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cueillent les fruits de cette protection; ils doivent contribuer à la maintenir par un impôt sur les biens, dont ils avaient la juste expectative, mais qu'ils ne possédaient pas en copropriété. Seulement le taux de cette contribution doit être d'autant plus faible, que le droit des héritiers dérive plus directement du droit naturel de succession. - Le principe de l'impôt des successions légitimes est que sa quotité doit se mesurer sur la distance de la parenté. Moins les degrés sont rapprochés, moins le successible devait compter sur la succession, et plus la société peut élever le prix de sa protection. L'impôt se combine donc avec l'expectative plus ou moins éloignée que le successible pouvait avoir à l'égard des biens qui lui sont

transmis.

Mais il est un acte de famille que la loi devait favoriser: c'est la donation portant partage des biens des père et mère, qui tient lieu, dans le nouveau droit, de l'ancienne démission de biens, en y ajoutant l'irrévocabilité. La loi du 16 juin 1824 [art. 3] a réduit bien au dessous du droit de donation ordinaire le droit de donation portant partage; il fallait encourager ce sentiment du père de famille, qui ne veut pas priver ses enfans du droit de jouir de leur patrimoine pendant sa vie. C'est surtout dans les campagnes que ce partage par anticipation est usité; la terre ne peut valoir que par le travail de son possesseur; et quand l'âge enlève les forces, le père livre le patrimoine qu'il a cultivé à ceux qui peuvent continuer la culture et le travail.

§ II. — RÈGLES D'APPLICATION AUX ACTES ET MUTATIONS EXEMPTS DE FRAUDE.

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Les lois sur l'enregistrement ont toujours distingué entre les droits d'actes et les droits de mutation. La loi de 1790 avait dit : « Les droits sont établis suivant la nature des actes et les objets des déclarations. » La loi de l'an VII [art. 2] porte : « Le droit est proportionnel ou fixe, suivant la nature des actes et des mutations; » enfin la loi du 28 avril 1816 [art. 59] fait aussi une distinction expresse, quant à l'effet rétroactif des droits nouveaux, entre les droits de mutation et les droits d'actes. Il faut donc

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bien préciser leur caractère de différence. Le droit de mutation est celui qui se perçoit sur les transmissions entre vifs de biens immeubles, en propriété, usufruit ou jouissance, et sur les transmissions par décès de toute espèce de biens. Le droit d'acte est tout droit fixe ou proportionnel établi sur autre chose que la transmission entre vifs de biens immeubles ou la mutation par décès.

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Cette distinction entre le droit d'acte et le droit de mutation est essentielle; elle forme une première règle d'application ainsi, par exemple, les notaires doivent les droits. d'actes, les parties les droits de mutation; les notaires doivent faire l'avance selon la nature de l'acte et non selon celle de la mutation (1); le droit d'acte est dû, et non celui de mutation, si l'objet donné ou vendu avait péri au moment où l'acte était passé.

Une seconde règle d'application est celle posée par l'avis du conseil d'État du 10 septembre 1808: « Le même objet ne peut être assujetti à deux droits de mutation; » en d'autres termes : une même disposition ne peut donner ouverture qu'à un seul droit; ainsi, les droits déjà payés par les légataires particuliers doivent s'imputer sur ceux dus par les héritiers ou légataires universels: ainsi, lorsque les héritiers ou légataires universels sont grevés de legs particuliers de sommes non existantes dans la succession, et qu'ils ont acquitté le droit proportionnel sur l'intégralité des biens de cette succession, le même droit n'est pas dû pour ces legs particuliers. [Avis déjà cité.]

Une troisième règle d'application, c'est que la nature de l'acte est indiquée par l'acte lui-même et son seul contenu. Des circonstances extérieures peuvent faire connaître une convention cachée, des dispositions secrètes, des faits dissimulés; mais, dit avec raison M. Championnière (t. Ier, p. 128): « Cette convention, ces dispositions, ces << faits sont toute autre chose que l'acte qu'il s'agit d'en<< registrer; il faut prendre l'écrit tel qu'il est; pour établir «< la perception, on ne doit admettre aucune preuve, de << quelque nature qu'elle soit, contre et outre son contenu >> (1) Cass. 12 février 1834.

(sauf le cas de fraude contre l'impôt, comme nous le verrons bientôt).

Enfin une quatrieme règle d'application, c'est qu'en matière de droit de mutation, le droit porte sur la transmission réelle et non sur l'écrit. On recherche ici quod gestum et non quod scriptum. L'écrit n'est qu'une preuve de la mutation, qui peut être détruite par une preuve contraire; les faits extérieurs prouvant la non-mutation sont admis: l'impôt, comme on l'a répété souvent, est assis sur les valeurs ; si la valeur n'a pas réellement changé de main, malgré l'apparence d'un contrat, d'un contrat, il n'y a pas de base possible pour l'impôt.

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S III.

