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matoires relatifs à leur vie publique ; de là une surveillance nécessaire et continue exercée par la presse sur les fonctionnaires et par les fonctionnaires sur eux-mêmes (1).

III. Les droits politiques de l'électorat et de l'éligibilité ont été mis à la portée d'un plus grand nombre de citoyens, par l'abaissement des conditions de l'âge et du cens. L'institution de la garde nationale, avec droit d'élection pour la nomination des officiers, est devenue une garantie constitutionnelle dont le grand objet est le maintien de la Charte, de l'ordre et de la liberté publique. Dans les momens de calme, on songe peu aux bienfaits de l'institution; aux jours du danger, on sent quelle force immense est dans les mains des citoyens. La pensée de Sieyès et de Lafayette, en 1790, était d'armer la société en faveur de la liberté et de l'ordre; la même pensée est écrite dans les art. 66 et 68 de la Charte : c'est une garantie qui seule, et à défaut des autres, suffirait pour rendre le despotisme impossible en France.

IV. En touchant à l'organisation des pouvoirs, la révolu→ tion de juillet a d'abord développé l'action législative; aux deux branches du pouvoir législatif elle a communiqué l'initiative, acte qui seul est toute une révolution par l'égalité mise entre les chambres et la royauté, et l'influence gouvernementale que les chambres peuvent en recevoir; elle a établi le vote annuel du contingent de l'armée, que Montesquieu avait regardé comme une garantie nécessaire; elle a subordonné à la volonté de la loi le service des troupes étrangères. L'hérédité de la pairie, l'institution des majorats, ont disparu devant son principe.

Le pouvoir exécutif a été renfermé dans ses véritables limites; le droit de faire des ordonnances a été défini exactement dans ses rapports avec la seule exécution des lois. Le prétexte des ordonnances pour la sûreté de l'État (2) a été à jamais enlevé à l'esprit d'arbitraire. La limitation des cas de responsabilité ministérielle a été supprimée; et la

(1) Loi 8 octobre 1830, abroge art. 18 de la loi du 25 mai 1822, et rétablit art. 20 de la loi du 26 mai 1819.

(2) Art. 14 de la Charte de 1814.

responsabilité est étendue aux autres agens du pouvoir que les citoyens blessés trouvent plus près d'eux, et peuvent plus facilement attaquer devant la justice du pays.

Les départemens et les communes, dotés d'institutions fondées sur le système électif, ont reçu le principe d'une nouvelle vie: les lois d'organisation et d'attributions ont trouvé les esprits prêts à recevoir leur salutaire influence: la vie locale va grandir sous leur protection, sans porter atteinte au vrai principe de l'unité politique et administrative. Les colonies enfin ont été placées sous l'empire du régime légal.

Ainsi la Charte de 1814 est sortie toute rajeunie de la révolution de 1830; elle a dépouillé tout ce qu'elle avait retenu des traditions de la monarchie absolue et des débris de la féodalité. La révolution de juillet a fait triompher les idées de 89, épurées au creuset de quarante ans d'expérience sociale. La Charte de 1814 avait formé laborieusement l'éducation constitutionnelle des nouvelles générations; elle fut une transition utile et féconde; elle prépara les esprits à la pleine possession de la liberté publique et privée. La Charte de 1830 a établi le droit public français sur sa véritable base, le respect du droit national, l'inviolabilité des droits et des devoirs individuels et sociaux.

S VI. — THÉORIE SUR LA TRANSMISSION DES POUVOIRS DANS TOUTES LES DIVISIONS POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES.

La théorie du pouvoir politique, d'après notre constitution actuelle, peut être ramenée à deux grandes idées, l'action et la délibération, autrement dit, le pouvoir actif et la société. Ces deux élémens embrassent toutes les divisions politiques et administratives, et s'étendent sur tous les degrés de la hiérarchie. Le pouvoir, dans sa plus haute expression, est représenté par la royauté; la société, dans sa plus haute expression, est représentée par les assemblées constitutionnelles et l'intervention effective des citoyens. Le même principe d'organisation, qui a placé au sommet de l'État la royauté et la représentation nationale, a organisé, dans les sphères inférieures, des institutions correspondantes qui représentent aussi, dans les départemens et les

communes, l'action et la délibération, le pouvoir exécutif et le droit d'examen, en d'autres termes, le prince et le peuple, le pouvoir et la liberté.

Aux deux idées, aux deux institutions fondamentales, viennent se rattacher les moyens par lesquels sont créées les fonctions de l'ordre exécutif et de l'ordre délibératif. Suivant la Charte de 1830, les fonctions publiques ont deux principes différens : 1° le pouvoir exécutif qui est inhérent à la royauté; 2o l'élection directe des citoyens. - La souveraineté nationale, qui est la source placée à l'origine de la Charte, s'est divisée en deux canaux : l'un, par lequel se propage et se transmet le pouvoir exécutif; l'autre, par lequel s'étend et se manifeste la volonté ou la représentation nationale. Dès lors toutes les fonctions publiques qui tiennent à l'action exécutive ou judiciaire découlent de la royauté constitutionnelle c'est la royauté qui donne l'impulsion, qui nomme les fonctionnaires, qui distribue la force, dont elle est l'expression sociale, sur tous les degrés de la hiérarchie politique et administrative. Mais pour certaines fonctions qui ne se rapportent pas exclusivement à l'action, et qui se combinent avec la représentation nationale et locale avec la défense de la liberté et de l'ordre public, la nomination royale concourt avec la vocation de la loi ou l'élection des citoyens. Pour la nomination des pairs de France, législateurs et quelquefois juges, ells se combine avec les conditions de la loi sur les notabilités sociales; pour nomination des maires et des officiers d'un haut grade dans la garde nationale, elle se combine avec l'élection des citoyens; pour la nomination des juges de commerce, elle se combine avec l'élection faite par une classe de personnes.

