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« priviléges accordés par les rois nos prédécesseurs, et par nous aux églises, « aux monastères et autres lieux de piété, aussi bien qu'aux personnes ecclé<< siastiques. >>

Saint Louis avait élevé une digue contre les abus de la papauté, et maintenu par les élections les libertés intérieures de l'Église gallicane; mais il n'avait pas touché à la question des juridictions laïque et ecclésiastique. Le droit canonique portait une atteinte profonde à la procédure féodale du combat judiciaire; et saint Louis qui, de son côté, attaquait les justices seigueuriales par l'institution de l'appel au roi, n'avait pas arrêté le droit canonique dans la mission civilisatrice qu'il accomplissait alors. Mais, après son règne, le besoin de marquer une limite à la juridiction ecclésiastique devint impérieux en 1276 au concile de Bourges, les évêques et prélats proclamèrent leur droit de juridiction absolue; le parlement défendit de suivre les décrets du concile. Les barons féodaux depuis long-temps aussi réclamaient; et Philippe de Valois rassembla les prélats et les barons à Vincennes, pour statuer sur la querelle des juridictions. Pierre de Cugnières, avocat du roi au parlement de Paris, présenta soixante griefs contre les abus de la puissance ecclésiastique. De là est venu l'appel comme d'abus qui a produit dans la suite les plus salutaires effets pour maintenir dans ses limites le pouvoir ecclésiastique.

3. Institution de l'appel comme d'abus, 1329. — L'appel comme d'abus n'a été, ni à son origine, ni plus tard, renfermé dans une nomenclature exacte de cas particuliers, prévus et déterminés à l'avance. Il tirait son origine d'une lutte de la puissance temporelle contre les progrès toujours croissans de la juridiction cléricale; c'était un appel au parlement, pour cause d'incompétence et d'excès de pouvoir de la part des tribunaux ecclésiastiques. Mais si les cas particuliers ne furent pas spécifiés malgré les désirs souvent manifestés à cet égard par le clergé, la jurisprudence canonique assigna à l'appel comme d'abus quatre

(1) Texte latin dans le Recueil de jurisprudence canonique, de Guy du Rousseau de Lacombe, 2e partie, p. 5.

causes générales qui s'appliquaient à tous les cas possibles: 1° entreprises de juridiction; 2° attentats aux décrets et canons reçus; 3° attentats contre les ordonnances, édits du roi et arrêts du parlement; 4° attentats aux droits, franchises et libertés de l'Église gallicane.

L'appel comme d'abus, cependant, n'a pas empêché tout mélange de juridiction; les officialités ont conservé dans leur compétence exceptionelle plusieurs matières qui touchaient à la juridiction temporelle; et les officiaux, juges délégués par les évêques, avaient plusieurs moyens d'atteindre la personne et les biens des laïques; mais les droits des officiaux étaient regardés comme une concession des rois, étrangère à la juridiction purement spirituelle des évêques, et par conséquent révocable.

4. Pragmatique de Charles VII, 1438 (enregistrée au parlement, 13 juillet 1439).

La pragmatique de saint Louis avait été souvent méconnue, obscurcie par les doctrines de la cour de Rome. Le grand schisme d'occident avait donné lieu aux conciles œcuméniques de Constance [1414] et de Bâle [1431]: celui de Constance avait déclaré la supériorité du concile universel sur le pape; celui de Bâle avait proposé la réforme de l'Église dans son chef et ses membres, dans la discipline et les mœurs. L'Église gallicane sentait le besoin de renouveler la pragmatique de Louis IX, et de proclamer l'adoption des maximes de Constance et de Bâle. De là le concile national tenu à Bourges en 1431, 1438, et la pragmatiquesanction de Charles VII. Ce beau monument de la science ecclésiastique et de la foi catholique du XVe siècle reproduisit d'abord les dispositions de la pragmatique de saint Louis sur la liberté des élections, sur les provisions et collations de bénéfices, sur l'abolition des levées de tributs, qui s'étaient régulièrement appliqués, sous le nom d'annates [1319], aux fruits de la première année de bénéfices vacans. L'assemblée de Bourges, à laquelle assistaient les députés du concile de Bâle et les envoyés du pape Eugène IV, proclama, de plus, la suprématie du concile universel sur le pape, adopta pour la réforme de l'Église, et sous

quelques modifications, la discipline établie par le concile de Bâle, et interdit les appellations au pape, même pour cause ecclésiastique. Louis XI abolit la pragmatique; ses lettres-patentes [1461] n'ont j'amais été enregistrées. La pragmatique a été invoquée avec énergie soit par le parlement, soit par les états de Tours; Louis XII ordonna en 1499 qu'elle serait inviolablement observée. Mais, odieuse à la cour de Rome, elle a été l'objet des bulles fulminantes commençant par les mots execrabilis et inauditus; et François Ier, aidé du chancelier Duprat, afin de terminer les différends avec la cour de Rome, a consenti avec Léon X une transaction dont les droits de l'Église gallicane et les richesses du royaume faisaient le prix, à l'avantage réciproque du roi et du pape.

