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n'avait pas eu lieu dans ce délai, le conflit ne pourrait plus être élevé en première instance.

Jugement de sursis; — L'arrêté étant déposé, le procureur du roi le communique au tribunal, chambre du conseil, et requiert que, conformément à l'art. 27 de la loi du 21 fructidor an III, il soit sursis à toute procédure judiciaire; et le tribunal prononce le jugement de sursis.

Avertissement donné aux parties instanciées; - Les parties sont prévenues par le procureur du roi du rétablissement des pièces au greffe, et invitées à fournir, dans la quinzaine, leurs observations sur la compétence.

Transmission au garde des sceaux-Toutes les pièces sont transmises au garde des sceaux, qui, dans les vingt-quatre heures, en adresse récépissé au procureur du roi, pour être déposé au greffe du tribunal; les pièces sont transmises aussitôt au secrétariat général du conseil d'État.

Rapport sur le conflit; - Le rapport est présenté au nom du comité de législation, à l'assemblée générale du conseil d'État et en séance publique; mais il ne peut être présenté qu'après la production des pièces suivantes : la citation, les conclusions des parties, le déclinatoire, le jugement de compétence, l'arrêté de conflit; les parties intéressées sont admises à discuter publiquement la question de compétence. Ordonnance sur le conflit; - Il est statué dans le délai de deux mois, à dater de la réception des pièces au ministère de la justice.

Notification de l'ordonnance au tribunal; Elle doit être faite dans le mois qui suit l'expiration des deux mois accordés au conseil d'État; si le tribunal n'a pas reçu, dans le délai légal, notification de l'ordonnance royale rendue sur le conflit, il pourra procéder au jugement de l'affaire (1).

Quelle est, à l'égard des conflits, l'autorité du roi en son conseil d'État? Il approuve ou annulle l'arrêté de conflit; il qualifie la contestation; il déclare quelle est, de la juridic

(1) Ord. 1er juin 1821, 12 mars 1831, 18 sept. 1839; arr. de cass. 31 juillet 1837, qui juge que l'ordonnance du 12 mars 1831, art. 7, a modifié l'art. 16 de l'ord. de 1828, sur le défaut de notification dans le délai.

tion civile ou administrative, la juridiction compétente, sans indiquer aucun tribunal en particulier. Avant l'ordonnance du 1er juin 1828, le débat contradictoire pouvait porter sur le fond; aujourd'hui, il ne peut porter que sur la question de compétence.

En examinant avec attention la marche de la procédure, en matière de conflit, on voit qu'il y a trois périodes à distinguer, dont l'ensemble demande un délai d'environ six mois la première période s'étend du déclinatoire présenté par le préfet au jugement de sursis; la deuxième s'étend de l'avertissement donné aux parties instanciées jusqu'à l'envoi des pièces au ministère de la justice; — la troisième s'étend du récépissé et de l'envoi des pièces au conseil d'État jusqu'à la notification de l'ordonnance au tribunal d'abord saisi de l'affaire.

2o Exceptions en matière de conflit.

Les conflits ne s'appliquent pas à toutes les matières soumises aux tribunaux de l'ordre judiciaire. Il y a des exceptions tirées de la nature même des choses.

Le principe général qui domine les conflits d'attributions est celui-ci : il faut que la contestation rentre dans la compétence administrative pour qu'elle puisse être revendiquée par le préfet au nom de l'administration; élever le conflit, c'est ressaisir par cette voie une matière administrative. De là plusieurs conséquences :

1° Il n'y a pas de conflit possible en matière criminelle, car l'administration n'est jamais juge des objets qui constituent ce qu'on appelle le grand criminel. Il peut y avoir renvoi pour cause d'incompétence sur des questions préjudicielles; mais ce renvoi sera provoqué par l'accusé ou sera prononcé d'office, et non sur l'intervention de l'autorité administrative. - Ainsi, un fonctionnaire poursuivi pour soustraction de deniers publics (C. p. 169), soutiendra qu'il n'est pas en débet envers le trésor; la question de comptabilité sera une question préjudicielle, qui devra être décidée par la cour des comptes ou le conseil de préfecture

(1) Arrêt de cass. 15 juillet 1819.

(1);

mais l'administration n'est pas intéressée à ce que la comptabilité soit apurée préalablement à toute poursuite. Aussi l'ordonnance de 1828 dit-elle que le conflit ne sera jamais élevé en matière criminelle (art. 1er).

2o En matière correctionnelle, il n'y a de conflit possible que dans les deux cas suivans: premièrement, lorsque la répression du délit est attribuée par la loi à l'autorité administrative; ainsi, pour les contraventions relatives à la grande voirie, à la navigation fluviale, aux servitudes militaires; secondement, lorsque le jugement à rendre par un tribunal dépendra d'une question préjudicielle, dont la connaissance appartiendrait à l'autorité administrative en vertu de la loi; ainsi, pour les délits de pêche ou les délits forestiers, s'il y a doute élevé sur la navigabilité du cours d'eau, ou sur la défensabilité des bois, le tribunal qui voudrait s'immiscer dans ces questions de droit administratif serait arrêté par le conflit; ici le délit dépend entièrement de la mesure administrative, qui a été ou n'a pas été prise; mais le conflit ne pourra être élevé que sur la question préjudicielle.

