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un prix nouveau; il ne l'est pas sur le prix porté dans la première adjudication, qui a déjà subi le droit d'enregistrement. S'il n'y a pas de valeur nouvelle sur laquelle l'impôt puisse être assis, il n'y a pas de base suffisante pour l'impôt; voilà le principe. Pourquoi donc ne serait-il pas appliqué et aux jugemens annulés pour cause d'incompétence ou d'excès de pouvoir, et aux jugemens par défaut qui disparaissent complètement devant le jugement contradictoire?

VII. Contre-lettres. Les contre-lettres notariées qui ôteraient à la vente son caractère, par exemple en déclarant que la vente n'est pas sérieuse, seraient assimilées à une rétrocession et donneraient lieu à un second droit, à moins qu'elles ne fussent faites dans les vingt-quatre heures de la vente; car alors elles constitueraient cette nature exceptionnelle de résiliement volontaire, qui s'applique à une convention que la loi regarde comme imparfaite.

Les contre-lettres sous seing privé, contenant augmentation du prix stipulé dans l'acte apparent, étaient frappées d'une nullité absolue par l'art. 40 de la loi de l'an VII, nullité opposable par toutes parties. Mais l'art. 1321 du Code civil a dérogé à cette disposition; les contre-lettres, nulles à l'égard des tiers, ont leur effet entre les parties contractantes, seulement l'impôt est élevé au triple droit [40]. C'est par un arrêt rendu sous la présidence de M. Henrion de Pansey, et au moment où M. Toullier réclamait vivement contre la doctrine contraire de la cour suprême, que la controverse a cessé (1).

S III.

EXCEPTIONS ET EXEMPTIONS EN MATIÈRE D'ENREGISTREMENT.

On distingue trois sortes d'exceptions et exemptions : 1° les actes enregistrés en débet; 2° les actes enregistrés gratis; 3° les actes exempts d'enregistrement.

I. Actes enregistrés en débet, L'exception ne porte que sur l'obligation de payer les droits au moment où est remplie la formalité de l'enregistrement. Elle est fondée sur

(1) Cass. 10 janvier 1819; Toullier, t. 8, no 186.

des motifs d'urgence ou d'intérêt public; mais le recouvrement ultérieur en est poursuivi au profit du trésor contre la personne déclarée débitrice. Dans cette classe se trouvent les actes et procès-verbaux qui concernent la police, les contributions, les appositions et levées de scellés, les actes de nomination de tuteur, les actes que le juge de paix fait d'office, et tous les cas où le ministère public agit dans l'inté rêt de la loi et de son exécution. [D. 18 juin 1811.]

II. Actes enregistrés gratis. L'exception porte ici sur le droit fixe ou proportionnel; elle est fondée sur un motif d'intérêt public ou d'humanité. Dans cette classe se trouvent les acquisitions pour le compte de l'État, les échanges et parta-. ges qui le concernent, les acquisitions pour routes départementales, les actes relatifs aux chemins vicinaux (1), les actes relatifs à l'exercice des droits électoraux, à l'expropriation pour cause d'utilité publique, les ordonnances d'élargissement rendues en faveur de débiteurs emprisonnés, à défaut de consignation d'alimens, etc.

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III. Actes exempts d'enregistrement.-L'exception est absolue elle porte non seulement sur les droits, mais aussi sur la formalité elle-même de l'enregistrement : elle est fondée sur des motifs de célérité, sur la nature de la valeur transmise, sur la situation particulière des intéressés, et le but d'humanité de certains établissemens publics. Dans cette catégorie très-étendue sont placés principalement les actes du gouvernement, des autorités administratives (sauf les ventes et marchés), les inscriptions sur le grand-livre, leurs transferts et mutations, mais l'exception relative aux transferts ne peut être étendue à des stipulations contenues dans le même acte et indépendantes du transfert, par exemple à une création de rente viagère (2); les actes et ventes des monts-de-piété, les quittances de fournisseurs, ouvriers, maîtres de pension, etc., produites comme pièces justificatives; les titres et actes ou expéditions de toute nature, nécessaires pour obtenir l'indemnité accordée aux colons de Saint-Domingue (3), etc., etc.

(1) Loi 21 mai 1836.
(2) Cass. 10 février 1839.
(3) Loi 30 avril 1836.

Toutes ces exceptions, avec leurs diverses nuances, doivent être légalement établies; autrement, les actes et mutations tomberaient sous l'empire du droit fixe ou de l'impôt proportionnel, selon les dispositions de la loi et les prévisions des divers tarifs de l'enregistrement.

Dans l'intérêt du commerce, les lettres de change avaient été éxemptées de l'enregistrement par la loi de l'an VII; mais les billets à ordre y avaient été soumis : la loi du 28 avril 1816, art. 50, a soumis les lettres de change à l'impôt, comme les billets à ordre; la seule différence aujourd'hui à leur égard est que les billets à ordre doivent être enregistrés avec le protêt, et que les lettres de change n'y sont soumises qu'au moment de l'assignation. Les endossemens et les acquits sont toujours en dehors des droits d'enregistrement.

SECTION III.

