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DROIT ADMINISTRATIF1.

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE.

Sler.—MATIÈRE SPÉCIALE.-DÉFINITION ET PLAN DU DROIT ADMINISTRATIF.

L'organisation, les attributions et les rapports des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, spirituel, représentent dans la société la raison de l'homme, la volonté active, la volonté répressive des passions, la foi religieuse, comme nous l'avons vu dans le résumé philosophique.

L'organisation sociale est donc personnifiée à l'image de l'homme; il y a intelligence et volonté, il y a des organes pour leur manifestation : de même que l'homme est une puissance libre, éclairée par la raison et servie par des sens, de même, la société personnifiée est une puissance d'action, éclairée par l'intelligence et servie par des organes. En considérant la corrélation qui existe dans leurs élémens constitutifs, on peut le dire la société, c'est l'homme.

(1) On peut consulter: pour l'ancien droit, le Droit public de Domat, le Traité de la police, par Delamare: pour le droit nouveau, 1o les Institutes de droit administratif français, par M. de Gérando, 4 vol.; (1828-1830).

2o Les Élémens de droit public et administratif de M. Foucard, 3 vol.; 2e édition; (1839).

3o Le Droit administratif de M. de Cormenin, 2 vol., 5e édition; (1840). 4o Le Code administratif de M. Blanchet, 1 vol., 1839;

5. La Jurisprudence administrative de M. Ch. Chevalier, 2 vol. et supp.;

6o Le Dictionnaire de droit public et administratif de MM. Magnetot ́et Delamarre, 2 vol.; ·

7o Le Répertoire de Favard-Langlade, aux mots relatifs à l'administration; 8° La Collection des lois de Duvergier, avec notes relatives aux lois qui touchent à l'administration, 39 vol.;

9o Le Recueil des arrêts du conseil d'Etat, par MM. Roche et Le Bon, 1839, 5 vol.;

10o Le Recueil de M. Bouchene-Lefer, sous le titre de Droit public et administratif, 6 vol. Ouvrage non terminé. Nous indiquerons sous chaque titre les

ouvrages spéciaux.

L'organisation sociale, dotée de ses différens pouvoirs et de leurs attributions, comme nous l'avons vu dans la partie du droit public, va-t-elle rester inactive? — Non.

Elle repose sur un territoire et au milieu d'une population distinguée par une nationalité propre. Le territoire national a son ensemble et ses divisions; la population nationale a sa masse générale et ses centres partiels. C'est au sein de ces deux élémens que l'organisation sociale de la France est appelée à la vie active et réelle. Il ne faut donc pas seulement la considérer, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, dans ses pouvoirs constitutifs, leurs attributions et leurs rapports (ce qui est l'objet du droit public): il faut la considérer DANS SON ACTION Sur le territoire et à l'égard de la population pour lesquels elle existe; ce qui va nous donner la matière du droit administratif.

Et d'abord quelle est la loi naturelle et moralement nécessaire qui doit régir l'action de la société organisée? C'est la loi de toute organisation physique ou morale destinée à la vie :

Vivre, c'est se conserver;

Vivre, c'est se développer pour atteindre le but de sa destination naturelle.

Il faut donc que l'organisation sociale agisse par ses facultés réunies pour se conserver et pour se développer vers son but. Il faut, d'une part, que les actes qu'elle produira par sa faculté législative soient produits en vue de la conservation de la société et de sa destination légitime; il faut, d'autre part, que les actes qu'elle exercera par sa puissance exécutive aient pour objet de suivre les lois et de les faire exécuter dans le sens de la conservation de la société et de son but. Nous avons vu que la puissance exécutive avait deux branches : l'autorité administrative et l'autorité judiciaire, l'une qui s'exerce par l'exécution des lois en général, l'autre par l'application particulière des lois civiles et pénales. Cette division, fondée sur la nature des choses, et jointe aux notions de droit public sur l'organisation et les attributions des pouvoirs constitutionnels, détermine l'étendue et les limites de l'action administrative.

Toutes les lois qui ne sont pas la base du droit public ou constitutionnel, et celles qui ne sont pas comprises dans le domaine du pouvoir judiciaire, entrent dans le domaine du pouvoir administratif. Mais le pouvoir administratif a deux objets qu'il ne faut pas confondre ici : l'un concerne l'agencement des services publics, leur organisation intérieure et détaillée, les rapports respectifs des agens supérieurs et inférieurs, l'exécution matérielle, en un mot, le côté purement technique des différens services; l'autre concerne les rapports de l'administration avec les citoyens pour l'exécution des lois et ordonnances, c'est-à-dire les droits et devoirs réciproques des administrateurs et des administrés. Le premier objet constitue la partie règlementaire et technique de l'administration et non le droit administratif; c'est le deuxième objet qui seul constitue le droit administratif proprement dit. Ce droit saisit l'administration au moment où elle se manifeste à l'égard des administrés, à l'instant même où elle exerce son action sur les citoyens (1).

