Page images
PDF
EPUB

>> Quoique je sente ce qui vient d'être fait, je dois » néanmoins vous dire que je me sens plus en paix » que je n'y étois il y a quinze jours. Toute ma >> conduite est décidée. Mon supérieur, en déci

dant, a déchargé ma conscience; il ne me reste >> plus qu'à me soumettre, à me taire, et à porter » ma croix dans le silence. Oserois - je vous dire » que c'est un état qui porte avec lui la consola>>tion pour un homme droit, qui ne veut regar» der que Dieu, et qui ne tient point au monde. » Mon mandement est devenu, dieu merci, mon » unique affaire, et il est déjà fait. J'ai tâché de » choisir les termes les plus courts, les plus sim

ples et les plus absolus..... Il seroit déjà publié, » si je n'attendois les ordres du Roi que j'ai de» mandés à M. de Barbezieux, pour ne point bles» sér les usages du royaume par rapport à la » réception des bulles et autres actes juridiques » de Rome. Voilà, Monseigneur, l'unique raison qui retarde la publication de mon mandement. » Il coûte sans doute de s'humilier; mais la >> moindre résistance coûteroit cent fois davan>> tage à mon cœur; et j'avoue que je ne puis >> comprendre qu'il y ait à hésiter en une telle » occasion. On souffre; mais on ne délibère pas » un moment ».

[ocr errors]

L'évêque d'Arras, touché de tant de vertus et

LXXIX.

blie son man

de candeur, s'empressa de répandre des copies de cette lettre dans le public; elle y excita la plus vive sensation, et cette impression devint un sentiment universel d'admiration, lorsqu'on lut le mandement de Fénélon. Ille publia le 9 avril 1699, dès le lendemain du jour où il en avoit reçu la permission du Roi par le ministère de M. de Barbezieux.

« Nous nous devons à vous sans réserve, mes Fénélon pu- » très-chers Frères, puisque nous ne sommes plus » à nous, mais au troupeau qui nous est confié : » aussi nous nous regardons comme vos serviteurs » pour l'amour de Jésus-Christ. C'est dans cet es

dement de soumission au jugement qui le condamne.

[ocr errors]

prit que nous nous sentons obligés d'ouvrir ici » notre cœur, et de continuer à vous faire part » de tout ce qui nous touche sur le livre inti»tulé: Explication des Maximes des Saints. >> Enfin notre très-saint-père le Pape a condamné >> ce livre avec les vingt-trois propositions qui en » ont été extraites par un bref daté du 12 mars >>1699, qui est maintenant répandu partout, et » que vous avez déjà vu.

» Nous adhérons à ce bref, mes chers Frères, >> tant pour le texte du livre que pour les vingt>> trois propositions, simplement, absolument et » sans ombre de restriction. Ainsi nous condam»nons tant le livre que les vingt-trois proposi

» tions, précisément dans la même forme et » avec les mêmes qualifications, simplement, » absolument, et sans aucune restriction; de plus nous défendons sous la même peine à tous >> les fidèles de ce diocèse de lire et de garder ce >> livre.

» Nous nous consolerons, mes très-chers Frères, » de ce qui nous humilię, pourvu que le minis» tère de la parole, que nous avons reçu du Sei»gneur pour votre sanctification, n'en soit pas » affoibli, et que nonobstant l'humiliation du » pasteur, le troupeau croisse en grâce devant » Dieu.

» C'est donc de tout notre cœur que nous vous >> exhortons à une soumission sincère et à une do »cilité sans réserve, de peur qu'on n'altère in» sensiblement la simplicité de l'obéissance due » au saint Siége, dont nous voulons, moyennant » la grâce de Dieu, vous donner l'exemple jus» qu'au dernier soupir de notre vie.

"

» A Dieu ne plaise qu'il soit jamais parlé de » nous, si ce n'est pour se souvenir qu'un pas»teur a cru devoir être plus docile que la der»nière brebis du troupeau, et qu'il n'a mis au»cune borne à sa soumission.

» Je souhaite, mes très-chers Frères, que la >> grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l'amour

LXXX.

Lettre de

Pape.

» de Dieu et la communication du Saint-Esprit,
>> demeurent avec vous tous. Amen ».

FRANÇOIS, Archevêque, duc de
Cambrai.

Fénélon, avant d'adresser officiellement son mandement au Pape, lui avoit écrit en ces termes : « Très-saint Père,

[ocr errors]
[ocr errors]

Ayant appris le jugement de Votre Sainteté Fénélon au » sur mon livre, mes paroles sont pleines de dou» leur, mais ma soumission et ma docilité sont » au-dessus de ma douleur. Je ne parle plus de » mon innocence, des outrages que j'ai reçus, >> et de tant d'explications données pour justifier » ma doctrine. Je ne parle plus de tout le passé. » J'ai déjà préparé un mandement que je me pro» pose de publier dans tout mon diocèse, par le» quel, adhérant humblement à la censure apos» tolique, je condamnerai mon livre avec les » vingt-trois propositions qui en ont été extraites, » simplement, absolument et sans aucune ombre » de restriction, et défendrai sous les peines por»tées par le bref, à tous les fidèles de ce diocèse, » de lire ou de garder ce livre.

» Je suis résolu, très-saint Père, de publier » ce mandement dès que j'en aurai reçu la per» mission du Roi, et je ne différerai pas un mo

[ocr errors]

»ment à répandre parmi toutes les Eglises, et » même parmi les hérétiques, ce témoignage de » ma soumission intime et entière; car jamais je » n'aurai honte d'être corrigé par le successeur » de Pierre, qui lui-même est chargé de confir» mer ses frères. Que le livre soit donc à jamais » réprouvé pour conserver la forme du langage >> orthodoxe. C'est ce que j'exécuterai dans peu » de jours. Je n'emploierai pas l'ombre de la plus légère distinction, qui puisse tendre à éluder » le décret ou à m'excuser le moins du monde. » Je crains, comme je le dois, de causer quelque » sorte d'embarras à Votre Sainteté, qui est assez » occupée par la sollicitude de toutes les Eglises ; >> mais lorsqu'elle aura reçu avec bonté le man» dement que je dois bientôt mettre à ses pieds, » pour étre un gage de ma soumission absolue, » je supporterai tous mes chagrins dans le silence; » je serai toute ma vie avec un souverain respect » et un dévouement parfait de cœur et d'esprit ».

On aura sans doute peine à croire que des expressions aussi précises, des témoignages aussi éclatans d'une soumission intime, entière et absolue, aient pu laisser à la malveillance l'apparence d'un prétexte pour calomnier les intentions de Fénélon. On éprouve involontairement une espèce d'indignation, en voyant l'abbé Phé

« PreviousContinue »