracy, Traité d'économie politique, chap. XII, p. 304, de l'édition in-18, 1823.

CHAPITRE I.

IMPOTS DIRECTS.

Les impôts, considérés dans leur application aux citoyens, sont des impôts de répartition ou des impôts de quotité. Il y a impôt de répartition quand une somme fixe et totale est votée par le pouvoir législatif, sauf à des pouvoirs intermédiaires et locaux à la répartir entre les communes et les individus contribuables. Il y a impôt de quotité lorsque la somme à payer par chaque contribuable est fixée à l'avance par la loi ou par un tarif, mais que le total à recouvrer pour le trésor est incertain; il n'y a pas alors de répartition à faire par les pouvoirs locaux : les agens du fisc agissent directement contre les contribuables. -La contribution foncière, par exemple, est un impôt de répartition; la contribution des patentes est un impôt de quotité; tous les impôts indirects sont des impôts de quotité.

Les impôts directs, proprement dits, sont de quatre espèces :

La contribution foncière,

La contribution des portes et fenêtres,

La contribution personnelle et mobilière,
La contribution des patentes;

Il faut y joindre les centimes additionnels.

Nous aurons à nous occuper ici de l'établissement des impôts et de leur recouvrement.

En outre des contributions de droit commun, il y a des contributions spéciales assimilées aux impôts directs; ce

sont :

Les redevances sur les mines;

L'impôt universitaire;

Les contributions pour l'instruction primaire;
Les prestations pour les chemins vicinaux.

Ce chapitre se divise donc naturellement en trois sections: contributions directes de droit commun, recouvrement, contributions spéciales assimilées aux impôts directs.

SECTION Ire..

CONTRIBUTIONS DIRECTES DE DROIT COMMUN.

S Ier. IMPOT FONCIER.

L'impôt foncier est celui qui frappe directement sur le revenu net des immeubles.

Les principes en furent établis par le décret du 23 novembre 1790; ce décret, à la vérité, a été abrogé par la loi du 3 frimaire an VII [art. 154]; mais cette loi, qui régit l'impôt aujourd'hui, a conservé l'esprit et les dispositions fondamentales du décret de l'assemblée constituante.

Il faut considérer l'impôt foncier dans sa nature, dans sa base, dans ses règles de répartition.

I. Nature de l'impôt. La contribution est indépendante de la personne du propriétaire. C'est la propriété qui doit ; le propriétaire n'est qu'un agent qui acquitte la dette de la propriété l'impôt est donc un droit réel. De là naissent deux conséquences: le propriétaire a le droit de délaissement; pour s'affranchir de l'impôt, il peut délaisser au profit de la commune les terres vaines et vagues, les landes et bruyères qui sont imposées : d'un autre côté, le Trésor a le droit de poursuivre l'expropriation d'un immeuble qui serait privé de tout produit par la négligence et l'incurie du propriétaire (1).

L'impôt, qui est un droit réel, est assis spécialement sur les fruits et revenus des immeubles : aussi doit-il être payé non par celui qui a la propriété directe, mais par celui qui a la propriété utile, comme l'emphytéote et l'usufruitier.-Les détenteurs qui possèdent au nom du propriétaire et à titre précaire, comme les locataires et fermiers, et ceux qui ont seulement un droit d'usage ou d'antichrèse, lequel ne donne pas la propriété utile, ne sont pas personnellement obligés au paiement de l'impôt ; ils n'en sont tenus qu'à l'acquit et décharge du propriétaire, et comme détenteurs des récoltes affectées à l'impôt. Le trésor peut donc agir contre eux, en cette qualité de détenteurs, mais ils imputent la (1) Arrêt du cons. d'État, 21 février 1821.

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