Page images
PDF
EPUB

tuelles. Au XVIIIe siècle, le gouvernement eut le projet de transporter les mendians aux colonies; le parlement s'y opposa. L'assemblée constituante décréta leur arrestation et leur conduite devant la police de sûreté (1); la Convention ouvrit pour eux les maisons de détention; elle proclama dette nationale l'assistance des pauvres, interdit aux citoyens, sous peine d'amende, de faire l'aumône, et décréta la transportation du mendiant en récidive au fort Dauphin, île de Madagascar (2)! - L'Empire ouvrit quelques dépôts de mendicité, qui devenaient des maisons de détention; et le Code pénal a soumis à cinq et dix ans de surveillance de la haute police, les vagabonds et mendians condamnés [271-282].

A l'égard des mendians infirmes ou des ouvriers que la rigueur des temps livrait à la charité publique, l'ancienne monarchie avait travaillé à organiser des secours d'humanité. La création des hôpitaux et des maisons de refuge, dans le monde chrétien, date du VIe siècle. Le deuxième concile de Tours de l'an 566 statua, pour la France, que « chaque cité devait avoir soin de nourrir ses « pauvres, que chaque prêtre de la campagne et chaque citoyen devait se charger du sien.»-Saint-Louis [1254] envoyait des commissaires choisis parmi les magistrats et le clergé pour dresser les rôles des pauvres laboureurs, et se chargeait de leur faire parvenir des secours (3). Une ordonnance de 1536 établit dans tout le royaume des secours à domicile. La monarchie des XVII, XVIIIe siècles, sous l'inspiration de la charité chrétienne, créa trois institutions :

[ocr errors]

do La taxe des pauvres répartie sur tous les habitans de Paris et même sur les princes par le bureau général des pauvres, composé d'ecclésiastiques, de bourgeois, de conseillers au parlement, taxe qui se perpétua jusqu'en 1789 (4).

(1) D. 22 juillet 1791; la police de sûreté était confiée aux juges de paix. (2) L. 24 vend. an II.

(3) Il examinait lui-même les rôles avec attention. « Les serfs, disait Saint« Lous, appartiennent à Jésus-Christ comme nous; et dans un royaume chré<< tien oublierons-nous jamais qu'ils sont nos frères. » (Hist. de Saint-Louis, par M. de Villeneuve-Trans, t. III, p. 5.

4) Edils des années 1544 et 1662,

2o Les ateliers de charité (1) qui furent, sous Louis XVI, étendus à toutes les provinces;

3o Les dépôts de mendicité (2); trente-trois dépôts (un par généralité) subsistaient au moment de la révolution.

Les mesures sociales à l'égard du paupérisme peuvent partir de deux principes: du devoir de justice, ou du devoir de charité. Si le devoir de justice est regardé comme le fondement des secours, les pauvres ont le droit d'en exiger; à défaut de secours, ils ont le droit de réclamer en leur faveur un impôt, une participation aux biens de ceux qui possèdent. La taxe des pauvres n'est pas seulement alors un fardeau que supporte la société, c'est une dette qu'elle paie: c'est une obligation étroite qu'elle remplit, le lien de reconnaissance entre le pauvre et la société ne peut pas plus exister qu'entre le créancier qui reçoit et le débiteur qui paie. En considérant le devoir envers les pauvres comme devoir de justice, l'Angleterre devrait regarder comme naturelle et légitime la taxe qui dévore annuellement le revenu de ses paroisses. Mais ce serait là une fausse notion qui, poussée dans ses dernières conséquences, entraînerait avec elle l'esprit et les perturbations de la loi agraire. -Les secours envers les pauvres, ramenés à leur véritable principe, sont une œuvre de charité : sous ce second point de vue, rien n'est rigoureusement exigible quand l'homme, quand la société distribue des sec'est un acte de bienfaisance et de vertu qui est exercé; il n'y a pas de lien de droit, et par conséquent, il y a place pour la reconnaissance; la reconnaissance est due à la charité du citoyen qui donne, ou de la société qui institue des établissemens d'humanité. La taxe des pauvres disparaît comme impôt obligatoire devant cette notion toute chrétienne, et deux sources de secours différens sont ouvertes à la classe malheureuse à l'homme valide et pauvre, la charité doit offrir le travail; aux pauvres infirmes par l'âge ou par les maladies, aux enfans sans parens, sans ressources, la société doit offrir des secours gratuits. C'est (1) Édit. 15 avril 1685.

cours,

(2) Ord. 1764; Arr. du conseil, 21 sept. 1767.

le principe que l'assemblée constituante avait exprimé avec précision dans son décret du 16 décembre 1790: « Le tra«<vail est le seul secours qu'un gouvernement sage puisse of«<frir à ceux que leur âge ou leurs infirmités n'empêchent " pas de s'y livrer.»- C'est sur ce principe d'ordre social et d'humanité que reposent nos institutions de charité publique et que devront reposer les améliorations à venir. Les institutions actuelles sont :

1o Les bureaux de bienfaisance pour les secours à domicile; par leur loi de création ils étaient cantonnaux (1); ils sont communaux d'après la loi du 28 pluviôse an VIII: leur institution est d'un intérêt général, leur siége et leur administration sont un objet local. A l'institution primitive avait été jointe, en 1821, celle des conseils de charité dont la suppression a été ensuite prononcée. Les bureaux de bienfaisance sont chargés de faire la répartition des secours et de diriger les travaux prescrits par l'administration;

2o Les ateliers de charité, dont les travaux doivent être organisés en chaque département, dans un objet d'utilité générale, et qui offrent des secours temporaires, quand la masse du travail particulier ne suffit plus à la masse des travailleurs (2); le tarif du prix de la journée est dressé par le préfet, et la police des ateliers est régie par le décret du 25 juillet 1791 1;

3o Les dépôts de mendicité qui ont survécu, au nombre de six seulement, à la ruine des projets de Bonaparte pour l'établissement d'un dépôt par département, et qui, dès l'année 1831, ne renfermaient plus de mendians valides;

4o Les hospices et maisons de refuge, dont l'administration est communale, mais dont la comptabilité est soumise aux règles de la comptabilité publique, quand les revenus annuels dépassent la somme de 30,000 fr. (3);

(1) L. 7 frim. an V.

