dustrie indigène et frappe de consomption la sucrerie coloniale. Voici, en quelques mots, les seuls événements commerciaux de l'année, au point de vue des relations internationales. Un traité de commerce conclu avec la Sardaigne fut voté d'urgence par l'Assemblée (19 novembre.) Ce traité faisait entrer la France plus avant dans la voie ouverte par les traités de réciprocité conclus précédemment avec l'Angleterre, les États-Unis, la Néerlande et le Danemark. Avec les États Sardes, fut encore conclu (9 novembre) une convention de poste qui consacrait le principe d'équité réciproque et de répartition proportionnelle. Le 5 mars, s'ouvrit la délibération sur un traité d'amitié, de commerce et de navigation avec la Chili. Ce traité se composait de deux parties distinctes, le traité principal et les articles additionnels. Le traité principal, par lequel les deux nations s'accordaient réciproquement le traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concernait le pavillon, ne souleva pas d'objections sérieuses il reçut l'approbation de la commission, et il fut adopté par l'Assemblée. Mais il n'en fut pas de même des articles additionnels. Un de ces articles donnait une extension que l'on considéra comme dangereuse à la faculté d'embargo. Un second article tendait à nous retirer un avantage stipulé par le traité principal, avantage d'après lequel aucune faveur de tarif de douanes ne peut être accordée à aucune nation dans l'un des deux pays, sans devenir commune aux produits similaires de l'autre. En conséquence, ces articles additionnels furent repoussés du consentement de M. le ministre des Affaires étrangères, qui entamerait de nouvelles négociations avec le Chili, et qui espérait d'ailleurs que ce rejet, tout en occasionnant des retards, n'empêcherait pas la conclusion définitive d'une convention destinée à cimenter les bons rapports des deux peuples. Le 31 janvier, l'Assemblée avait encore donné son approbation définitive à un traité de commerce et de navigation conclu, le 17 novembre 1849, entre la France et la Belgique. Le but de cette convention, qui ne touchait en rien aux droits de douane actuellement en vigueur, et qui ne pouvait par conséquent fournir aucun motif légitime d'alarme aux intérêts si irritables des partisans de la protection, était simplement d'améliorer les conditions ré ciproques des transports entre les pays et sous les deux pavillons français et belge. Les bases sur lesquelles avaient traité les deux négociateurs étaient l'égalité pour le paiement des taxes de navigation dans l'intercourse directe, et la suppression des surtaxes ou droits différentiels sur les marchandises de provenances directes. La moyenne des transports par mer, entre la France et la Belgique, avait été, pour la période de 1844 à 1848, de 6,185,000 fr. à l'importation, et de 11,155,000 fr. à l'exportation; notre pavillon avait donc un véritable intérêt à la réduction des droits de tonnage, qui avaient pesé jusqu'à ce jour sur les navires français entrant dans les ports de la Belgique ; la marine marchande belge était également intéressée à l'adoucissement des droits frappés sur ses vaisseaux à leur entrée dans les ports de France. Ces droits avaient été, jusqu'à présent, de 2 fr. 22 cent. par tonneau et par voyage, pour les navires français en Belgique, de 4 fr. 12 cent. pour les navires belges en France; ils ne seraient plus désormais, dans l'un et l'autre pays, que de 1 fr. 90 cent. par tonneau, et ne seraient perçus qu'une fois par an sur chaque navire, quel que fût le nombre des voyages. Quant à une convention plus large qui rapprocherait les marchés des deux pays, il ne fallait pas l'espérer encore, malgré les circonstances favorables qui se produisirent cette année (voyez Étranger, Belgique). CHAPITRE X. PROROGATION, BILAN LÉGISLATIF. Luttes politiques, épuisement des partis après le vote de la loi électorale. Demande d'un crédit pour frais de représentation du président de la République, opinions divisées, rapport de M. Flandin, question d'argent et question de dignité, vote favorable. Prorogation. Commission de permanence, noms significatifs. Bilan législatif. Ce qu'avait fait l'Assemblée; pourquoi elle n'avait pas fait davantage; relevé des travaux du conseil d'État. Pendant que l'Assemblée législative discutait ou votait ces lois et ces propositions si nombreuses d'utilité publique, des luttes stériles, c'est-à-dire des luttes politiques, ne venaient que trop souvent détourner l'attention des deux pouvoirs. Après le vote de la loi électorale, les passions qui avaient ou combattur ou patroné cette loi, s'étaient calmées peu à peu une sorte de trève avait été conclue entre les partis épuisés. En vain, à l'occasion d'une demande de crédit pour les frais de représentation du Président, quelques rancunes essayèrent de ranimer le conflit apaisé. La sagesse des chefs de la majorité sut faire éviter à l'Assemblée ce nouvel