Page images
PDF
EPUB

» d'erreurs, par tant de congrégations de cardi»naux et par le Pape lui-même, les partisans de » ce livre proposoient un nouveau projet qui ten>> doit à rendre inutiles tant de délibérations et » à renouveler toutes les disputes.

» Le bruit répandu dans Rome, de ce projet, » le fait consister dans un certain nombre de ca»nons qu'on donneroit à examiner aux cardi»naux, dans lesquels on établiroit la saine doc» trine sur la spiritualité, laissant le livre en son » entier.

>> Cette discussion, plus difficile que toutes » celles qui ont précédé sur la censure des propo»sitions, ou se feroit précipitamment et sans » l'exactitude requise dans un ouvrage si délicat, » on rejeteroit cette affaire dans de nouvelles lon» gueurs dont on ne sortiroit jamais; et cepen» dant le mal, qui demande les remèdes les plus » efficaces et les plus prompts, iroit toujours en » augmentant comme il a fait, jusqu'à l'infini, » On verroit naître tous les jours de nouvelles » difficultés et de nouveaux incidens, par les sub» tiles interprétations d'un esprit fécond en inven» tions, comme il paroît par tous ses écrits.

A

» Ainsi, loin de terminer par un seul coup, en » prononçant sur le livre et sur sa doctrine, » comme il a été tant de fois promis, les disputes

» qui mettent le feu dans son royaume, Sa Majesté >> les verroit croître sous ses yeux, sans que le Pape, » à qui il a eu recours avec une révérence et une >> confiance filiale, daignât y apporter de re>> mède.

» Ce qui étonne le plus, c'est qu'on ait ce mé»nagement pour un livre reconnu mauvais et pour » un auteur qui voudroit se faire craindre, en>> core qu'il ait contre lui tous les évêques du » royaume et la Sorbonne, dont deux cent cin» quante docteurs viennent encore d'expliquer >> leurs sentimens.

» Sa Majesté ne peut croire que, sous un pon»tificat comme celui-ci, on tombe dans un si » fâcheux affoiblissement; et l'on voit bien que » Sa Majesté ne pourra recevoir ni autoriser » dans son royaume que ce qu'elle a demandé » et ce qu'on lui a promis : savoir, un jugement » net et précis sur un livre qui met son royaume » en combustion, et sur une doctrine qui le di» vise; toute autre décision étant inutile pour » finir une affaire de cette importance et qui » tient depuis si long-temps toute la chrétienté » en attente. Il est visible que ceux qui proposent » ce nouveau projet, à la fin d'une affaire tant >> examinée, ne songent pas à l'honneur du saint Siége, dont ils ne craignent point de compro

[ocr errors]

>> mettre l'autorité dans un abîme de difficultés, >> mais seulement à sauver un livre déjà reconnu >> digne de censure.

>>

>> Il seroit douloureux à Sa Majesté de voir >> naître parmi ses sujets un nouveau schisme, » dans le temps qu'elle s'applique de toutes ses >> forces à éteindre celui de Calvin; et si elle voit prolonger, par des ménagemens qu'on ne com» prend pas, une affaire qui paroissoit étre à sa fin, elle saura ce qu'elle aura à faire et pren» dra des résolutions convenables; espérant tou» jours néanmoins que Sa Sainteté ne voudra » pas la réduire à de si fácheuses extrémités ».

>>

Si nos lecteurs se sont familiarisés avec le langage et le style de Bossuet dans cette controverse, ils auront pu le retrouver dans le mémoire que nous venons de transcrire et auquel Louis XIV ne fit que prêter son nom (1)..

Ce mémoire n'eut au reste aucune influence sur la décision du Pape; elle étoit déjà prononçée lorsqu'il parvint à Rome.

L'assesseur du Saint-Office étant venu rendre compte au Pape de la délibération des cardinaux dans leur séance du 8 mars, Innocent XII suet, du 10 parut éprouver quelque peine de voir rejeter,

Lettre de

l'abbé Bos

mars 1699.

(1) Bossuet en convient lui-même dans sa Lettre à son neveu, du 16 mars 1699.

aussi unanimement, un projet qu'il croyoit également propre à assurer la saine doctrine et à mettre à couvert la réputation d'un archevêque, recommandable (1). Mais ce pontife étoit trop judicieux pour résister au sentiment unanime des cardinaux qu'il avoit appelés lui-même au partage de sa sollicitude pastorale. Il ordonna en conséquence à l'assesseur de porter, dès le lendemain 9 mars, à tous les cardinaux, le projet de décret, et d'indiquer une congrégation extraordinaire pour le mercredi 11 mars; on y fit une nouvelle et dernière lecture du bref de condamnation du livre de l'Explication des Maximes des Saints. Le Pape avoit fait en même temps distribuer des aumônes et ordonner des prières publiques dans toutes les églises de Rome, pour implorer les lumières du Saint-Esprit, et pour annoncer toute la solennité d'un jugement important dans l'ordre de la religion.

[ocr errors]

InnocentXII

condamne le

nélon.

Enfin, le jeudi 12 mars 1699, le Pape, après LXXV. avoir dit la messe de grand matin, se rendit dans la chapelle de son palais de Monte-Cavallo, où livre de Fétous les cardinaux de la congrégation du SaintOffice étoient assemblés; on y lut, selon les formes ordinaires, le décret convenu et arrêté, et le Pape le signa. Il fut imprimé le jour même, publié

(1) Voyez les Pièces justificatives du livre troisième, n.o IX. ›

et affiché, selon l'usage, dans les principales places de Rome. Le cardinal de Bouillon et l'abbé Bossuet dépêchèrent des courriers extraordinaires pour en porter la nouvelle au Roi et aux trois prélats.

Ce décret étoit rendu sous la simple forme de bref (1). Il exposoit, dans un précis très-simple et très-abrégé, ce qui s'étoit passé à l'occasion des bruits répandus en France sur la mauvaise doctrine de ce livre, de l'examen qui en avoit été fait d'après l'ordre de Sa Sainteté, par plusieurs cardinaux et théologiens. Le Pape déclaroit ensuite: « Qu'après avoir pris les avis de ces » mêmes cardinaux et docteurs en théologie, il » condamnoit et réprouvoit, de son propre mou» vement, le livre susdit, en quelque langue » et version que ce fût, d'autant que, par la » lecture et l'usage de ce livre, les fidèles pour»roient étre (2) insensiblement conduits dans » des erreurs déjà condamnées par l'Eglise ca>>tholique; et aussi comme contenant des pro» positions qui, dans le sens des paroles, ainsi » qu'il se présente d'abord, et selon la suite et

(1) Voyez les Pièces justificatives du livre troisième, n.o X. (2) Dans la traduction de ce bref, imprimée tome xv de l'édition des OEuvres de Bossuet de dom Déforis, on a mis peuvent étre, au lieu de pourroient être, ce qui forme un sens différent dans le style des censures.

« PreviousContinue »