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pas directement à la matière des contributions, sauf ceux qui ont le caractère de droits proportionnels : pour la plupart ils constituent des droits fixes et représentent par conséquent plutôt l'idée du salaire que l'idée de l'impôt.

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Les droits de timbre, nés de l'édit d'août 1674, sont fondés aujourd'hui sur les lois des 13 brumaire et 6 prairial an VII. La loi du 24 mai 1834 [18-19], en développant l'idée d'un timbre proportionnel pour les lettres de change, billets à ordre, billets et obligations non négociables, a eu pour but d'obliger tous les commerçans à se servir du papier timbré. Elle a soumis à l'amende proportionnelle, en cas de contravention, le souscripteur et l'accepteur; à défaut d'accetpeur, elle frappe le premier endosseur d'une lettre de change ou d'un billet à ordre, le souscripteur ou le premier cessionnaire d'un billet ou obligation non négociable. Les droits de greffe, rétablis par le directoire, sont perçus sur les rôles d'expédition d'après un tarif proportionnel (1).

Les droits perçus pour l'inscription, la radiation, les tableaux des hypothèques, ne sont que le salaire de la publicité ou de la formalité légale.

L'assemblée constituante classait tous ces droits dans les impôts sur les capitaux, comme les droits d'enregistrement : c'était confondre le prix d'une formalité avec le prix dû pour la protection sociale qui facilite le mouvement des capitaux et les transmissions héréditaires ou volontaires.

Ces quatre branches d'impôts et de droits, l'enregistrement, le timbre, le greffe, les hypothèques, produisaient, en 1762, 14 millions; en 1789, 50 millions; ils produisent aujourd'hui 245 millions, le cinquième des impôts directs et indirects.

TITRE III.

DE LA DÉFENSE SOCIALE

CONSIDÉRÉE DANS SES MOYENS PRÉVentifs et répressifs.

La société, dans l'intérêt de sa conservation, doit se défendre des dangers qui peuvent venir des choses et des

(4) L. 21 ventose an VII.

hommes; elle s'en défend par la voie préventive ou par la voie répressive, selon la nature des objets ou des droits dont l'usage ou l'abus peut lui être préjudiciable.

La défense sociale par les moyens préventifs, c'est la police de l'État, prise au point de vue le plus général; la défense sociale par les moyens répressifs, c'est le système des prisons: il faut connaître, sous l'un et sous l'autre rapport, les droits et les devoirs de l'administration. Ce titre se divise donc en deux chapitres : 1° De la police de l'État; 2o Des établissemens de répression.

CHAPITRE I.

POLICE DE L'ÉTAT.

NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

:

DIVISION.

Nos anciens jurisconsultes prenaient l'expression de police dans un sens général, pour l'administration elle-même. Ainsi Domat distingue la police temporelle et la police spirituelle, et renferme sous cette distinction l'administration de l'État et celle de l'Église ainsi, au commencement du XVIIIe siècle, Delamare, qui a dégagé cependant les lois de la police des matières du droit civil, a renfermé encore onze divisions dans son vaste Traité de la police: la religion, la discipline des mœurs, la santé, les vivres, la sûreté et tranquillité publiques, la voirie, les sciences et arts libéraux, le commerce, les manufactures et les arts mécaniques, les serviteurs domestiques, les manœuvriers et les pauvres. Nous ne comprendrons point sous la dénomination de police de l'État tous les sujets que Delamare y a placés ; mais nous en comprendrons plusieurs, et nous ne restreindrons pas, dans la langue du droit, le mot de police au sens étroit qui lui est donné dans les habitudes du langage vulgaire.

On distingue d'abord deux espèces de police : la police judiciaire et la police administrative. - La police judiciaire a pour objet « de rechercher les délits, d'en rassembler les << preuves, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés

« de les punir (1) » ; la police administrative a pour objet « le maintien habituel de l'ordre public dans chaque lieu «<et dans chaque partie de l'administration générale (2). » - A la police judiciaire se rattache la police rurale, mais elle est étrangère en elle-même et par ses accessoires au plan que nous nous sommes proposé. -La police administrative comprend deux parties essentielles, la police de l'État et la police municipale. Ce n'est pas le moment de nous occuper de la police municipale, qui a pour objet l'ordre public de la commune. Nous ne traitons ici que de la police de l'État, sujet encore très-complexe.

po

La police de l'État peut être définie celle qui considère la société en masse comme l'objet de sa vigilance et de son action directe. -Une notion plus développée se trouve dans une circulaire du ministre de la police de 1815; nous la recueillons ici à cause de son mérite propre, abstraction faite du nom de son auteur et des souvenirs qu'il réveille (3): «< Calme dans sa marche, mesurée dans ses re« cherches, partout présente et toujours protectrice, la «< lice ne doit veiller que pour les progrès de l'industrie, << de la morale, pour le bonheur du peuple et le repos de « tous. Elle est instituée, ainsi que la justice, pour assu«<rer l'exécution des lois et non pour les enfreindre, pour «< garantir la liberté du citoyen et non pour y porter at« teinte, pour assurer la sécurité des hommes honnêtes et "non pour empoisonner la source des jouissances sociales. << Elle ne doit ni s'étendre au delà de ce qu'exige la sûreté << publique ou particulière, ni gêner le libre exercice des « facultés de l'homme et des droits civils, par un système « violent de précautions. » — C'est là, pour ainsi dire, l'idéal de la police de l'État.

