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qu'ai-je besoin de répondre? Pouviez-vous ja» mais rien faire de plus fort pour me justifier, » que de tomber dans cet excès, et dans ces con>>tradictions palpables, en m'accusant? Vous » faites plus pour moi que je ne pourrois faire » moi-même. Mais quelle triste consolation quand >> on voit le scandale qui trouble la maison de » Dieu, et qui fait triompher tant d'hérétiques >> et de libertins! Quelque fin qu'un saint pon» tife puisse donner à cette affaire, je l'attends » avec impatience, ne voulant qu'obéir, ne crai> gnant que de me tromper, et ne cherchant que » la paix. J'espère qu'on verra dans mon silence, » dans ma soumission sans réserve, dans mon hor>> reur constante pour l'illusion, dans mon éloi» gnement de tout livre et de toute personne sus» pecte, que le mal que vous avez voulu faire >> craindre est aussi chimérique que le scandale a » été réel, et que les remèdes violens contre des » maux imaginaires se tournent en poison ».

Fénélon, en envoyant cet écrit à l'abbé de Chanterac, lui mandoit : « J'espère que vous se>> rez content de ma réponse. Si on la trouve d'un >>ton un peu plus fort que mes autres écrits, c'est » que je ne puis m'empêcher de montrer de l'hor» reur pour tant d'accusations horribles, et que >> certains lecteurs pensoient que ma modération FENELON. Tom. II. 14

Lettre du

7 nov. 1698. (Manuscr.)

Lettre de

suet, du 25 nov. 1698.

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>> venoit de la crainte de mon adversaire. Du
» reste, on n'a qu'à comparer mes expressions
» aux siennes, on me trouvera bien patient par
>> comparaison avec son âcreté. Vous pouvez bien
juger, par les dates, que je n'ai mis que huit
jours à faire ma réponse; c'est n'avoir pas
>>> perdu un moment, et n'avoir pas été embar-
» rassé pour trouver mes réponses ».
-Les adversaires de l'archevêque de Cambrai
furent frappés d'étonnement en voyant sa Ré-
ponse succéder si rapidement aux Remarques de
l'évêque de Meaux; et le cardinal de Bouillon,
admirateur sincère de Fénélon, disoit publique-
ment à Rome, «< (1) que c'étoit le plus grand ef-
» fort de l'esprit humain ».

Il falloit que cetté réponse eût fait une terrible impression sur l'abbé Bossuet. On peut à peine transcrire les expressions qu'il ose se permettre en parlant de Fénélon: « C'est une bête féroce l'abbé Bos-» (Fénélon, une béte féroce!) qu'il faut pour» suivre pour l'honneur de l'épiscopat et de la » vérité, jusqu'à ce qu'on l'ait terrassée et mise » hors d'état de ne plus faire aucun mal. S. Au»gustin n'a-t-il pas poursuivi Julien jusqu'à la » mort? Il faut délivrer l'Eglise du plus grand » ennemi qu'elle ait jamais eu. Je crois qu'en up hibious p

"

(1) Manuscrits.

...

>> conscience, les évêques, ni le Roi, ne peuvent » laisser M. de Cambrai en repos ».

Bossuet dut sans doute regretter en ce moment d'avoir abandonné les points de doctrine où il avoit un avantage réel, pour transporter la discussion sur des points de fait. Au succès extraordinaire qu'avoit d'abord obtenu sa Relation sur le Quiétisme, avoit succédé un intérêt plus touchant en faveur de Fénélon; les personnes pieuses, qui s'affligeoient avec raison du scandale de ces violens débats entre des évêques, ne pouvoient se dispenser de convenir que l'archevêque de Cambrai s'étoit vu dans la nécessité de repousser des accusations odieuses pour dérober la sainteté de son ministère à l'opprobre dont on vouloit couvrir sa personne,

LXV.

Jugement

seau.

Si notre qualité d'historien de Fénélon rend notre témoignage suspect, nous rapporterons celui du chanced'un homme dont le seul nom est fait pour ins- lier d'Aguespirer une entière confiance. L'opinion du chancelier d'Aguesseau doit avoir d'autant plus de poids, que ses principes, ses relations, ses préventions même, devoient le rendre plus favorable à Bossuet qu'à Fénélon (1). « Le scandale étoit » moins grand tant que ces deux illustres adver

(1) Mémoires du chancelier d'Aguesseau, sur les affaires de l'Eglise de France, tom. XIII, p. 177.

»saires ne combattirent que sur le fond de la >> doctrine, et l'on pouvoit le regarder du moins » comme un mal nécessaire; mais la scène devint » plus triste pour les gens de bien, lorsqu'ils s'at

taquèrent mutuellement sur les faits, et qu'ils » publièrent des relations contraires, où, comme » il étoit impossible qu'ils dissent tous deux vrai, » on vit avec douleur, mais avec certitude, qu'il >> falloit que l'un des deux dít faux ; et sans exa» miner ici de quel côté étoit la vérité, il est » certain au moins que l'archevêque de Cambrai » sut se donner, dans l'esprit du public, l'avan»tage de la vraisemblance».

Peut-être oserons-nous ajouter, au témoignage du chancelier d'Aguesseau, celui de Bossuet luimême; sans doute Bossuet ne pouvoit pas, ou ne vouloit pas convenir qu'il avoit accusé trop légèrement l'archevêque de Cambrai; mais au moins il fut obligé d'avouer que son adversaire s'étoit parfaitement défendu. Il disoit dans un écrit assez court, qu'il publia peu de mois après (1), « que » ses partisans (ceux de Fénelon) cessent de van» ter son bel esprit et son éloquence; on lui ac» corde sans peine qu'il a fait une vigoureuse et » opinidtre défense. Qui lui conteste l'esprit ? il » en a jusqu'à faire peur, et son malheur est de (1) Avertissement sur les signatures des docteurs.

» s'être chargé d'une cause où il en faut tant ». Il n'est pas moins certain que depuis la Réponse de Fénélon aux Remarques, Bossuet abandonna entièrement la question des faits; il se borna à publier encore quelques écrits dogmatiques pour accélérer la décision du saint Siége. On cessa même, dans le cours de cette dispute, de faire mention de madame Guyon, et de toutes les prétendues découvertes qu'on avoit faites de son commerce avec le père Lacombe. L'état de démence de ce religieux fut entièrement constaté, et on prit le parti de laisser madame Guyon à la Bastille, sans avoir pu se procurer le plus léger indice des désordres dont on l'avoit accusée.

Nous nous dispenserons de parler désormais de quelques écrits qui parurent vers la fin de cette controverse; ils ne pourroient plus offrir aucun intérêt dans une cause où la curiosité et l'attention publique commençoient à s'épuiser par l'inépuisable fécondité des deux principaux adver

saires.

Nous nous bornerons à dire que l'évêque de Chartres avoit publié, à la fin de juin 1698, une Instruction pastorale, Son objet étoit de prouver que l'archevêque de Cambrai avoit varié dans ses notions sur l'Espérance, qu'il sembloit exclure de la Charité. On doit bien sentir que cette dis

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