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dre pour empêcher les contagions de l'extérieur avaient un caractère permanent qui ne peut exister pour les épidémies qui éclatent quelquefois à l'intérieur. Les contrées de l'intérieur sont livrées à la prévoyance et souvent à l'imprévoyance de l'autorité municipale et départementale. Les maires, aux premiers symptômes du mal, doivent immédiatement en avertir les sous-préfets et préfets. La seule précaution permanente consiste dans la nomination d'un médecin des épidémies par arrondissement; elle est prescrite uniquement par une circulaire ministérielle du 30 septembre 1813. L'intérêt de chaque localité et la charité publique tiennent lieu, dans l'état actuel des choses, d'une institution positive: là, comme en beaucoup d'autres matières, la loi laisse faire aux hommes; elle ne peut tout embrasser dans ses prévisions, et ne saurait même régler tout ce que l'esprit pourrait prévoir.

§ III. - NÉCESSITÉ DE PRÉVENIR OU DE COMPRIMER LES TROUBLES PUBLICS ET LES SÉDITIONS INTÉRIEURES.

Toutes les époques ont porté avec elles le besoin de se protéger contre les troubles civils. La révolution de juillet, entourée des dangers et des passions que soulèvent toujours les révolutions, a emprunté des dispositions aux époques antérieures, et a quelquefois ajouté à la législation précédente. En suivant, non l'ordre des dates, mais l'ordre des gradations, selon l'objet des lois en vigueur aujourd'hui, on trouve six lois importantes créées ou renouvelées dequis 1830, lesquelles ont dû leur origine aux besoins de prévenir ou d'empêcher les troubles publics; ce sont les lois :

1° Sur les associations,

2o Sur les crieurs publics et les afficheurs,

3o Sur la détention des munitions et armes de guerre,

4o Sur les attroupemens,

5o Sur l'état de siége, 9

6o Sur l'interdiction du territoire à l'égard des deux familles dont les chefs ont régné en France.

1° Lois sur les associations, 10 avril 1834. — L'assem

blée constituante, à la fin de sa session, rendit le décret du 29 septembre 1791 sur les sociétés populaires. Elle sentait le besoin d'arrêter le mouvement des clubs qui avaient secondé, d'abord, et puis embarrassé son impulsion. Elle prohiba leur existence politique, leurs affiliations, leur action sur le pouvoir, et leurs pétitions en nom collectif. Son but était de concilier les exigences de l'ordre social avec la liberté des citoyens. Robespierre, qui puisait sa force dans le club des Jacobins, s'opposa au décret; le décret fut rendu, mais il ne produisit aucun effet; et les sociétés populaires tyrannisèrent le pays. Après le 9 thermidor, la convention en décréta la dissolution « sur ce qu'une minorité «< concentrée dans ces sociétés avait gouverné tyrannique<<ment la France, exigé le pillage des propriétés et prêché <<< ouvertement la loi agraire (1). » Le 18 fructidor rouvrit les clubs, le 10 brumaire les ferma. Le Code de 1810, art. 291, prohiba les associations de plus de vingt personnes,« dont le but serait de se réunir tous les jours, ou «‹ à certains jours marqués, pour s'occuper d'objets réligieux, littéraires, politiques ou autres. » Berlier, qui exposait les motifs de l'article 291, disait : « Je me garde<< rai bien de traiter ce sujet avec l'importance qu'on eût «pu y mettre il y a quelques années. Les idées et les «principes d'alors ne peuvent plus recevoir d'application << sous les formes de gouvernement adopté en France. Le « droit indéfini de se réunir pour traiter d'affaires politi«ques, etc., serait incompatible avec notre état politique <<< actuel. >>

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La loi de 1834 a voulu atteindre profondément les sociétés politiques; or, celles-ci pouvant se déguiser sous des formes variées, la loi a frappé sur toute espèce d'association; son but est d'ajouter à l'art. 291 du code pénal. Elle atteint donc les sociétés dont la nature est prohibée par l'art. 291; mais, de plus, elle les prohibe malgré la nonpériodicité des séances, malgré le fractionnement du nombre constitutif de l'association illégale elle ne punit pas seulement les chefs et directeurs de l'association, elle punit

(1) D. 6 fruct. an III. Rapport de Mailhe.

aussi les membres qui la composent.

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Une association autorisée pouvait, d'après le Code de 1810, être dissoute, si elle enfreignait ses conditions: sous l'empire de la loi de 1834, l'autorisation est toujours révocable sans autre condition que la prudence administrative.

Mais une distinction est fondamentale: la loi de 1834 a prohibé les associations et non les réunions. Le garde des sceaux l'a déclaré à la tribune: « Nous faisons, a-t-il dit, << une loi contre les associations et non contre les réunions << accidentelles et temporaires qui auront pour objet l'exer«cice d'un droit constitutionnel. » Ainsi, les réunions électorales, les réunions d'actionnaires des journaux ou d'entreprises industrielles, sont en dehors des prohibitions.« Si «< cette déclaration, a dit le rapporteur à la chambre des pairs, n'est pas la loi elle-même, elle en est le com«< mentaire officiel et inséparable; c'est sous sa foi que le «< principe a été adopté. »>