(2) D. 16 déc. 1989.

(3) Les comptes sont définitivement approuvés par le conseil de préfecture, si le revenu n'excède pas 30,000 fr., et si les revenus dépassent ce chiffre, par la Cour des comptes. L. 48 juillet 1837, art. 66.

5o Les établissemens d'instruction primaire, qui ne s'adressent pas à la classe des pauvres seulement, mais à la classe des ouvriers et des cultivateurs, pour offrir à leurs enfans l'instruction nécessaire et l'éducation morale ;

6o Les salles d'asyle, dont l'institution toute récente recueille l'enfant en bas âge et procure tout à la fois un soulagement aux chefs des familles ouvrières, et un moyen de moralisation aux enfans pour préparer leur entrée dans les écoles d'instruction primaire;

7° Les monts-de-piété, créés au XVe siècle en Italie (1), en France au XVIIe, et qui furent institués pour combattre l'usure énorme des Juifs qui prêtaient sur gage à la classe

ouvrière;

8° Les caisses d'épargnes qui, d'origine toute nouvelle, ont fait un puissant appel à l'esprit d'ordre, d'économie, de prévoyance, et qui ont révélé au pauvre, au travailleur, un capital, des revenus et le bien-être de la famille dans les résolutions et les habitudes de la sagesse. Les caisses d'épargnes, qui n'ont existé qu'au nombre de douze de 1818 à 1830, et qui s'élevaient au nombre de deux cent soixantedix, à la fin de 1838, ne sont pas seulement une institution bienfaisante pour la classe ouvrière; elles sont un moyen de diminuer successivement la masse des indigens à la charge de la société; et elles ont formé déjà un immense capital, qui, au lieu de se perdre en dépenses improductives, peut seconder les grandes vues de l'État pour l'amélioration du crédit foncier, de l'agriculture, et la fondation des colonies agricoles (2).

La loi du 5 juin 1835 a statué que chaque déposant ne pourrait verser plus de 300 fr. par semaine, ni avoir en

(1) Le premier établissement a été créé en 1491 à Pérouse. Selon un rapport fait à l'Académie des sciences morales, par M. Châteauneuf, les habitans de Pérouse instituèrent les Monts-de-Piété pour échapper à l'usure des Juifs qui prenaient jusqu'à 70 ct 80 p. 100 d'intérêt. Le pape Sixte IV en fit jouir Savone, sa patrie, sur le modèle de ceux de Pérouse. De l'Italie, ils se répandirent dans la Flandre; au commencement du 17° siècle, il y en avait dans la plupart des Etats de l'Europe. Louis XIV établit l'intérêt à 15 p. 100. Il fut ensuite à 10 (Journ, de l'Instr. publique. 31 juillet 1839.

(2) V. rapport du ministre du commerce, publié en 1810, sur ia situation

dépôt plus de 3,000 fr. productifs d'intérêts. Les sociétés de secours mutuels pour les cas de maladies, d'infirmités, ou de vieillesse, formées entre ouvriers ou autres individus, et dûment autorisées, sont admises à déposer jusqu'à la somme de six mille francs.

La population indigente, en France, est du 17° environ de la population totale; la statistique, en 1835, donnait 1,928,000 indigens, sur lesquels on comptait 30,000 mendians en état valide; le mouvement annuel des hospices est d'environ 500,000 individus. On voit combien la charité individuelle et sociale a besoin d'étendre ses secours de tout genre pour assimiler à la masse de la population laborieuse et vivant de son labeur, cette partie maladive de la population qui flotte de siècles en siècles sur le sol national.

III. Mesures relatives aux étrangers. -Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire [C. c. 3], et, par conséquent, les étrangers qui viennent en France: «<Habiter le territoire, disait Portalis, c'est se sou«< mettre à la souveraineté ; tel est le droit politique de « toutes les nations. Un étranger devient le sujet ca«suel de la loi du pays dans lequel il passe ou dans lequel « il réside. Dans le cours de son voyage, ou pendant le «< temps plus ou moins long de sa résidence, il est protégé par cette loi; il doit donc la respecter à son tour, « L'hospitalité qu'on lui donne appelle et force sa recon<< naissance (1). » Cette hospitalité ne peut être refusée,

[ocr errors]

des Caisses d'épargne. Les succursales des Caisses d'épargne étaient au nombre de 110, ce qui faisait un total de 380 bureaux à la fin de 1838 : il y avait encore clnq départements qui n'avaient pas de caisse d'épargne. Au 31 décembre, il y avait 265,396 déposans, qui représentaient un capital de 144,964,787 fr.

Voici le tableau des professions et du chiffre proportionnel des livrets et du solde des livrets, au 31 décembre 1838 :

19,866,559 francs.
17,270,935 >>

4,825,974 >>

Ouvriers.

42,778 livrets.

[blocks in formation]

5,675,825 >>

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]
[blocks in formation]
[merged small][merged small][ocr errors]

439,757 >>

Totaux.

163,196 livrets.

81,714,759 francs.

(1) Exposé des motifs du tit. Ier du Code.

« PreviousContinue »