5. Concordat de 1516. -Dumoulin dit que le concordat a été fait non pour interpréter ou suppléer la pragmatique, mais pour l'abroger et l'exclure, et comme une loi pu re ment nouvelle : Non ad interpretationem aut supplementum pragmaticæ, sed ad ejus abrogationem et exclusionem, et tanquam lex merenova (1). Cependant si cette pensée d'abrogation absolue fut dans les intentions de Léon X, si elle fut même positivement exprimée dans une bulle du pape, cette bulle ne fut jamais présentée à l'enregistrement du parlement; François Ier s'y refusa; et le concordat porte, dans le præmium, que, si le Noм de pragmatique doit être absolument abrogé, cependant la convention a été conçue et tempérée de manière que la plupart des chapitres de la pragmatique-sanction ont été confirmés et ratifiés. (Ita confecta temperataqué sunt ea conventa ut pleraque pragmatica-sanctionis capita firma nobis posthac rataque futura sint (2). Le concordat adoptait l'ordre des chapitres de la pragmatique, et, sous les mêmes titres, plaçait des dispositions qui modifiaient les premières ou les changeaient complètement quelques chapitres furent passés sous

(1) Molinæi opera, t. V, De infirmis resignantibus, no 276, p. 54.

(2) Texte du concordat dans le Recueil des conciles du père Labbe. Il est rapporté en entier, avec un commentaire, dans les Observations de Michel Duperrai, in-12, 1722; et dans Lacombe, 2e partie, p. 54.- Voir aussi Durand de Maillane, vis Concordat et Pragmatique.

silence, et les canonistes les regardaient comme réservés. La pragmatique n'a été abolie expressément ni par un édit enregistré ni par le concordat, et l'Église gallicane l'a toujours regardée comme faisant le droit commun du royaume dans tous les cas où il n'y avait pas eu dérogation expresse ou tacite : c'est ainsi que, depuis le concordat, si le pape refusait l'institution des évêques, sans motif suffisant, on reconnaissait que, , on reconnaissait que, suivant l'ancien usage de l'Église gallicane et les règles de la pragmatique, l'institution devait être conférée par le métropolitain dans l'assemblée des évêques suffragans. Trois dispo

sitions sont fondamentales dans le concordat : l'abolition des élections, le rétablissement des annates, le rétablissement des appellations au pape. Aux élections furent substituées la nomination de l'évêque par le roi et l'institution canonique par le saint-siége; les annates furent rétablies pour les grands bénéfices; les appellations au pape furent permises, avec obligation pour le souverain pontife de commettre des juges dans l'intérieur du royaume. Ainsi Léon X investissait le roi des libertés intérieures de l'Église, et François Ier rendait au pape l'immense revenu des annates, avec son titre de juridiction. Ils avaient disposé l'un et l'autre de choses qui ne leur appartenaient pas. Le parlement et l'université résistèrent vivement au concordat, qui ne fut enregistré que ex ordinatione et de præcepto domini nostri regis, reiteratis vicibus facto. [22 mars 1517.

Les états d'Orléans demandèrent le rétablissement de la pragmatique : l'ordonnance de 1560 y fit droit en ce qui touchait les élections et la prohibition des annates; mais l'ordonnance ne fut jamais exécutée sur ce point.

Les troubles de la réforme provoquèrent le concile de Trente, et produisirent une réaction vers les doctrines du moyen-âge on vit renaître les prétentions de la cour de Rome sur le gouvernement des choses temporelles. L'ordonnance de Blois [1579] se ressentit de cette réaction, et confondit, en matière de mariage, le contrat civil et le sacrement religieux. Le clergé, aux États de Blois,

demanda vivement l'enregistrement du concile de Trente; il renouvela ses réclamations aux États de 1614, et le cardinal Duperron les formula dans une théorie menaçante pour l'indépendance de la royauté. -Ces doctrines, bien que combattues par la publication de P. Pithou sur les libertés de l'Église gallicane [1594], et par les arrêts du parlement [1615], se répandaient de toutes parts (1); les calvinistes, au milieu du XVIIe siècle, s'en prévalaient même pour justifier la réforme et pour résister aux savans efforts que faisaient Port-Royal et Bossuet en vue de ramener les églises dissidentes à la communion catholique. Les doctrines ultramontaines reparaissaient jusque dans les bulles d'Innocent XI, sur le droit de régale. De là vint la nécessité de la célèbre déclaration dont Bossuet fut le rédacteur.

6. Déclaration du clergé de France, 19 mars 1682.La déclaration du clergé est devenue loi de l'État par l'édit du 23 mars qui en a ordonné l'enregistrement dans les cours de parlement, et l'enseignement dans toutes les facultés de théologie, dans tous les colléges et maisons. séculières et régulières de chaque université; l'arrêt du parlement du 20 avril 1682 en prescrivit l'enregistrement aussi dans les facultés de droit civil et canon. Le caratère légal de la déclaration, confirmé, au XVIIIe siècle, par l'arrêt du parlement du 31 mars 1753, par l'arrêt du conseil du 24 mars 1766, a été renouvelé, dans le droit actuel, par la loi du 18 germinal an X [art. 24], qui en fait l'un des fondemens de l'enseignement théologique, et par le décret du 25 février 1810, qui reproduit textuellement l'édit de Louis XIV, rend obligatoire dans les séminaires la doctrine de la déclaration, et proclame l'édit de mars 1682 loi générale de l'empire. La vie légale de la déclaration de 1682 a été reconnue, sous la Charte de 1814, par un arrêt solennel de la cour royale de Paris : « Considérant que ce n'est ni manquer au respect « dû à la religion ni abuser de la liberté de la presse

(1) Voir le commentaire sur le Traité des libertés de l'Église gallicane, de Pierre Dupuy.

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