· RÈGLES D'APPLICATION AUX ACTES ET MUTATIONS FAITS
EN FRAUDE DES DROITS D'ENREGISTREMENT.

d'un

Le droit de critique appartient à l'administration contre les actes simulés, quand la simulation est faite en fraude de l'impôt proportionnel. La fraude existe lorsque, sous une convention sujette à un faible droit, on veut déguiser une convention réelle, légalement frappée d'un droit plus fort; si, par exemple, on voile une vente sous la forme d'un partage, échange, d'une transaction. « La nature des contrats (dit la << Cour de cassation dans un arrêt sur l'enregistrement) ne << se détermine ni par les termes employés dans leur rédaction, ni par les formes extérieures dont ils ont été «< revêtus, ni par la qualification que les parties leur ont « donnée, mais par l'objet des conventions qu'il ren<< ferme (1). » Lorsqu'il y a intention frauduleuse d'éluder le paiement des droits d'enregistrement, il y a fraude à la loi. Or l'art. 1353 du Code n'établit aucune distinction entre le cas de fraude envers la personne et celui où il y a fraude à la loi (2). Dans l'un et l'autre cas, la fraude peut être établie par toute espèce de preuve écrite ou testimoniale ou par des présomptions graves, précises et concordantes. Le principe qui dérive de l'art. 1353 atteint toutes les fraudes possibles; on ne peut opposer ni le con

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(1) Arrêt 20 mars 1839.

(2) Cass. 6 mai 1836. Voir les conclusions de M. le procureur-général. (Réquisit. de M. Dupin.)

tenu de l'acte, ni les formes d'une authenticité mensongère quand la fraude à la loi existe, on tombe sous l'empire d'un fait susceptible de la preuve testimoniale: fraus consistit in circumstantiis facti, quod probandum est per testes [Dumoulin, § 23, gloss. 2]. Toutefois, si la simulation avait pour objet non d'éluder les droits, mais de tromper des créanciers ou des héritiers, l'administration de l'enregistrement ne serait pas fondée à susciter des discussions étrangères à son but.

Une distinction est essentielle quant à la preuve et aux effets de la simulation, en matière d'enregistrement.

Cette preuve peut être utilement faite à l'égard des mutations immobilières, car la convention verbale et la mutation secrète, comme on l'a vu plus haut, donnent lieu à l'impôt lorsqu'il s'agit d'immeubles transportés en propriété ou en usufruit; la preuve de la simulation faisant disparaître le contrat apparent pour laisser à découvert la mutation cachée, la base légale de l'impôt existe.-Quant aux autres conventions, l'impôt, comme on le sait, ne peut être assis que sur un écrit, et même sur la représentation de l'acte, l'administration prouverait donc en vain que la convention apparente est simulée, car la convention cachée sous cette apparence ne serait qu'une convention secrète que la loi, dans ce cas, n'a point imposée : la preuve de la simulation laisserait la convention sans force à l'égard de l'impôt; la preuve serait donc inadmissible, frustra probatur quod probatum non relevat [L. 22, Cod., De prob.]. Ainsi, dans le premier cas, il y a, pour l'administration, intérêt et droit à faire la preuve de la simulation; dans le deuxième cas, l'administration serait sans intérêt et par conséquent sans action.

SECTION IV.

PERCEPTIONS DES DROITS.

L'impôt doit être payé avant l'accomplissement de la formalité de l'enregistrement; nul ne peut en atténuer ni

différer le paiement, sous prétexte de contestation sur la quotité, ni pour quelque autre motif que ce soit (1). Nous allons examiner contre quelles personnes la perception a lieu, et quelles sont les garanties légales de la perception.

S Ier. - CONTRIBUABLES EN MATIÈRE D'ENREGISTREMENT.

Les officiers ministériels sont les premiers contribuables. Ils doivent faire, en plusieurs circonstances, les avances des droits; mais ils peuvent être les premiers percepteurs, car ils ont la faculté de faire consigner les droits par les parties.

Les notaires sont tenus de faire l'avance des droits d'enregistrement légalement dus, selon la nature des actes; ils n'en sont pas tenus selon la convention réelle ou la mutation cachée. Dans le cas où la régie croit devoir attaquer ces actes, soit sous le rapport de leur validité ou régularité, soit quant aux effets que la loi leur attribue, c'est contre les parties pour lesquelles le notaire a reçu les actes qu'elle doit intenter son action. Ainsi, pour une vente apparente, pour un partage apparent, le notaire ne doit que les droits de l'acte extérieur; et si la régie soutient que la vente déguise une donation, que le partage recèle une vente, c'est contre les parties que le procès doit être exclusivement dirigé.

Les huissiers sont tenus de payer les droits fixes spécialement établis sur les actes de leur ministère. Le rapporteur de la loi de l'an VII disait à l'égard des droits fixes: << Leur étonnante variété retrace l'influence que l'esprit de «< contention et de chicane a acquis dans la société; plus << on conçoit difficilement comment tant d'instrumens << peuvent être nécessaires à l'administration des intérêts « privés, plus on doit désirer qu'un bon ordre civil vienne «< bientôt en affranchir les Français. » Loin d'avoir diminué, ces actes et ces droits ont augmenté; on compte annuellement huit millions d'actes sujets aux droits fixes, (1) L. de l'an VII, 28.

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