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duchesse d'Angoulême s'y arrêta pendant peu de minutes, c'était un logis assez présentable où l'on voyait encore à leur place quelques épaves de l'ancien mobilier, ainsi, le bureau, fort simple de l'abbé de Luzines; des gravures encadrées d'un choix quelque peu XVIIIe siècle, n'ont disparu que depuis une trentaine d'années. Ici se place le souvenir d'un fait minuscule demeuré présent par tradition à toutes les mémoires:

Au moins, je vais traiter une étrange matière,

dirai-je avec Molière; la duchesse demanda une serviette pour un usage de toilette intime, ce qui fit ouvrir de grands yeux à tout le monde. Cette serviette fut un événement et le 9 août 1816 pourrait être appelé « la journée de la serviette ».

Après la Vendée, au carrefour où la route tourne à angle droit pour gravir la pente au moyen du triple lacet que traça en 1774 l'ingénieur Guillemot par ordre des Elus, l'abbé de Luzines l'étant alors du clergé, un arc de triomphe a été élevé là où avait existé la porte dite de Chanceaux depuis longtemps détruite, mais dont le mur subsistait. Les habitants << en habit de fête » remplissent un vaste amphithéâtre, les jeunes filles en blanc et, selon l'ordonnance, «< ceinturées d'un ruban », se groupent avec le clergé devant la maison Gallois, alors hôtel pour voyageurs et appartenant aujourd'hui à M. Frochot, notaire, conseiller général et ancien maire de SaintSeine. A toutes les fenêtres pend un drapeau blanc économiquement fait d'une serviette, Saint-Seine est

en fête et dans l'attente; enfin la princesse quitte la Vendée et remonte en voiture escortée par la garde nationale; elle approche, elle passe, elle a passé, hélas, sans un coup d'oeil pour la foule, sans un sourire pour la jeunesse en robe blanche. Il en sera de même pour les habitants de Bligny-le-Sec et de Champagny, réunis sur la route au débouché des chemins d'accès, avec cette différence toutefois, que, si à la montée de Chanceaux, la calèche a marché au pas, sur le plateau, les postillons l'enlèvent au galop; donc c'est dans un tourbillon que la duchesse passe devant les députations, le clergé en habit de chœur, les jeunes filles en blanc et les bannières.

La déception et l'irritation furent si grandes, que le souvenir n'en est pas encore éteint à Saint-Seine et cette journée, ce passage princier qui devaient éveiller à jamais les sentiments royalistes dans le canton, produisirent des fruits tout contraires. La duchesse d'Angoulême, d'ailleurs, était coutumière du fait et un sincère, un inébranlable royaliste, Armand de Pontmartin a raconté, mais avec bonne humeur, semblable déconvenue dont il fut témoin étant enfant. Dans le Midi, sous l'ardent soleil, le mistral faisant rage sur la route poudreuse, aveuglante, toute une population attend le passage annoncé de la duchesse; curés en aubes, jeunes filles en blanc avec bannières et bouquets, notables, maires ceints de l'écharpe blanche, gardes nationaux sont assemblés, le discours est prêt, le maire du lieu l'a dans sa poche.Cependant un nuage de poussière paraît au loin,il grossit, puis c'est un bruit de galop sur le sol sonore; la nuée s'approche, tous les cœurs sont émus,

le maire essaie sa voix et déjà tient à la main le précieux papier où est écrite son improvisation ; hélas, le tourbillon passe sans s'arrêter, sans même ralentir, et à peine, à travers les flots de poussière blanche, a-t-il été possible d'entrevoir un profil hautain et un regard qui ne s'abaisse pas vers la terre.

H. CHABEUF.

Saint-Seine-l'Abbaye, octobre 1897.

RAPPORTS

SUR LE CONCOURS LITTÉRAIRE DE 1898

Présentés à l'Académie, dans sa séance

du 31 mai 1899, par MM. Picard, Dumay, baron d'Avout, Chabeuf et Huguenin (1).

Grâce aux libéralités des conseils municipaux qui se sont succédé depuis dix-sept ans à l'hôtel de ville de Dijon, l'Académie peut décerner chaque année des prix aux Bourguignons qui se sont distingués dans les lettres, les sciences et les arts, ou aux hommes de mérite qui, nés hors de la province, ont produit des œuvres intéressant son histoire.

Cette année, c'est aux belles-lettres que reviennent les médailles et, pour les attribuer, la compagnie n'a que l'embarras du choix.

Si les propositions de la commission sont acceptées, ce sont les travaux de MM. Cyprien Monget, l'abbé Thomas, Bigarne, l'abbé Chomton, Ressyié, Huot, et ceux de M Marie Rabut qui seront récompensés.

(1) La commission était composée de tous les membres de la section des lettres et du bureau.

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