Il y a dans notre histoire un fait important à suivre, à travers ses phases successives, c'est la séparation de la police et de la justice. Les fonctions de la police et de la justice ont été confondues dans les mêmes personnes, depuis

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les comtes des rois franks (1) jusqu'aux juges seigneuriaux et royaux. Un premier effort fut tenté au XVIe siècle par Loyseau et par le parlement de Paris, pour enlever la police aux juges des seigneurs : l'auteur du Traité des seigneuries (ch. VII) posa comme principe que le droit de faire des règlemens de police générale n'appartenait qu'au roi et aux parlemens; que la police provinciale appartenait aux baillis et sénéchaux, que la police des cités appartenait aux juges royaux et le parlement, par un arrêt de règlement de décembre 1561, défendit aux juges seigneuriaux de faire des actes de police. Mais cette doctrine nouvelle s'attaquait seulement à la féodalité; elle n'établissait pas en principe la séparation des fonctions de la police et de la justice. L'édit d'Amboise, de juin 1572, tâcha de déposséder les juges royaux de la police; la résistance fut grande et la confusion fut maintenue [1577] : dans un arrêt du conseil, du 28 septembre 1584, le chancelier de France est dit en même temps chef de la justice et chef de la police. C'est Colbert qui seul fut assez puissant pour opérer la séparation par l'édit du 15 mars 1667 : « Et comme les fonctions «de la justice et de la police sont souvent incompatibles et <«< d'une trop grande étendue pour être bien exercées par

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un seul officier, nous aurions résolu de les partager, << estimant que l'administration de la justice contentieuse «<et distributive demandait un magistrat tout entier, et << que d'ailleurs la police qui consiste à assurer le repos du «< public et des particuliers, à purger la ville de ce qui << peut causer les désordres, à procurer l'abondance et à «faire vivre chacun selon sa condition et son devoir, de<< mandait aussi un magistrat particulier qui pût être pré«<< sent à tout. »

L'édit veut que le lieutenant civil et le lieutenant-général de police qui est alors institué, exercent leurs fonctions séparément et distinctement, chacun en ce qui le concerne.— Il contient le règlement de toutes les matières qui sont attribuées à la police.

L'édit d'octobre 1699 établit des lieutenans-généraux (1) Formules de Marculfe, liv. Ier, 8.

de police dans toutes les juridictions royales « pour avoir à « l'avenir, à l'exclusion de tous autres officiers, l'entière ad<< ministration de la police, et en faire toutes les fonctions. >> Cette séparation, posée en principe et réalisée par les édits, n'enleva pas cependant aux parlemens le droit de faire des arrêts de règlement concernant l'administration et la police; le juge seigneurial d'abord, le juge royal ensuite, furent rappelés à l'unique caractère de juge; mais la puissance parlementaire maintint ses prérogatives.

L'assemblée constituante, en détruisant la puissance des parlemens, proclama, comme principe constitutionnel, la séparation de l'autorité administrative et de l'autorité judiciaire (1); mais, effrayée de l'abus des lettres de cachet et des actes arbitraires imputés à la police du XVIIIe siècle, elle abolit la police administrative autre que la police municipale; dans sa confiance en la force des institutions nouvelles, elle chercha seulement « tout ce qui peut rendre la po<< lice tranquillisante pour ceux qu'elle protége, et rassu« rante pour ceux qu'elle soumet à son action. » [Instr. 29 sept. 91.] La police municipale fut frappée d'impuissance au milieu des crises de la révolution. La commune de Paris renversa le trône au 10 août; les sections et le département, au 31 mai 93, livrèrent les Girondins à l'échafaud; et la convention, rappelée au sentiment de la vie et au besoin de la conservation après le 9 thermidor, rendit le décret du 1er germinal an III, sur la grande police. Syeyès rompit son long silence pour en faire le rapport. C'était la police de l'État qui succédait à l'impuissance de la police municipale; et le Code de brumaire an IV, allant au delà du décret de 1790, sur la séparation de l'autorité administrative et de l'autorité judiciaire, proclama l'incompatibilité de la justice et de la police [15].

Le directoire et le consulat conservèrent, en la développant, l'institution de la police générale; le Code de brumaire, rédigé par Merlin, portait « que la police est insti« tuée pour maintenir l'ordre public, la liberté, la propriété, « la sûreté individuelle [art. 16]; » et l'arrêté de Bonaparte,

(1) Décr. 16 août 1790.

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