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tion sur toutes les marchandises. C'était une ressource purement financière : il n'y entrait aucune vue de protection pour l'industrie de la France, aucune appréciation des produits respectifs de la France et des autres contrées.

Le second législateur, c'est Colbert: il fut vraiment le créateur d'un système qui reposait sur une idée grande et féconde; il voulut protéger les développemens de l'industrie nationale par des entraves mises à la concurrence de l'industrie étrangère; il créa un système de protection et non un système prohibitif et absolu. La déclaration du 18 août 1667 ordonna la perception de certains droits à toutes les entrées du royaume, et une perception uniforme à la sortie seulement de quelques matières premières. L'ordonnance du 1er février 1687, rendue après Colbert, mais conformément à ses vues, devint, par son tarif et les règlemens qu'elle contenait, le code de la douane.

Le troisième législateur, c'est l'assemblée constituante : l'économie politique et les usages des nations européennes lui donnaient à choisir entre quatre systèmes : le système prohibitif absolu, pratiqué par l'Espagne; le système de réciprocité proposé par l'Angleterre, laquelle, par son industrie avancée, devait en absorber les avantages; le système de liberté illimitée qu'exaltaient les économistes, et enfin le système restrictif de Colbert. L'assemblée adopta l'idée de Colbert, en modifiant le tarif existant selon les besoins de l'industrie nationale: elle vit dans la douane, reportée aux frontières, autre chose que le produit des 20 millions que la taxe avait procurés à l'État en 1789 (revenu net, 14 millions). Le rapport du 23 avril 1791 contient toute sa pensée : « Ce serait mal juger les douanes, «< dit l'organe du comité, que de placer au premier rang « le produit qui en résulte pour le trésor public: les droits « de douane doivent être essentiellement considérés sous << le rapport de l'économie politique, parce qu'ils sont un « moyen de protection pour l'agriculture et les manufactures ‹‹ de la nation. » Le comité expose les principes fondamentaux d'économie sociale que s'est proposés le législateur

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de 1791, et qui gouvernent encore la matière des douanes. Ces principes peuvent se résumer ainsi :

1° Mettre des entraves à l'introduction de tous les objets que nos fabriques peuvent fournir à notre consommation, et à la sortie de tous ceux qui sont essentiels à l'industrie nationale;

2o Établir des droits pour favoriser la concurrence de nos manufactures avec les manufactures étrangères;

3o Appeler par un affranchissement absolu les matières premières dont nous sommes dépourvus.

Tel est le fondement des décrets du 2 mars et du 22 août 1791, qui dominent encore notre législation. La loi du 10 brumaire an V, dirigée surtout contre l'industrie anglaise, et les lois des 17 décembre 1814 et 28 avril 1816, ont apporté successivement quelques modifications dans les détails, quelques changemens motivés par les circonstances; mais les principes sont restés ceux de Colbert, ceux de l'assemblée constituante. Et même aujourd'hui, en présence des 112 millions que produisent annuellement les droits de douanes, on doit dire encore avec le rapporteur du Comité du commerce de 4794 : « Ce serait mal juger les douanes « que de placer au premier rang le produit qui en résulte « pour le trésor public. >>

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S II. DOUANES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LE Régime adminisTRATIF ET L'APPLICATION DES DROITS.

Cette branche importante des revenus publics est placée dans les attributions du ministre des finances. L'administration centrale se compose d'un directeur et de quatre sous-directeurs qui forment le conseil d'administration (1).

L'administration locale est distribuée en 26 directions dont les limites sont fixées par ordonnance. - L'organisation est civile et militaire; membres d'une organisation civile, les employés de la douane prêtent serment devant les tribunaux, et ils sont compétens pour faire, en matière de douanes, les actes du ministère des huissiers; membres

(1) Ord. 17 mai 1817.

d'une organisation militaire; ils sont distribués en quatre légions du nord, du sud, de l'est, de l'ouest (1).

La surveillance spéciale des douanes s'exerce dans les circonscriptions qui constituent le rayon-frontière de terre et le rayon maritime. Le rayon de terre comprend quatre lieues à partir de la ligne des frontières : les étrangers qui seraient propriétaires d'un domaine en France à la distance d'une lieue seulement de la ligne frontière seraient libres d'exporter leurs récoltes, à charge de réciprocité pour les Français qui seraient, à égale distance, propriétaires sur le sol étranger. La libre circulation, dans le rayon-frontière, des bestiaux et des objets de consommation qui ne font pas route vers l'étranger, est assurée par les lois des 22 août 1791 et 19 vendémiaire an VI. Des ordonnances du roi, en maintenant ces dispositions, peuvent renouveler ou modifier toute autre disposition des règlemens sur les formalités à observer et les précautions à prendre (2).

Le rayon maritime s'étend à quatre lieues en mer, parallèlement aux côtes de France. La surveillance que la douane doit exercer dans ce rayon donne le droit aux employés de se rendre à bord des bâtimens qui entrent dans cette ligne, de demander la copie du manifeste, et de signer l'orignal.

