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celier d'Aguesseau : nous nous bornerons à citer

ses paroles.

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L'évêque de Saint-Omer (1), homme d'es» prit, mais chaud comme un Provençal qu'il » étoit, et chicaneur comme un Normand, ne

» se contenta pas de lui voir avaler doucement » le calice; il se plut à en augmenter l'amer>> tume par les indignes tracasseries qu'il lui fit » dans l'assemblée provinciale de Cambrai, où >> il vouloit, non-seulement que ce prélat se sou» mît à sa propre condamnation, comme il l'a» voit déjà fait de si bonne grace, mais qu'il » avouât encore qu'il étoit tombé dans les er» reurs que le Pape avoit condamnées, faisant » ainsi le procès à ses intentions mêmes, en lui >> arrachant la foible consolation de pouvoir dire » qu'il avoit bien pensé, s'il s'étoit mal exprimé. » L'archevêque de Cambrai répondit à ses inter» pellations pressantes et odieuses avec une șa»gesse et une modération dignes d'une meil» leure cause. Les autres évéques de la même » province, indignés du procédé de l'évêque de » Saint-Omer, vinrent au secours de leur archevêque, et se contentèrent de la protestation, » qu'il réitéra en leur présence, de sa parfaite » soumission au jugement du saint Siége ».

>>

(1) OEuvres du chancelier d'Aguesseau, tom. xIII, p. 182.

XCII.

Lettre de

Fénélon au

Fénélon eut encore l'occasion de se convaincre de l'acharnement de ses ennemis à lui supposer des torts. Le marquis de Barbezieux, secrétaire d'Etat, excité apparemment par l'archevêque de Rheims, son oncle, très-opposé à l'archevêque de Cambrai, imagina assez légèrement de lui reprocher comme un oubli, de n'avoir pas donné, à l'exemple des autres évêques, un mandement après la clôture de son assemblée métropolitaine. Fénélon répondit à ce jeune ministre «< que ce

» n'étoit nullement par oubli qu'il n'avoit pas fait marquis de » un second mandement pour la condamnation Barbezieux. » de son livre ; qu'il ne pouvoit pas être question

» de faire deux fois la même chose; qu'il avoit » fait par avance ce que l'assemblée avoit ensuite

>>

réglé que chaque évêque feroit par son man» dement particulier; que son mandement étoit » même plus fort que les autres, en ce qu'il avoit » prévenu la règle, le vœu de toutes les assem» blées métropolitaines du royaume, et les dispositions de la déclaration du Roi (1); qu'il avoit » donné la plus grande publicité à son mande» ment ; qu'il en avoit même fait imprimer et dis» tribuer à ses dépens deux versions, l'une française et l'autre latine; qu'au reste, il suffisoit » que Sa Majesté souhaitât qu'il recommençât, (1) Du 14 août 1699.

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pour l'engager à recommencer; qu'il paieroit » sans peine une seconde fois la dette qu'il avoit » payée par avance de si bon cœur; qu'en consé>>quence, il alloit donner les ordres nécessaires » pour qu'on publiât une seconde fois son man>> dement dans toutes les églises de son diocèse, » avec le bref du 12 mars, en français et en >> latin ».

Tous les procès-verbaux des assemblées métropolitaines ayant été envoyés au Roi, il ne fut

XCIII.

Louis XIV donne des lettres-paten

tes pour l'en

plus question que de dresser les lettres-patentes qui devoient mettre le sceau de l'autorité royale registrement aux délibérations des juges ecclésiastiques.

Le chancelier d'Aguesseau rapporte dans ses mémoires (1) quelques détails intéressans sur la forme que l'on donna à ces lettres-patentes; ils indiquent l'heureux concert que la sagesse du gouvernement et l'excellent esprit des principaux magistrats avoient su établir entre les ministres de l'autorité et ceux de la justice. Nous nous bornerons à observer que ces lettres-patentes, données en forme de déclaration, portoient que tous les écrits composés pour la défense du livre des Maximes des Saints, seroient et demeureroient supprimés, ainsi que le livre lui-même; mais, en exprimant cette disposition, on s'étoit abstenu (1) Tome XIII, page 183 et suivantes.

du bref.

guesseau.

d'énoncer que ce fût à la demande des assemblées métropolitaines, dont en effet une très - grande partie n'avoient point demandé cette suppression.

XCIV. Cette déclaration fut présentée au parlement Réquisitoire de M. d'A- le 14 août 1699, et ce fut en cette circonstance que le chancelier d'Aguesseau, alors premier avo-cat général au parlement, prononça un discours que le président Hénault admire avec raison comme un monument immortel de la solidité des maximes de l'Eglise de France, et fait pour honorer à jamais la mémoire de ce grand magistrat. Nous ne rapporterons de ce discours que ce qui intéresse personnellement Fénélon.

>>

L'Eglise gallicane, représentée par les assem» blées des évêques de ses métropoles, a joint » son suffrage à celui du saint Siége. Animée » par l'exemple et les doctes écrits de ces illustres prélats, qui se sont déclarés si hautement les » zélés défenseurs de la saine doctrine, elle a >> rendu un témoignage éclatant de la pureté de » sa foi. La vérité n'a jamais remporté une vic» toire si célèbre, ni si complète sur l'erreur. » Aucune voix discordante n'a troublé ce saint >> concert, cette heureuse harmonie des oracles » de l'Eglise ; et quelle a été sa joie, lorsqu'elle » a vu celui de ses pasteurs dont elle auroit pu » craindre la contradiction, si son cœur avoit

» été complice de son esprit, plus humble et plus » docile que la dernière brebis du troupeau, pré» venir le jugement des évêques, se hâter de pro» noncer contre lui-même une triste mais salu» taire censure, et rassurer l'Eglise effrayée de » la nouveauté de sa doctrine, par la protesta» tion aussi prompte que solennelle d'une sou» mission sans réserve, d'une obéissance sans » bornes, et d'un acquiescement sans ombre de » restriction ».

Le Chancelier d'Aguesseau nous apprend (1) qu'en prononçant son discours au parlement, il avoit donné à l'éloge de Fénélon un peu plus d'étendue et un caractère encore plus touchant et plus flatteur; il y avoit été porté par un sentiment d'estime pour la conduite de l'archevêque de Cambrai dans cette grande crise, par un goût naturel pour son esprit et son caractère; et enfin, ajoute-t-il avec une naïveté qui désarme la critique (2), « par la considération des révolutions » si ordinaires à la Cour, où celui qu'on ve»noit de flétrir par une censure rigoureuse, pou» voit un jour y revenir pour y jouer le premier » rôle ».

Le récit qu'il nous a laissé des motifs qui le forcèrent à affoiblir un peu l'éloge de Fénélon, (1) Tom. XIII, page 189. — (2) Ibid.

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