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lorsqu'il fit imprimer son réquisitoire, renferme quelques détails assez curieux, pour présumer qu'on nous saura gré de transcrire ici ce fragment de ses mémoires.

(1) « Il ne restoit plus pour finir l'affaire du » Quiétisme, que de faire imprimer les lettres>> patentes et l'arrêt d'enregistrement. Je ne pou>> vois me dispenser d'y faire insérer mon discours, >> surtout après l'invitation qui m'avoit été faite par » le premier président au nom de la compagnie, » de le remettre dans les registres; mais je crus, >> suivant l'avis de mon père, que je devois pren» dre auparavant la précaution de le faire voir » au Roi, quand ce ne seroit que pour préve>nir les commentaires malins, que le parti con» damné ou le parti victorieux, dont j'avois cependant ménagé l'un et loué l'autre, pourroit » en faire auprès de Sa Majesté, si elle n'avoit » pas été prévenue sur ce sujet; et la suite jus» tifia la bonté du conseil que mon père, qui » étoit encore plus mon oracle, m'avoit donné. >> J'envoyai donc mon discours à M. de Pont» chartrain; il le lut au Roi en présence de ma» dame de Maintenon. Sa Majesté y fit deux critiques: l'une sur quelques expressions qu'elle » trouva trop flatteuses pour l'archevêque de (1) Tome XIII, page 189.

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» Cambrai.

» Cambrai (1). J'avois beaucoup aimé ce prélat » avec lequel j'étois assez lié, avant même qu'il » fût à la Cour, et il faut avouer que son com»merce étoit délicieux. Affligé de son illusion, » que je n'attribuois qu'à une trop grande sub» tilité d'esprit, j'avois cherché à adoucir par » mes paroles l'amertume de sa disgrâce, et à » le consoler moi-même en quelque manière de » ce que j'étois obligé de faire contre lui. Je ne » dissimulerai pas non plus que, n'ignorant pas >> combien les révolutions sont ordinaires à la » Cour, et prévoyant que celui qu'on venoit de » flétrir par une censure rigoureuse pourroit y » revenir un jour pour y jouer un premier rôle, j'avois cru qu'il étoit de la prudence de ne » point aigrir le mal par la dureté des expres»sions, et de faire sentir à l'archevêque de » Cambrai, que ne pouvant approuver les pieux » excès de son zèle, je n'avois jamais cessé d'ad» mirer ses talens et de respecter sa vertu. Le » Roi trouva donc que j'en parlois un peu trop » favorablement; mais sa critique, toujours >> modérée comme son caractère, ne me coûta » que le retranchement d'une ligne d'écriture,

>>

(1) Le Télémaque venoit de paroître, et avoit achevé d'aigrir Louis XIV contre Fénélon. Nous rendrons compte dans le livre suivant de tout ce qui concerne le Télémaque.

FENELON. Tom. 11.

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» et en laissa assez dans mon discours pour rem» plir l'objet que je m'étois proposé.

» La seconde critique me fit voir jusqu'où le >> Roi portoit de lui-même sa grande délicatesse » sur la religion et sur son pouvoir dans les ma» tières ecclésiastiques. Il fut d'abord blesse de » la qualité d'évéque extérieur que je lui donnois » dans mon discours; il craignit qu'elle ne fût » trop forte, et il me fit écrire par M. de Pont» chartrain que je prisse garde à ne lui attri>> buer que ce qui lui appartenoit véritablement. » Mais comme c'est le titre que les évêques de » Nicée donnèrent à Constantin, et que les as>> semblées du clergé ont souvent répété en par» lant à nos Rois, je répondis à M. de Pont» chartrain, qu'après avoir admiré le scrupule » du Roi, je croyois pouvoir laisser dans mon » discours une qualité si autorisée par l'Eglise » même, et elle y demeura en effet. Au surplus, » le Roi donna à ce discours plus de louanges » qu'il n'en méritoit, et madame de Maintenon >> en fut si charmée, qu'elle dit peu de jours après » à l'archevêque de Paris, par qui je l'ai su, » qu'elle trouvoit dans mon style je ne sais quoi » de supérieur, et comme une espèce de langage prophétique caractère que je ne m'étois pas >> attendu qu'on m'attribuât. Il ne m'est pas

>>

>> revenu que les partisans du quiétisme s'en >> soient plaints; seulement quelques critiques » du parti de Jansénistes trouvèrent que j'y avois >> trop loué le Roi ».

XCV. L'assemblée

l'affaire du

livre de Fé

nélon.

Il y avoit près d'un an que la condamnation du livre des Maximes des Saints étoit con- du clergé de sommée par l'heureux concours des puissances 1700 se fait rendrecomp. spirituelle et temporelle. Fénélon étoit enfin te de toute parvenu à imposer silence à la haine, par la parfaite conformité de sa conduite publique et privée avec les protestations qu'il avoit faites si souvent de son entière soumission au jugement du saint Siége, lorsque l'assemblée du clergé de 1700, qui se tenoit à Saint-Germain-en-Laye, parut s'occuper encore quelques momens de cette affaire; mais ce ne fut que pour obéir à l'usage établi dans le clergé, de rendre compte à chaque assemblée de toutes les affaires survenues dans l'intervalle de ses séances. Bossuet fut choisi pour présider la commission chargée de la Relation de l'affaire du livre des Maximes dés Saints: la modération qu'il montra dans le compte qu'il en rendit, justifia la sagesse d'un choix qui auroit pu paroître suspect de partialité. On croit honorer la mémoire de Bossuet, en présumant que la docilité de Fénélon, si contraire aux pronostics que la prévention lui

avoit quelquefois inspirés, et la considération générale qu'une conduite si édifiante avoit méritée à l'archevêque de Cambrai, firent peut-être regretter à l'évêque de Meaux l'excès de vivacité où son zèle l'avoit porté en quelques occasions. On reconnoît sa grandeur et sa générosité naturelles, dans la noble franchise avec laquelle il déclare devant tous les évêques assemblés, que la véhémence avec laquelle il a combattu les erreurs de son collègue, n'a jamais altéré ses sentimens pour son caractère et sa personne. << Il a été sagement observé (1), disoit Bossuet » dans son rapport, que M. l'archevêque de Cam» brai, qui avoit le plus d'intérêt à rechercher » les moyens d'affoiblir, s'il se pouvoit, la sen>>tence qui le condamnoit, s'y est soumis le pre>> mier par un acte exprès. On a remarqué avec >> joie les noms illustres des grands évêques qu'il >> avoit suivis dans cette occasion; et, à l'exem» ple du Roi, toutes les provinces se sont unies » à louer cette soumission, montrant à l'envi que » tout ce qu'on avoit dit par nécessité contre le » livre étoit prononcé sans aucune altération de » la charité (2) ».

Ce fut un avantage réel pour la réputation de

(1) Procès-verbal de l'assemblée du clergé de 1700. () Voyez les Pièces justificatives du livre troisième, n.° XI.

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