APPLICATION DES DROITS D'ENREGISTREMENT.

Nous avons étudié la matière imposable; nous avons déterminé les règles relatives aux conventions et mutations en général, considérées dans leur validité, leur résolution, leurs nullités; il faut voir maintenant comment l'impôt s'applique aux diverses spécialités d'actes et de mutations; cette vue d'application se réduit à trois objets :

1° Classification des actes et mutations dans leur rapport avec les différens taux de l'impôt proportionnel;

2o Règles d'application aux actes et mutations exempts de fraude;

3o Règles d'application aux actes et mutations faits en fraude des droits d'enregistrement.

Nous allons reprendre chacun de ces objets.

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Quatre classes renferment les actes et mutations soumis à l'impôt proportionnel; ce sont :

Les obligations de sommes et les libérations (actes unilatéraux);

Les mutations à titre onéreux (actes commutatifs);

Les mutations entre vifs, à titre gratuit;
Les mutations par successions.

La loi de l'an

I. Obligations de sommes et libérations. VII, après avoir énuméré différentes espèces d'obligations soumises au même droit d'un pour cent, termine par une disposition générale qui donne le véritable caractère de cette catégorie d'actes : l'art. 69 [§ 3, no 3] dit « et tous autres actes ou écrits qui contiendront obligation de somme. » Ces espèces différentes se réduisent à un seul genre d'obligation, le prêt, les obligations de faire ne sont point indiquées dans l'énumération ni enveloppées dans la disposition générale; elles ne peuvent donc être légalement soumises au droit proportionnel. Les libérations sont soumises à un impôt moindre que les obligations ('/, pour 100): la raison en est que, par la quittance, l'obligation cesse, la somme prêtée est restituée; ce n'est pas une nouvelle valeur qui circule, ce n'est qu'un retour de valeur.

II. Mutations à titre onéreux. Les adjudications, les ventes, les rétrocessions constituent principalement les actes commutatifs. L'impôt frappe sur les valeurs mobilières et les valeurs immobilières, mais plus fortement sur les immeubles (4 pour 100). Ici un capital pécuniaire que possédait un individu, et que la loi d'impôt ne pouvait atteindre dans le secret de son existence, est manifesté par un emploi ostensible, est transformé en une propriété territoriale; l'impôt atteint le capital au moment de sa manifestation et de son emploi. Mais, si au lieu de l'emploi d'une valeur monétaire, il y a un échange de propriétés immobilières, l'impôt n'a plus la même application; il n'y a pas de valeur nouvelle employée ou transformée, il n'y a qu'un mouvement d'immeubles déjà soumis aux lois générales de l'impôt le droit proportionnel doit être moins fort; il n'est en matière d'échange que de la moitié du droit de vente. C'est donc en se conformant aux vrais principes, et dans l'intérêt de l'agriculture qui demandé la facilité des échanges, que l'impôt sur les mutations par échanges a été modéré en vertu des lois du 16 juin 1824 et du 24 mai 1834.

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III. Mutations entre vifs à titre gratuit. L'impôt est gradué selon les liens et les qualités qui pouvaient exister entre les donateurs et donataires. Les étrangers et les collatéraux, qui reçoivent une donation, recueillent un avantage sur lequel ils n'avaient point d'expectative légale; l'impôt peut donc être d'un taux élevé (5 pour 100); les dons en ligne directe anticipent sur un avantage promis par la loi, les dons entre époux sont la suite naturelle de leur communauté d'existence; l'impôt doit être d'un taux bien inférieur il est moindre de la moitié.

IV. Mutations par successions. Les successions légitimes, testamentaires, contractuelles, sont soumises à l'impôt des mutations (1). La proportion des droits varie selon la nature des objets, mobiliers ou immobiliers, selon la ligne de parenté directe ou collatérale. - Les jurisconsultes coutumiers, en s'appuyant sur les principes du droit romain pour lutter contre le droit féodal, avaient fait admet tre, dans l'ancienne jurisprudence, l'exemption des droits de mutation et de centième denier pour les successions et institutions contractuelles en ligne directe. Les enfans étaient censés les copropriétaires de la chose paternelle pendant la vie du père, et ils continuaient la personne et la propriété de leur auteur. Ce même principe se retrouvait dans plusieurs anciennes coutumes, avec cette condition de plus, que le propriétaire ne pouvait aliéner sa chose sans le consentement de ses enfans et héritiers présomptifs. Les lois de 1790 et de l'an VII ont rejeté l'exception favorable à la ligne directe. Dans le droit actuel, les enfans ont certainement leur personnalité distincte, comme proprié taires; mais cependant, quand ils succèdent à leur père, ils sont encore censés continuer la personne de leur auteur. Ils n'ont pas la qualité d'héritiers siens et nécessaires; mais ils sont héritiers par le droit naturel et civil; il semblerait donc que la transmission en ligne directe devrait être exempte de l'impôt des successions. Toutefois il ne faut pas oublier le principe, que l'impôt est le prix de la protection sociale les enfans, qui héritent de leurs père et mère, re(1) L. 21 avril 1832, art. 33.

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