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cussion, qui se réduisoit à une question de mots par la manière dont Fénélon s'expliqua, seroit aujourd'hui entièrement indifférente pour tous les lecteurs.

Fénélon ne s'étoit point pressé de répondre à l'évêque de Chartres. On a vu qu'il avoit eu à suivre des démêlés d'une toute autre importance avec Bossuet et le Cardinal de Noailles, au sujet de tout cet amas de faits et d'accusations personnels, sous lesquels on avoit prétendu l'accabler. Il peint, avec son aisance et sa liberté d'esprit ordinaires, la singularité d'une position où il étoit obligé de combattre seul contre trois de ses conLettre de frères. « Il me reste à répondre à M. de Chartres, l'abbé de » et j'espère le faire clairement; mais on ne peut Chanterac, >> pas faire tout à la fois. Ils sont trois; ils ont des 6 sept.1698. (Manuscr.) » secours et des facilités à l'infini. Je suis seul, » sans secours, avec une santé très-foible et épui»sée encore plus par la peine d'esprit que par le >> travail, enfin embarrassé même pour l'impres

Fénélon à

>> sion ».

Ce n'étoit en effet qu'avec des difficultés, des dépenses et des précautions infinies qu'il pouvoit trouver des imprimeurs. Il éprouva même un autre genre de contradictions à l'occasion de sa Idem, 18 Réponse à l'évêque dè Chartres. Il en avoit enoctob. 1698. voyé un ballot de sept cents exemplaires à Paris;

M. d'Argenson, lieutenant de police, eut des ordres pour les faire saisir et arrêterimon› zib mé

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Au reste, Fénélon mit peu d'intérêt à donner une grande publicité à cette Réponse. Il ne l'avoit faite, que parce qu'il vouloit répondre à tout; il s'y étoit renfermé dans la discussion théologique; il avoit évité d'y rien mêler qui pût offenser un prélat qu'il estimoit sincèrement, et qui se montroit alors disposé à se rapprocher de lui. Bossuet voulut exciter l'évêque de Chartres à répliquer à la Réponse de l'archevêque de Cambrai; mais ce prélat, avoit pris, comme le cardinal de Noailles, la ferme résolution de ne plus se rengager dans ce combat, d'écrits. Alors Bossuet, dont la plume étoit infatigable, se détermina à y répondre lui-même sous le nom d'un théologien, ce qui mit Fénélon dans la nécessité de faire paroître encore deux lettres en réponse à celle du théologien.

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LXVI.

Pendant que écrits se multiplioient en les France, et s'y succédoient avec une rapidité dont Romé étoit peut-être aussi fatiguée qu'étonnée, les examinateurs étoient enfin parvenus à terminer leur examen le 25 septembre 1698, après nateurs du li soixante-quatre congrégations, à un grand nom- vre de Fénébre desquelles le pape avoit assisté en personne. sont partagés Mais ils se trouvèrent, à la fin de cet examen, d'opinion.

Les exami

lon à Rome

aussi partagés d'opinion qu'au commencement. Sur dix examinateurs, cinq déclarèrent que le livre de l'Explication des Maximes des Saints ne méritoit aucune censure; et les cinq autres prononcèrent qu'il renfermoit un grand nombre de propositions répréhensibles.

Le partage des théologiens de Rome, après un examen de près de quinze mois, devoit naturellement opérer une espèce de fin de non recevoir contre les adversaires de l'archevêque de Cambrai; il est vraisemblable qu'on n'auroit point dérogé, en cette occasion, aux usages et règles adoptés par le tribunal du Saint-Office, si des considérations impérieuses n'eussent donné une autre direction à la marche accoutumée de la Cour de Rome (1).

(1) M. le cardinal Maury, dans sa Notice sur Fénélon, rapporte que madame de Sévigné disoit, à l'occasion des démêlés de Bossuet et de Fénélon : « M. de Cambrai défend bien la cause >> de Dieu; mais M. de Meaux défend mieux celle de la religion; >> il doit gagner à Rome ». Il n'est pas facile de deviner le mot de cette espèce d'énigme. Madame de Sévigné s'exprimoit ordinairement avec plus de naturel et de simplicité. Mais d'ailleurs ce ne peut être que par distraction que M. le cardinal Maury attribue ce mot à madame de Sévigné; madame de Sévigné étoit morte au mois d'avril 1696, avant les démêlés de Bossuet et de Fénélon au sujet du livre des Maximes des Saints, qui ne parut qu'à la fin de janvier 1697, et par conséquent long-temps avant que l'affaire eût été portée à Rome. Le mot que M. le cardinal Maury attribue à madame de Sévigné est de madame

Mais les vives instances de Louis XIV, à qui Bossuet avoit représenté la doctrine de l'archevêque de Cambrai comme subversive de la religion, et capable de troubler la paix du royaume, forcèrent Innocent XII à porter l'examen définitif du livre des Maximes à la congrégation des cardinaux du Saint-Office..

Lorsque Fénelon fut instruit que les congrégations des examinateurs étoient terminées, et que le partage étoit déclaré, il crut pouvoir hasarder avec honneur une démarche de paix et de conciliation auprès de madame de Maintenon. Il mit à l'écart tous les sujets de plainte qu'elle lui avoit donnés. Il voulut lui montrer, par une conduite pleine de candeur et de franchise que son cœur, toujours fidèle au souvenir de ses anciennes bontés, ne conservoit aucune amertume de ses derniers procédés. Il lui faisoit observer dans cette lettre (1), « que ce livre, » qu'on lui avoit représenté comme incapable » de toute explication catholique, et pour les

de Grignan, sa fille, et rappelle en effet pour le fond et pour l'expression la prétention ou le goût qu'on lui supposoit pour les questions métaphysiques. Ce mot se trouve dans un Mémoire qu'elle a écrit sur le Quiétisme, et que Gronvelle a inséré dans son édition des Lettres de madame de Sévigné.

(1) Du mois de novembre 1698. ( Manuscrits. )

LXVII. Fénélon écrit à madame de Maintenon.

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impiétés duquel ses confrères avoient cru le » devoir pousser à toute extrémité, avoit paru >> aux cinq principaux théologiens, choisis par » le Pape dans le sein de l'Eglise romaine, non>> seulement susceptible de meilleures explica» tions, mais encore si pur et si correct, qu'il » n'avoit selon eux aucun besoin d'être expliqué. » Il est vrai, Madame, que cinq autres sont contre >> mon livre; mais la voix publique décide que, malgré leur mérite, ils n'ont pas le poids des » premiers....... La règle inviolable du Saint» Office, qui est le plus rigoureux de tous les >> tribunaux en matière de foi, est qu'un livre

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» demeure justifié, à moins que la pluralité des » voix n'aille à le condamner. Cette règle est » décisive en ma faveur ; ce préjugé, me justifie » par avance, Madame, aux yeux de toute la » chretienté........ Quelque événement que Dieu >> permette, on ne verra en moi que dócilité pour »le Pape, mon supérieur; que zèle, soumission >> et reconnoissance sans bornés pour le Roi, >> mon maître; que respect, attachement et re» connoissance pour vous, Madame; qu'amour » de la paix de l'Eglise; qu'horreur pour toute » nouveauté, et qu'oubli de la rigueur avec laquelle mes confrères m'ont attaqué. Quoique >> je les regarde tous selon Dieu, et dans l'esprit

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