Page images
PDF
EPUB

Pacha au Commerce. Ce dernier avait été ministre de l'Instruction publique sous Mehemet-Ali.

Une tranquillité profonde régnait, du reste, en Egypte la situation générale s'améliorait légèrement; les valeurs émises par le Gouvernement étaient frappées d'un discrédit moins sensible; elles perdaient naguère jusqu'à 25 et 28 p. 010, et trouvaient maintenant des preneurs de 8 à 10. L'agriculture aussi était dans une position meilleure. Malheureusement, cette année, les eaux du Nil, quoique ayant atteint une assez grande hauteur, avaient baissé rapidement, et il était à craindre que beaucoup de terres n'eussent pas été suffisamment fertilisés.

CHAPITRE VI.

Agression anglaise, l'amiral Parker à Athènes, demandes d'indemnités, réclamations et exigences inouïes; mesures coercitives, blocus; protestations du ministre de France; demande d'explications à Londres, acceptation des bons offices de la France, retard calculé d'un courrier; continuation des violences, honorable attitude du peuple grec; note russe; M. le baron Gros à Athènes, négociations inutiles; convention conclue à Londres; redoublement de rigueurs à Athènes, menace de bombardement, acceptation de l'ultimatum; maintien de la convention d'Athènes, rappel de l'ambassadeur français; retour à la convention de Londres; résultats de la politique anglaise. ministérielle, projet de loi de régence, ouverture des Chambres.

-

Crise

GRÈCE.

Toute l'histoire de ce pays est dans l'agression inouïe tentée par une puissance de premier ordre, la Grande-Bretagne, contre une nation incapable de résister, qui n'a été fondée, qui ne vit que par l'appui de l'Europe.

Le 16 janvier, le vice-amiral anglais Parker, arrivé depuis la veille dans le port d'Athènes avec une flotte qui comptait quinze bâtiments, présenta, de concert avec le ministre d'Angleterre, M. Wyse, à M. Londos, ministre grec pour les relations extérieures, une série de réclamations pour lesquelles il exigeait une satisfaction complète dans les vingt-quatre heures. Si on n'y faisait pas droit, une fois le délai expiré « on commencerait à agir, et les conséquences de ces actes seraient très-graves pour la Grèce. » Il s'agissait de payer une première indemnité de 44,000 drachmes à un certain Finlay, ancien propriétaire exproprié du terrain sur lequel avait été construit le palais du roi.

Cette affaire avait déjà été réglée. M. Parker demandait encore 80,000 drachmes pour un certain don Pacifico, juif portugais, autrefois consul, naturalisé depuis sujet de la Grande-Bretagne, et dont la maison aurait été pillée pendant une émeute. Dans l'impossibilité de justifier par quelques vaisselles brisées le chiffre énorme de sa réclamation, le sieur Pacifico prétendait avoir perdu, dans cette affaire, des titres établissant ses droits à une indemnité réclamée par lui contre le Portugal. On le voit, c'étaient là de ces prétextes à la Pritchard, que la politique anglaise sait toujours trouver au besoin lorsqu'elle médite une agression ou une querelle diplomatique. Trois autres demandes étaient jointes à ces deux premières: c'était une demande de 2,000 drachmes, pour un bâtiment pillé par des pirates; une autre de 2,000 liv. sterl., pour un habitant de Zante, maltraité; une dernière de 500 liv. sterl., stipulée comme amende à payer par la Grèce, pour n'avoir pas satisfait à temps sur les réclamations. précédentes. Langage inouï dans l'histoire de la diplomatie, qui s'explique mais ne se justifie pas par le seul droit à invoquer en pareil cas, le droit du plus fort! Enfin, comme il faut toujours que derrière les exactions financières de la Grande-Bretagne se cache quelque convoitise territoriale, la note anglaise réclamait, comme faisant partie des îles Ioniennes, les îlots de Cervi et de Sapienza, situés sur la côte occidentale de la Morée.

La mise en demeure de M. Parker ne laissant pas même au Gouvernement grec la possibilité de prouver son bon droit, M. Londos ne put que repousser les prétentions de la GrandeBretagne, et s'en référer à l'arbitrage des deux principales puissances garantes, la France et la Russie. Le ministre anglais, M. Wyse, passa outre et, le 17 janvier, sans plus de délai, les violences annoncées commencèrent un vaisseau grec fut capturé et conduit à Salamine. A partir de ce jour, tous les navires de commerce qui s'exposèrent à sortir du Pirée furent également saisis. Que pouvait faire la Grèce? Subir l'abus de la force et en appeler à la justice des nations. C'est ce que fit M. Londos au nom du roi qui « fondant, dit-il, son espoir sur la fidélité de son peuple et sur les sympathies du monde, attendra, non sans douleur, mais sans faiblesse, la fin de l'envahissement anglais. » Si

faible que soit une nation, elle est encore respectable quand elle sait se résigner avec cette dignité.