Or, la puissance législative de l'État devant être exercée dans la direction des deux idées fondamentales de la conservation et du but de la société, la même direction est imposée nécessairement au pouvoir qui doit exécuter et faire exécuter les lois, et spécialement à l'autorité administrative dans ses rapports avec les citoyens. - C'est donc aussi à ces deux idées primitives de la conservation et du but de la société que se rattache nécessairement le droit administratif, lequel renferme une vaste partie des lois sociales et règle par ces lois l'action de l'autorité administrative.

Telle sera la division rationnelle et fondamentale à laquelle sera subordonné le plan du droit administratif, et

(1) M. de Gérando, Institutes de droit administratif. Avertissement, V. 9: << Toutes les dispositions des lois ou règlemens relatifs à l'administration n'ap«partiennent pas pour cela à un véritable code administratif. Le code ne doit << s'emparer que de celles qui fondent un droit ou qui règlent l'exercice d'un « droit, dans le sens que le terme de droit prend en ces matières, c'est-à-dire de « celles qui concernent les obligations mutuelles de l'administration et des « administrés. Il ne doit pas comprendre de celles qui n'ont pour objet que les « parties purement techniques des différens services publics. »

qui se reproduira dans ses diverses parties: nous l'avons demandé à la destination même de la société, et nous avons voulu que sa simplicité pût servir d'appui à la mémoire et de guide à l'intelligence.

Avant d'indiquer le plan que cette idée doit dominer, il faut achever de dissiper toute incertitude sur ce qui compose la matière spéciale du droit administratif.

I. Le droit administratif est celui qui règle l'action et la compétence de l'administration, dans ses rapports avec les centres partiels de population ou les citoyens individuellement, pour l'exécution des lois, ordonnances et arrêtés rendus dans l'intérêt général ou local.

II. On ne doit pas confondre la science administrative avec le droit administratif: la première comprend la connaissance de tous les principes, de tout le mécanisme et de tous les travaux relatifs à l'administration; le deuxième comprend les droits respectifs et les obligations mutuelles des administrateurs et des administrés; cette distinction rentre dans celle que nous venons d'établir entre la partie règlementaire ou technique de l'administration et le droit administratif.

III. On doit se garder aussi de confondre les lois administratives, prises dans un sens restreint, avec le droit administratif lui-même. Les lois appelées administratives, restricto sensu, règlent quelques points d'organisation ou d'action administrative, comme la loi du 28 pluviôse an VIII sur la division territoriale et les préfectures, les lois sur les chemins vicinaux ou sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, les lois sur l'organisation départementale et communale. Les lois de cette nature sont un des élémens du droit administratif, mais elles n'en sont pas la limitation: confondre ces choses, ce serait absorber le tout dans une de ses parties intégrantes.

Nous avons énoncé plus haut que le droit administratif renfermait toutes les lois sociales, excepté celles qui servaient de fondement à l'organisation constitutionnelle et celles qui rentraient dans le domaine judiciaire: cela ne veut pas dire, en ce qui touche le domaine des tribunaux, que

toutes les lois, dont certaines dispositions doivent être appliquées par l'autorité judiciaire, soient en dehors du droit administratif; ce serait une erreur manifeste: il est certainement des lois qui font partie essentielle du droit administratif, et qui cependant sont appliquées, sous le rapport de la pénalité ou des questions de propriété, par le pouvoir judiciaire: par exemple, le code forestier, les lois sur les contributions indirectes et l'enregistrement. Ces lois, et beaucoup d'autres, sont d'une nature mixte; l'ensemble de leurs dispositions, sur les rapports de l'administration avec les individus, appartient au droit administratif, mais les dispositions civiles ou pénales se rattachent à la juridiction civile ou correctionnelle. Les questions de propriété ou de liberté appellent la compétence des tribunaux; les règles et les questions relatives aux rapports de l'administration avec les administrés appartiennent au droit administratif. Cela posé, nous reprenons la définition de la matière de ce droit, et nous disons: toutes les lois, en tant qu'elles peuvent servir de base aux rapports respectifs de l'autorité administrative et des administrés, excepté les lois et les dispositions de l'ordre constitutionnel, civil et pénal, sont la matière du droit administratif.

A cette branche du droit ainsi déterminée dans son étendue, deux sciences peuvent servir d'auxiliaires : l'économie politique et la statistique; l'une pour lui donner des notions scientifiques sur les principes de la richesse publique et des impôts; l'autre pour lui fournir des données exactes sur le territoire, la population et les produits du travail social.

Maintenant posons les bases de notre plan.

Le territoire et la population, au sein desquels va s'exercer l'action du pouvoir administratif, sont naturellement considérés et par rapport à leur ensemble et par rapport à leur division.

Il y a donc deux grandes sphères d'activité pour la puis sance sociale:

La première comprend l'ensemble du territoire et de la population;

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