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Cette alliance, si enviée par tout ce qui aspiroit aux honneurs, au crédit et à la fortune, avertissoit également la Cour de Rome et celle de France que les intérêts de tout ce qui portoit le nom de Noailles étoient devenus ceux de madame de Maintenon.

Mais de foibles considérations politiques ne pouvoient pas arrêter Fénélon, lorsque la conscience et l'honneur lui ordonnoient de parler ou de se défendre.

Lettre de

Fénélon à

<< On ne manquera pas de faire entendre à Rome » que l'unique ressource pour appaiser le Roi, l'abbé de » pour me rapprocher de la Cour, et pour lever le Chanterac, 9 déc. 1697. » scandale, c'est que je fasse certains pas pour (Manuscr.) » effacer les mauvaises impressions, et pour re» connoître humblement que j'ai quelque tort. » Mais je déclare que je ne pense ni de près, ni » de loin à retourner à la Cour; que je ne veux » que me détromper de bonne foi, si je suis dans » l'erreur, et poursuivre sans relâche avec pa» tience et humilité ma justification, si je ne me » trompe pas, et si on me calomnie touchant ma » foi. En un mot, je ne veux jamais retourner à » la Cour aux dépens de la vérité, et par un ac» commodement qui ne mette ni la saine doc» trine, ni ma réputation sur la foi en aucun » doute.... Pour mon retour à la Cour, je le mets

Idem, 3

avril 1698.

>>fort au-dessous d'une syllabe de mon, livre. (Manuscr.) » Dieu m'est témoin que je n'aime point la Cour ; » de plus, mon retour, avec une réputation dou» teuse sur le quiétisme, est honteux et nuisible » à mon ministère. Tout au contraire, si ma doc» trine est justifiée, je n'ai aucun besoin pour » mon ministère de retourner à la Cour, pendant » que mes parties y dominent. Ce qui est de cer»tain, c'est que si j'étois justifié, et que je retour>> nasse à Versailles, je vivrois avec tous les égards » les plus édifians pour ceux qui ont voulu me » perdre. Voilà ce que vous pouvez assurer for

»tement ».

Il étoit donc impossible que Fénélon ne répon

dît
pas à l'Instruction pastorale du cardinal de
Noailles, dans le temps où il se croyoit obligé de
réfuter avec la plus grande force tous les écrits
que Bossuet publioit contre lui. On auroit attri-
bué une si grande différence dans les procédés et
les ménagemens à des motifs de crainte ou d'es-
pérance, dont le seul soupçon auroit blessé sa
délicatesse. La feinte modération avec laquelle le
cardinal de Noailles avoit affecté de ne pas pro-
noncer son nom, en le rappelant sans cesse à l'at-
tention et à l'esprit des lecteurs, sous le voile
transparent d'une charitable réserve, n'étoit que
plus accablante pour un homme comme Fénélon,

qui ne vouloit laisser subsister aucun nuage sur sa doctrine et sur sa réputation.

Il divisa sa réponse en quatre lettres, qu'il évita de publier d'abord à Paris; nous nous bornerons à en citer quelques fragmens:

>>

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Monseigneur, j'ai gardé le silence autant que

je l'ai pu, et il n'y a rien que je ne fisse encore

XL.

I.re Lettre

de Fénélon

» pour n'être pas dans la nécessité affligeante où à M. l'arche» je me trouve de me plaindre à vous-même de vêque de Pa» votre dernière lettre pastorale. A Dieu ne plaise,

>>

Monseigneur, que je m'écarte jamais de la vé»nération que vous méritez, et de l'attachement » que j'ai pour vous depuis si long-temps.... Plus >> votre place vous donne d'autorité, plus vous » êtes responsable des impressions que vous don>> nez au public contre moi. Votre vertu, et la » modération qui paroît dans vos paroles, ne ser» vent qu'à les rendre plus dangereuses. Les ac» cusations véhémentes et outrées imposent moins >> au public. Mais quand vous ne montrez que dou>>ceur et patience, en m'imputant les erreurs les

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plus monstrueuses, le public est tenté de croire

» que j'ai enseigné toutes ces erreurs. Voilà le mal » que vous me faites, Monseigneur, contre votre >> intention.

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» Si les précautions que je proposois pour re» médier au mal qu'on attribuoit à mon livre, ne

ris.

ע

>> paroissoient pas assez grandes, il falloit à toute >> extrémité prendre un parti, qui auroit édifié l'Eglise. Vous n'aviez, Monseigneur, qu'à vous >> joindre aux deux autres prélats, qui ont pris » part à la déclaration, et qu'à consulter de con>> cert avec moi le Pape sur le livre en question. » Il n'étoit pas juste que je fusse cru dans ma >> propre cause; mais étoit-il juste aussi que ceux qui m'accusoient voulussent décider? Je devois »sans doute me défier de mes pensées ; peut-être >> aussi pouvoient-ils se défier des leurs? Il n'y » avoit donc qu'à prier le Pape, notre juge com» mun, de nous donner une décision. Si j'eusse » refusé de me soumettre à son jugement, j'eusse » été inexcusable devant Dieu et devant les » hommes; alors il auroit été temps de faire ce » qu'on a fait sans attendre la réponse du père >> commun. Vous ne deviez pas craindre, Mon» seigneur, que l'Eglise romaine favorisât le » quiétisme, qu'elle a foudroyé dès sa naissance, » ni qu'elle voulût, pour épargner mon livre, que je n'aurois pas voulu épargner moi-même en » ce cas, mettre en péril les fondemens de la religion. Ainsi l'Eglise auroit été édifiée de voir » des prélats parfaitement unis au milieu même » de la diversité de leurs sentimens, et la réponse >> du Pape auroit fini tout ce différend. Quoi qu'il

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» arrive dans la décision, ma soumission fera con>> noître les sentimens de mon cœur pour détester » toute erreur, et pour me soumettre à l'Eglise » sans restriction. La prévention où vous êtes,

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Monseigneur, ne diminue en rien mon respect » et mon attachement ».

II. Lettre de Fénélon à

Dans une seconde lettre, Fénélon écrivoit au cardinal de Noailles : « Je vous avoue, Monsei- l'archevêque » gneur, que plus j'examine votre instruction de Paris.

» pastorale, moins je vous reconnois dans ce

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style, où vous ne me ménagez en apparence, » que pour donner un tour plus modéré et plus persuasif aux plus terribles accusations. Vous » ne parlez presque jamais de moi; vous n'en parlez qu'en des termes honnêtes; mais vous » rapportez sans cesse quelques-unes de mes pa» roles pour les joindre dans un même corps de » doctrine avec ce qui paroît le plus propre à » y exciter l'indignation publique. Vous savez, >> Monseigneur, que rien n'est plus facile et moins >> concluant en matière de dogme, que de faire » ainsi un tissu de passages détachés de divers >> auteurs, pour en tirer toutes les conséquences » les plus odieuses..... Vous dites, Monseigneur, » que le christianisme n'est pas une école de mé» taphysiciens; tous les chrétiens, il est vrai, ne » peuvent pas être des métaphysiciens; mais les

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