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Le principe de la loi de 1834 est-il en harmonie avec la nature du gouvernement représentatif, avec l'état de notre civilisation? Non; c'est une loi imposée par des circonstances difficiles; elle ne peut avoir qu'une existence temporaire, car elle est pro tempore et non pro veritate. L'objet même qu'elle s'est proposé, elle ne l'a pas atteint; les évènemens de 1839 ont révélé des associations politiques d'autant plus redoutables qu'elles sont plus ténébreuses. Le principe de l'association, dans de justes limites, est le principe même de notre civilisation et de notre ordre politique; c'est le principe du christianisme et des communes. II. Lois sur les afficheurs et crieurs publics.—10 déc. 1830. — 16 février 1834. - Le Code pénal [290] assujettissait le métier de crieur public et d'afficheur à l'autorisation de la police. La loi de 1830 a prohibé toute publication politique par le moyen de l'affichage; mais, à part cette prohibition, elle n'exigeait qu'une déclaration devant l'autorité municipale pour l'exercice du métier de crieur. Les provocations aux désordres et les évènemens ont réclamé des mesures préventives plus efficaces, et la loi de 1834 a exigé une autorisation préalable pour l'exercice, même temporaire, de

la profession de crieur public. L'autorisation est révocable sans jugement. Il résulte de cette loi qu'un mode de publication des écrits est limité par la voie préventive. Quelques publicistes ont cru y voir le rétablissement indirect d'une sorte de censure; c'était une fausse analogie : la censure subordonne la publication d'un écrit à l'examen et à la volonté d'un agent de l'autorité; mais la prohibition de crier dans les rues l'annonce d'un écrit n'est pas une interdiction de le publier par la voie de la presse. La loi ne gêne pas la liberté de la presse, elle limite seulement un mode de vente et de distribution. C'est le penchant à l'émeute, ce sont les souvenirs de la révolution et le sac populaire de l'archevêché de Paris qui ont forcé la police de l'État à s'occuper des crieurs publics. Mais le principe de la loi de 1834 n'a rien de contraire aux bases de nos institutions.

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III. Loi sur la détention de munitions et d'armes de guerre. -24 mai 1824. Les lois précédentes ont voulu prévenir les associations dangereuses et les provocations publiques aux désordres. La loi du 24 mai a pour objet de combattre les complots en privant, à l'avance, les individus des moyens de rendre les complots funestes à la société; elle veut prévenir la révolte en empêchant les moyens d'armement. Sous ce rapport, elle est donc préventive; mais elle est répressive aussi, car elle punit les détenteurs de munitions et d'armes de guerre.

Les lois des 13 fructidor an V et 23 pluviôse an XIII prononçaient des peines fiscales pour détention de plus de cinq kilogrammes de poudre de chasse:-La loi de police de 1834 fixe le maximum d'approvisionnement pour chaque citoyen à deux kilogrammes, et prohibe tout approvisionnement en poudre de guerre, sous peine d'emprisonnement. La loi fiscale et la loi de police subsistent ensemble et s'appli quent, chacune, à des cas particuliers.

Depuis 1774, le libre commerce des armes de guerre a été défendu en France. Un décret de Bonaparte, du 28 mars 1815, prescrivait aux citoyens de faire la déclaration de leurs armes de guerre et de les remettre à leur

mairie, en statuant que les armes seraient rachetées selon un tarif déterminé. Une ordonnance du roi, du 24 juillet 1816, ajoutait au décret la peine d'emprisonnement, en cas de contravention; peine illégale, car elle ne pouvait être établie que par une loi; elle est devenue légitime en passant de l'ordonnance dans la loi de 1834. Cette dernière suppose que le décret et l'ordonnance sur la remise des armes de guerre à la mairie ont dû être exécutés; à ses yeux, la contravention existe donc par le fait actuel de la détention; mais, tant que la contravention n'est pas constatée, les citoyens sont admis à faire leur déclaration.

La loi qui veut enlever les armes à ceux qui pourraient en user contre l'autorité entraîne comme conséquence les visites domiciliaires, sur mandats de recherches. Au surplus, le décret de 1815, sur l'obligation du rachat des armes déclarées, n'est point abrogé ; la discussion l'a prouvé; le rapporteur (M. Dumont) a dit : « Je demande que nous « restions dans les termes où nous sommes, c'est-à-dire « que nous laissions la prohibition dans la loi, et le mode «< de rachat, qui est d'administration, dans l'ordonnance, » Les armes de commerce ne tombent sous la prohibition de la loi que lorsqu'elles forment dépôt [art. 3]; et quant à la profession d'armurier, elle peut être exercée sans autorisation préalable; seulement des formalités de précaution soumettent les ateliers à la surveillance des maires. Ces formalités sont prescrites par un règlement du 14 décembre 1810.

IV. Loi sur les attroupemens. -10 avril 1831. L'Assemblée constituante, si jalouse de la liberté des citoyens, avait fait la loi martiale pour lutter contre l'émeute (1); elle avait de plus décrété, par la loi du 26 juillet 1791, les formes solennelles dans lesquelles devaient avoir lieu la réquisition et l'emploi de la force publique contre les attroupemens. La loi martiale fut abolie en 93 (2), Mais le décret de 91 est encore en vigueur; la discussion de la loi de 1834 lui a laissé sa plénitude d'application : le projet avait

(1) Décr. 21 oct. 1789. (2) Décr. 23 juin 1793.

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