écueil. M. le ministre des Finances proposa, le 4 juin, d'élever à 3 millions les frais de représentation du président de la République, que la Constituante, dans les derniers jours de son existence, avait fixés au chiffre de 600,000 fr. Dans la pensée des auteurs de la Constitution, dit M. Fould dans son exposé des motifs, les frais de représentation devaient dépasser de beaucoup le traitement alloué pour la personne du Président; ce qui n'avait pas empêché la Constituante de les fixer au même chiffre. Aujourd'hui, il n'était douteux pour personne que ces frais ne fussent insuffisants. Les opinions se divisèrent sur les principales dispositions de ce projet. Beaucoup pensaient qu'il serait impolitique de le reje ter; un tel acte tendrait à déconsidérer le pouvoir exécutif dont il importait de relever l'influence et l'autorité; il en résulterait en outre un affaiblissement fâcheux de l'union qui régnait entre la majorité et le pouvoir exécutif. La France, disaient-ils, exige de ceux qui personnifient l'autorité un certain éclat; la bienfaisance est une des plus impérieuses nécessités du pouvoir, et c'est au chef de l'État que l'infortune s'adresse pour recevoir des secours; c'est encore à lui que les arts, les sciences et les lettres demandent souvent encouragement et protection. Un certain nombre de membres du parti légitimiste crurent devoir encore dans cette occasion se séparer du Gouvernement. Ils paraissaient craindre surtout que la nouvelle loi n'affectât le caractère d'une dotation permanente. Aussi, étaient-ils d'avis de satisfaire aux embarras actuels de la situation financière du Président, mais sans lui créer une sorte de liste civile. D'autres établissaient des rapprochements injurieux entre la présentation de la loi et la promulgation de la loi électorale: ils entrevoyaient à l'horizon la proposition d'une prorogation des pouvoirs présidentiels. Enfin, les membres de l'opposition radicale repoussaient le projet comme inopportun, inconstitutionnel et profondément impolitique. Ils pensaient que la dignité du pouvoir n'y gagnerait rien, et qu'il en résulterait un vif mécontentement dans le pays, qui demande avant tout des économies. A leurs yeux, ce n'était pas le Président, c'était le prince qu'on voulait doter. M. de Mornay fut nommé président de la commission chargée d'examiner le projet. Après deux récusations successives, M. Flandin fut nommé rapporteur. Voici l'état de la question : le président de la République touchait un traitement régulier de 600,000 fr. aux termes de la Constitution; il recevait en outre 600,000 fr. à titre de frais de représentation en vertu d'un décret rendu par * l'Assemblée constituante; en tout, 1 million 200,000 fr. A cette première allocation, le projet de loi soumis à l'Assemblée avait pour but d'ajouter un supplément de 2 millions 400,000 fr. Dans ce chiffre étaient compris 200,000, fr. pour frais de régie, supportés par le Trésor. Sur le crédit supplémentaire demandé par le Gouvernement, la commission proposa d'accorder une somme de 1 million 600,000 fr., à laquelle il était indispensable d'ajouter les 200,000 fr. pour frais de régie, c'est-à-dire que la commission allouait 600,000 fr. de moins que le crédit réclamé par le projet de loi. Le rapport de M. Flandin posa sèchement la question d'argent, laissant de côté la question de dignité politique. Une minorité respectable avait énergiquement combattu cette mesquine attitude ses raisons ne furent pas même reproduites dans le rapport. Aussi, M. Lefebvre-Duruflé présenta-t-il, au nom de cette minorité, un amendement auquel M. Fould donna son adhésion formelle. Cet amendement rétablissait le seul chiffre désormais acceptable et, de plus, réservait les droits de l'avenir. Dans la courte discussion qui précéda le vote, un orateur de l'extrême gauche, M. Mathieu (de la Drôme) donna une leçon de convenance et de dignité aux dissidents de la majorité: « Si vous voulez donner, dit-il, ne marchandez pas; si vous refusez, n'humiliez pas. » Après un appel fait en quelques mots simples et nobles à l'union de la majorité par M. le général Changarnier, l'amendement de la minorité fut voté par 554 voix contre 308, majorité 46 sur 662 votants (24 juin). Ce fut là le dernier acte politique de cette longue session législative. L'Assemblée sentait le besoin de se reposer de ses travaux et de se retremper à la source électorale. Sur la proposition de M. Sainte-Beuve, et conformément aux conclusions de M. de Montalembert, elle résolut de se proroger du 10 août au 11 novembre (17 juillet. Voyez à l'Appendice, p. 27). Aux termes de la Constitution, l'Assemblée dut nommer, pour la représenter pendant son absence, une commission de permanence. Parmi les vingt-cinq membres élus (Appendice, p. 29), on put remarquer un certain nombre de noms hautement hostiles à la politique personnelle du Président. Jetons un dernier coup d'œil sur cette session de quatorze mois. |