la

Le pouvoir communiqué par la royauté entraîne ou le droit d'action seulement, ou le droit de conseil avant l'action, ou le droit de jugement: quand le pouvoir communique l'action, il impose la responsabilité. L'action et la responsabilité sont unies dans le fonctionnaire actif comme le droit et le devoir.

Si le pouvoir, dans sa plus haute expression, est repré

senté par la royauté, la société, de son côté, est représentée par les assemblées constitutionnelles et par l'intervention des citoyens. L'intervention sociale se fait :

1o Dans la puissance législative, par les députés et leur participation à la loi;

2o Dans la puissance exécutive, par les députés investis du droit d'examen et de contrôle ;

3o Dans la gestion et la défense des intérêts locaux, par les membres des conseils de départemens, d'arrondissemens, de communes ;

4o Dans le pouvoir judiciaire, par le jury;

5o Dans la défense générale de l'ordre public et de la liberté, par la garde nationale.

La communication du droit d'intervention sociale se fait :

Par l'élection directe, quand il s'agit du droit de délibération ou d'examen à l'égard des intérêts généraux et locaux (nomination des députés, des conseillers généraux et municipaux);

Par l'élection combinée de la loi et du sort, quand il s'agit de prononcer, par déclaration de fait, sur des intérêts tout à la fois publics et privés (formation du jury de jugement, du jury d'expropriation);

Par la vocation de la loi et l'élection directe ou indirecte, quand il s'agit de l'inscription sur les contrôles et de la nomination aux différens grades de la garde nationale (1).

La première condition d'exercice des fonctions publiques, à quelque ordre qu'elles appartiennent, est le serment. Un acte de foi religieuse sert d'inauguration au pouvoir : la royauté se place, à son avènement, sous la protection du serment indispensable à la Charte constitutionnelle un principe moral et chrétien domine donc tous les pouvoirs, de quelque source qu'ils émanent, de la royauté ou de la nation. Le serment est même regardé comme une garantie tellement essentielle, qu'il

(1) L. 22 mars 1831, art. 2, 19, 50, 56.

est exigé de ceux qui, sans exercer des fonctions publiques, exercent des professions ou un ministère qui intéressent la société.

Nous avons examiné l'organisation et les attributions des pouvoirs politiques de la société, ou le pouvoir temporel, il faut examiner le pouvoir spirituel en lui-même, et surtout dans ses rapports avec l'État, ce qui nous conduit à la deuxième section de l'organisation des pouvoirs.

SECTION II.

POUVOIR SPIRITUEL, SES RAPPORTS AVEC L'ÉTAT; OU DROIT PUBLIC ECCLÉSIASTIque.

SI. NATURE DU POUVOIR SPIRITUEL.

QUESTION.

DISTINCTION. LIMITES DE LA MONUMENTS DE L'ANCIEN DROIT PUBLIC ECCLÉSIASTIQUE (1).

Toutes les religions ont leur foi, leur morale, leur culte, leur discipline, qu'elles enseignent et qu'elles pratiquent. En ce sens, toutes les religions ont leur pouvoir spirituel, puisqu'elles ont pour objet d'agir sur les esprits et sur les

cœurs.

Mais entre les pays luthériens et les pays catholiques il y a cette différence, que les chrétiens issus de la réforme du XVIe siècle ne reconnaissent pas hors de leur nationalité un pouvoir tout religieux, et qu'ils remettent entre les mains du chef temporel le dépôt du pouvoir spirituel : ainsi l'Angleterre, sous Henri VIII, reçut de lui son symbole, quand l'Église anglicane se sépara de l'Église universelle; et l'on voit chez les luthériens le chef de chaque état politique se déclarer chef de la religion. Chaque protestant, affranchi de l'autorité de l'Église et des conciles, libre dans son examen et dans ses interprétations des saintes Écritures, ne relève vraiment que de lui-même, de sa conscience in

(1) On peut consulter: 1° le Commentaire sur le Traité des libertés de l'Église gallicane, de Pierre Dupuy (1652, in-4o), suivi de l'histoire de la Pragmatique et des Concordats : 20 la Défense de la déclaration du clergé de 1682, par Bossuet : l'original en latin a été traduit en 2 vol. in-4°; — 3o un Traité de la puissance eecclésiastique et temporelle, contenant les preuves des propositions de la déclaration (Anonyme, 1 vol. in-8°, 1707); 4o un Traité de l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique, 2 vol.1767, par un avocat au parlem.

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