Dans l'étendue de ces rayons frontière et maritime, pour l'entrée et la sortie des marchandises, on a dû déterminer des points particuliers où se feraient la vérification des marchandises et la perception des droits : ce sont les bureaux de la douane. La loi du 22 août 1791 [tit. 3, art. 1] porte qu'il ne peut être établi ni supprimé aucun bureau des douanes sans un décret du corps législatif. « Mais le sens « de cet article, dit Merlin, n'est pas qu'une loi est néces<< saire pour établir ou supprimer un bureau sur une ligne << de douanes déjà autorisée par une loi existante. Cet arti«<cle signifie seulement, et c'est ainsi qu'il a été constam«ment entendu, qu'il faut une loi pour pouvoir transpor«<ter une ligne de douanes d'un département qui cesse d'ê

(1) Ord. 31 mai 1831.

(2) Loi 28 avril 1816, art. 37.

«tre frontière dans un autre département qui commence à « l'être.» [Rép., Douanes, § 1er.]

Le mouvement des marchandises par importation et exportation donne lieu à l'application des droits.

Les conditions de l'importation par mer sont le dépôt à la douane, avant le débarquement, du manifeste et du rapport de mer, et, de plus, la déclaration détaillée des objets à débarquer.

La condition de l'importation par terre est la déclaration au bureau de la douane le plus voisin du point d'arrivée.

La condition de l'exportation est la déclaration des marchandises, à quelque classe qu'elles appartiennent de mar chandises soumises aux droits, de marchandises en franchise légale, de marchandises exportées avec primes.

Les droits doivent être payés à l'entrée ou à la sortie du royaume, ou représentés par un acquit-à-caution. Les marchandises abandonnées sont vendues après un an; après deux années, le prix en est affecté à l'État. S'il y a eu contrebande, les objets et les moyens de transport sont confisqués: la poursuite des objets est permise, s'ils n'ont pas été perdus de vue par les employés.

Deux moyens existent pour suspendre ou empêcher l'application des droits: l'entrepôt, le transit.

Les entrepôts de la douane sont pour le commerce un terrain neutre, selon l'expression de Colbert: ils n'ont long-temps été autorisés que sur les frontières et dans les ports. Mais la loi du 27 février 1832 a permis d'établir, par une ordonnance du roi, des entrepôts de douane à l'intérieur du royaume; c'est ainsi qu'un entrepôt de cette nature existe à Paris depuis 1833 (1). -Les lois qui prohibaient l'exportation des grains à l'etranger, en certains cas, prohibaient conséquemment l'entrepôt des grains; mais la loi du 15 août 1832, relative au libre commerce des céréales, a créé aussi, à cet égard, la faculté d'entrepôt.

L'entrepôt, en matière de douane, est réel ou fictif; l'entrepôt réel se fait dans des magasins communs à la douane (1) Ord. 28 juin 1832.

et au commerce; l'entrepôt fictif a lieu dans les magasins du commerçant, mais il n'est toléré que pour la durée d'un an; après ce terme, la marchandise est soumise aux droits.

Le transit a lieu par terre ou par mer ; il est dans l'intérêt du commerce étranger et dans l'intérêt tout national de l'industrie des transports. Le transit d'un pays à un autre doit s'effectuer, à travers la France, dans le délai de vingt jours. - Le transit par mer, appelé cabotage, a lieu d'un port du royaume à un autre port français, ou d'un entrepôt à un entrepôt également situé en France. Le transit est autorisé dans l'intérêt du commerce et de la marine: il ne peut être effectué que par des navires français ou francisés.

La taxe de la douane est une contribution indirecte; elle doit être établie par la loi, mais elle tient de près aux intérêts du commerce et de l'agriculture, et, sous ce rapport, elle doit être placée sous l'influence de la haute administration. Le gouvernement, qui veille aux intérêts généraux du pays, doit avoir en main le pouvoir de secourir une branche d'industrie ou de commerce que l'abaissement ou l'élévation des droits de douane, que le droit d'importation ou d'exportation, peuvent menacer d'un danger immédiat : seulement ce secours, cette mesure de haute administration, ne peuvent avoir qu'un caractère provisoire; c'est la puissance législative qui devra imprimer à la taxe et aux droits d'importation et d'exportation le caractère définitif. Conformément à ce principe, la loi du 27 floréal an X portait : « Le gouvernement pourra provisoirement <<< hausser ou baisser la taxe des douanes, établir «< ou défendre des entrepôts, prohiber ou permettre «<l'importation ou l'exportation de toutes marchandi«ses sous les peines de droit. Les modifications <<< seront délibérées et arrêtées suivant les formes usitées « pour les règlemens d'administration publique ; elles se«<ront présentées en forme de projets de loi au corps législatif avant la fin de la session, s'il est assemblé, ou à sa << session la plus prochaine, s'il ne l'est pas. »

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