3o Le conflit peut avoir lieu en matière de simple police, seulement lorsque la contravention aura été formellement attribuée à l'autorité administrative, comme la police du roulage, dont le maire connaît comme juge au premier degré, et le conseil de préfecture comme juge au second degré (1).

4o Il n'y a pas de conflit possible pour défaut de formalité préalable aux actions à exercer contre le domaine de l'État, contre les départemens, les communes, pour défaut d'autorisation de la part des conseils de préfecture sur les actions à intenter au nom des communes et des établissemens publics (2), et pour défaut d'autorisation de la part du gouvernement, lorsqu'il s'agit de poursuites dirigées contre ses agens. Le défaut d'autorisation peut vicier la procédure, mais il ne change pas l'ordre des juridictions; la juridiction administrative reste étrangère à la nature de l'affaire et ne (1) Décret 23 juin 1806.

(2) Ord. 1er juin 1828, art. 3.

peut, par conséquent, revendiquer la cause, soumise seulement à la tutelle de l'administration.

Tels sont les corollaires du principe, que le préfet ne peut revendiquer, par voie de conflit, que les affaires soumises par leur nature à la juridiction administrative.

D'autres exceptions sont fondées sur l'incompatibilité des formes de certaines juridictions avec les formes prescrites en matière de conflit, et sur la qualité des jugemens :

1° Sur l'incompatibilité des formes;-Ainsi le conflit n'est pas possible devant les tribunaux de commerce et les juges de paix considérés comme juges civils (1). Le ministère public, intermédiaire par lequel se manifestent les actes de conflit, n'existe pas auprès de ces tribunaux extraordinaires; leur système de procéder ne pourrait donc se plier aux formes constitutives de la procédure des conflits. Če ne serait qu'en appel, devant la Cour royale ou le tribunal civil, que le conflit pourrait être élevé, parce qu'alors l'institution qui manquait, au premier degré, se retrouve au degré supérieur;

2o Sur la qualité des jugemens; -Le conflit ne peut être élevé après des jugemens en dernier ressort, sauf deux cas spéciaux : si le tribunal saisi du déclinatoire du préfet a rendu le jugement, au fond, avant l'expiration des délais accordés à l'administration pour prendre l'arrêté de conflit (2); si le jugement qualifié en dernier ressort, au fond, est soumis à l'appel par suite d'une exception d'incompétence (3). -Le conflit ne peut être élevé après des jugemens acquiescés, ou expressément, ou tacitement par suite d'exécution volontaire. Enfin, il ne peut être élevé après des arrêts définitifs (4). Avant l'ordonnance de 1828, le conflit pouvait être élevé après les arrêts de Cour royale et pendant le délai du pourvoi en cassation. Mais l'ordonnance ne l'ayant pas permis après l'arrêt définitif, il ne peut l'être pendant le délai du pourvoi, ni devant la Cour de cassation. La Cour

(1) Arrêts cons. d'État, 4 avril et 28 juin 1837.

(2) Ord. 1828, art. 4 et 8.

(3) C. de procéd., art. 454; Arrêt cons. d'État, 7 déc. 1825. (4) Ord. 1828, art. 4.

de cassation ne forme pas un troisième degré de juridiction; l'arrêt de Cour royale qui statue sur le fond du procès est donc définitif et exécutoire. C'est seulement dans les cas où la Cour de cassation annulle l'arrêt, que le conflit peut être élevé devant la seconde Cour royale. Là vraiment le procès est renouvelé; la cause est à juger; tandis que la Cour de cassation avait à juger le jugement, et non le procès (1).

3o Déchéance du droit d'élever le conflit.

Il y a déchéance du droit d'élever le conflit en plusieurs

cas:

1o Si le conflit n'a pas été formé en première instance avant le jugement sur le fond, et que les parties n'interjettent pas appel, le préfet ne peut appeler. Le droit d'appel n'appartient qu'aux parties; lorsqu'il n'y a pas d'appel, il y a acquiescement au jugement; il y a donc déchéance du droit d'élever le conflit.

Le conflit peut être formé en cause d'appel : l'appel de l'une des parties fait naître par conséquent le droit de proposer le conflit; et, de plus, il peut relever le conflit de ses vices d'irrégularité. Ainsi le conflit, en première instance, n'a pas été formé dans le délai voulu, il a été tardif; l'arrêté n'a pas reproduit la disposition législative sur laquelle il se fonde, il est irrégulier; mais il pourra être renouvelé en appel avec les formes légales; la déchéance n'est pas alors encourue définitivement; le préfet en est relevé par l'appel de la partie.

2o Lorsque le déclinatoire présenté par le préfet devant les premiers juges a été admis, le préfet n'a pas besoin d'élever le conflit; mais, si l'une des parties instanciées appelle du jugement de compétence, le préfet a le droit d'élever le conflit, car la compétence est remise en question par l'appel; l'arrêté de conflit doit alors être élevé dans la quinzaine de la signification de l'appel, à peine de déchéance; car le délai de quinzaine a été accordé pour tout

(1) Arrêt cons. d'État, 23 oct. 1835. (Voir Duvergier, sur l'ord. de 1828, t. XXVIII, p. 182.)

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