Cependant le blocus du Pirée continuait avec plus de sévérité que jamais. M. Thouvenel, le ministre de France, s'épuisait en représentations inutiles, car la question de droit n'existait pas pour le représentant de la Grande-Bretagne. Mais des démarches plus sérieuses étaient faites à Londres. Le 1er février, l'ambassadeur de France, M. Drouyn de Lhuys, demandait des explications, se refusant à croire que les agents de la Grande-Bretagne n'eussent pas dépassé leurs instructions. Il lui fut répondu, dans un langage inusité dans la diplomatie, que cette affaire de Grèce ne regardait en rien la France, et qu'il n'y avait là qu'une saisie-gagerie qui n'intéressait en aucune façon l'existence de la Grèce. Trop facile peut-être pour des procédés semblables, M. Drouyn de Lhuys insista toutefois et obtint, le 12 février, l'acceptation des bons offices de la France. Les hésitations, les procédés dilatoires de lord Palmerston pendant cette négociation avaient pour but de donner à ses agents en Grèce, le temps de pousser à bout le gouvernement hellénique. C'est que, derrière les iniques prétentions du Foreign-Office, il y avait un but facile à distinguer : lord Palmerston voulait anéantir l'influence russe à Athènes et, peut-être même, provoquer de la part des Grecs un mouvement décisif qui substituerait au monarque protégé par les puissances garantes un nouvel état de choses dû à la seule influence de la Grande-Bretague. C'est pour cela que lord Palmerston, bien qu'il eût, dès le 5 février, promis d'écrire à l'amiral Parker pour faire cesser les mesures coërcitives, manqua à sa parole, selon son habitude connue. Un courrier du 8 février devait porter à M. Wyse des instructions pacifiques : ce courrier fut, à dessein, retardé, en sorte que, le 20 février, M. Wyse, mis en demeure par M. Thouvenel d'obéir aux injonctions de Londres, déclara n'en avoir pas connaissance. M. Wyse avoua cependant assez maladroitement, deux jours après avoir appris, par une lettre de lord Palmerston, l'acceptation des bons offices de la France. Or, cette lettre, qui avait pu, elle, arriver, ne contenait rien qui fût relatif à la suspension des mesures coërcitives. Le mensonge n'a jamais plus ouvertement, plus naïvement secondé la violence.

A la honte éternelle du Gouvernement anglais, le blocus du Pyrée continua jusqu'au 2 mars : la flotte anglaise, incessamment renforcée, redoublait tous les jours de dureté dans l'exécution de ses ordres tyranniques. Tout le commerce grec, le petit cabotage, la pêche même étaient interdits. A ces rigueurs sans nom s'ajoutait, pour ce malheureux pays, une inclémence peu ordinaire de la température. Et tout cela se passait dix-huit jours après l'acceptation de la médiation officieuse de la France, vingt-cinq jours après la promesse faite par lord Palmerston de faire cesser. la coërcition.

Un fait éminemment honorable pour la Grèce, ce fut l'attitude du pays tout entier pendant ce blocus inouï. Pas un fait de brigandage, pas un crime, pas un acte de rébellion ne se produisirent pendant près de deux mois. L'amour de l'indépendance, le patriotisme absorbèrent toutes les passions mauvaises, d'ordinaire trop nombreuses dans ce malheureux royaume. Il n'y eut pas jusqu'aux exilés politiques qui, loin de se laisser entraîner par de perfides suggestions, s'empressèrent de protester de leur patriotisme et d'offrir leur concours au roi. Plusieurs d'entre eux, parmi lesquels le célèbre Grivas, rentrèrent dans leur pays par suite d'une amnistie pleine et entière. Partout des manifestations enthousiastes à l'adresse du roi, partout des actes de dévouement. De simples particuliers mettaient leur fortune à la disposition du Gouvernement; des officiers renonçaient à leur solde; des souscriptions s'organisaient. A Syra même et à Patras, foyers principaux du parti mavrocordatiste, l'esprit public se manifestait hautement en faveur du roi. C'est ainsi que le peuple grec répondait aux perfides espérances qu'avait fait concevoir à la diplomatie britannique son exaltation habituelle. La fermeté du Gouvernement ne fut surpassée que par sa prudente réserve. Le général Mamouris, commandant de la Grèce continentale et le nomarque de la province de Phtiotide, M. Monastériotes, ex-préfet de police d'Athènes, furent tous deux révoqués de leurs fonctions pour avoir publié des proclamations tendant à augmenter la juste irritation de leurs administrés.

Pendant que la médiation officieuse de la France se prolongeait sans résultats par l'envoi d'un plénipotentiaire spécial à Athènes,

« PreviousContinue »