Page images
PDF
EPUB

Pape avoit déclaré hautement en plusieurs occa

sions, depuis le jugement du 12 mars 1699 « que Lettre de

»> ni lui, ni les cardinaux n'avoient entendu con

l'abbé de Chanterac

» damner les explications que l'archevêque de (Manuscr.) » Cambrai avoit données de son livre ».

[ocr errors]

Tandis que l'abbé Bossuet employoit des manœuvres et des intrigues pour empêcher le Pape de donner quelques témoignages de satisfaction à l'archevêque de Cambrai, Fénélon écrivoit à l'abbé de Chanterac (1): « Ne demandez pour » moi, au Pape, ni louanges, ni bons offices. Si » ma patience, mes instructions et mon exemple (bandsl » ne peuvent pas me soutenir au milieu de mon » troupeau, de vaines louanges ne me soutien» droient pas. Je ne souhaite point un bref pour » ma réputation, car elle ne me paroît pas noir»cie parmi les gens neutres. Je vois même que » tout ce diocèse demeure édifié de ma conduite, » et bien disposé pour moi. De plus, je crois qu'il >> faut se laisser dans les mains de la Providence quand il lui plaît de nous humilier. Je ne veux » donc point que vous fassiez la moindre dé» marche pour un bref avec quelque louange » vague sur ma soumission; mais si on se porte » de soi-même à l'écrire, j'en serai bien aise, » parce que ce sera une acceptation authentique (1) 11 ayril 1699. (Manuscrits.)

[ocr errors]

» de ma soumission, après laquelle je pourrai respirer en repos ».

Le seul intérêt qui occupoit alors Fénélon, étoit l'impatience d'être réuni à l'ami vertueux qui avoit tant souffert pour lui. Toutes ses lettres à l'abbé de Chanterac, depuis le jugement du 12 mars, respirent cette touchante affection et cette tendre sollicitude que la reconnoissance exaltoit Lettre de Fé encore avec une sensibilité plus pénétrante. «< Il bé de Chan- » me tarde beaucoup que vous soyez parti de terac, 27 >> Rome; c'est un séjour trop amer pour vous mars 1699. (Manuscr.) » dans les circonstances présentes. Il n'y a qu'une

nélon à l'ab

>> seule chose qui me consoleroit de voir votre re-
>> tour retardé; ce seroit, si les eaux de Baïes,
» dans le royaume de Naples, pouvoient guérir
» vos jambes; cette raison seroit plus forte que
» toute autre. Pensez-y bien, mon cher abbé, je
» vous en conjure, et ne ménagez rien là-dessus.
>> Votre retour fera ma plus sensible consolation.
>> Je ne vous dois pas moins que si les plus grands
» succès avoient suivi votre travail. J'ai compris
>> tout ce que vous avez fait et souffert; je vois
» bien
que vous ne nous en avez mandé que la
>> moindre partie. Ma reconnoissance, ma con-
» fiance, ma vénération et ma tendresse pour
» vous, sont sans bornes. Venez au plutôt, afin
>> que nous nous consolions dans le sein du véri-

>> table consolateur; nous vivrons et nous mour» rons n'étant qu'un cœur et une ame. Ma santé >>se soutient; ma paix, au milieu de tant d'amer»tumes, se conserve aussi. Je voudrois bien que >> ma consolation servît à vous consoler. Conser» vez-vous, mon cher abbé; si vous veniez à me » manquer, ma croix seroit trop pesante pour ma » foiblesse. Dieu sait combien je crois lui devoir » de ce qu'il m'a donné un tel bien. Vous avez fait » pour moi cent fois plus que je n'aurois osé at» tendre. Dieu a permis un mauvais succès; mais >> il saura bien en tirer sa gloire; et que voulons»> nous autre chose? Nous tâcherons de servir >> Dieu ensemble, et d'édifier ce diocèse. Venez, » venez le plutôt que vous pourrez ».

Cependant, le cardinal Albani avoit représenté au Pape que c'étoit trop assujettir le saint Siége aux sentimens des Cours étrangères, que de leur montrer cette excessive timidité; qu'il étoit indécent qu'un Pape n'osât pas écrire à un archevêque, sans convenir avec les princes de ce qu'il devoit lui écrire. Le Pape parut honteux luimême de sa trop grande circonspection, et se détermina tout-à-coup à ordonner qu'on remît le bref à l'abbé de Chanterac. Mais ce bref étoit si mutilé, si différent de celui qui avoit d'abord été proposé et admis, que les ministres du Pape con

Idem, 30 avril 1699.

(Manuscr.)

Lettre de Chanterac à Fénélon, 14

l'abbé de

mai 1699.
(Manuscr.)

LXXXVII. Bref du Pape à Fénélon.

venoient eux-mêmes que l'archevêque de Cambrai étoit dispensé d'y attacher une grande valeur. Voici ce bref:

« Vénérable frère, salut. Nous avons reçu avec » une grande joie les lettres du mois d'avril der» nier, que votre fraternité nous a adressées avec » un exemplaire du mandement, par lequel, adhé»rant humblement à notre condamnation apos

[ocr errors]

tolique contre le livre par vous publié, et contre » les vingt-trois propositions qui en ont été ex» traites, vous avez adressé notre décret avec une >> prompte obéissance et un esprit soumis, aux » peuples confiés à vos soins. Vous avez parfaite»ment confirmé, par cette nouvelle preuve de >> votre affection sincère et de votre obéissance, » que vous devez à nous et à notre siége, l'opinion » que nous avions, il y a long-temps, de votre fra>> ternité. Nous ne nous promettions rien moins » de vous, qui nous aviez fait connoître claire» ment votre bonne volonté, dès le temps que, de» mandant avec humilité d'être corrigé par cette >> Eglise, mère et maîtresse, vous avez ouvert les >> oreilles pour recevoir la parole de vérité, et » pour apprendre par notre jugement ce que » vous et les autres deviez penser de votre livre >> et de la doctrine qu'il contient. Après avoir >> donné ainsi dans le Seigneur les éloges dus au

» zèle avec lequel vous vous êtes soumis très» volontairement à notre décision pontificale, » nous prions Dieu, de la plénitude de notre » cœur, de vous donner ses grâces, et de vous » protéger dans les travaux que vous entrepren>> drez pour la conduite de votre troupeau, et » d'accomplir vos voeux. Nous vous accordons, » vénérable frère, notre bénédiction apostolique » avec beaucoup d'affection. Le 12 mai, la hui>> tième année de notre pontificat ».

Quelque insignifiant que fût, ce bref, il ne laissa pas, ajoutoit l'abbé de Chanterac (1), de causer un dépit extrême aux ennemis de M. de Cambrai. Il suffisoit que le Pape lui eût écrit, ne l'eût pas traité d'hérétique, et qu'il fût content de sa soumission, pour qu'ils fussent au désespoir; ils paroissoient irrités et confus comme si on leur eût fait un outrage; ils auroient voulu que le Pape eût rejeté son mandement. Un procédé aussi révoltant fit impression sur presque tous les cardinaux qui avoient condamné Fénélon, et ils se persuadèrent plus que jamais que l'ame de toute cette affaire n'avoit été qu'un désir et un dessein secret de perdre l'archevêque de Cambrai. Ils s'ouvrirent alors avec plus de confiance à l'abbé de Chanterac, et le chargèrent de (1) 14 mai 1699. (Manuscrits.)

« PreviousContinue »