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XCVIII. Sincérité de

les symboles de la croyance commune et la forme d'une discipline régulière, qu'elles finissent presque toujours par tomber dans l'indifférence de toutes les religions, lorsque le temps et les événemens ont laissé refroidir la chaleur et l'esprit de contention qui leur avoient donné naissance (1).

.Non-seulement la soumission de Fénélon ne la soumission fut ni un trait de politique ni un silence respecde Fénélon. tueux (2), « mais un acte intérieur d'obéissance

>> rendu à Dieu seul selon les principes catho

:

liques, ajoutoit Fénélon, j'ai regardé le juge

(1) On peut lire dans Hornius la longue énumération des sectes sorties du lutheranisme et du calvinisme : l'auteur n'est pas suspect, il étoit protestant. Inutilement Calvin sévit avec une rigueur effrayante contre les apôtres et les disciples du socinianisme; il leur avoit appris lui-même à ne s'arrêter ni à l'autorité de l'Eglise, ni à celle de la tradition. Il ne pouvoit se dissimuler que les principes qu'il avoit proclamés et l'exemple qu'il avoit donné, conduisoient au socinianisme par une pente naturelle et des conséquences nécessaires. S'il suivit l'impulsion violente de son caractère dans les mesures rigoureuses qu'il provoqua contre Servet, on peut croire aussi qu'une inquiète prévoyance le porta à effrayer par la terreur tous ceux qui seroient disposés à renverser la foible barrière qui sépare le calvinisme du socinianisme. On a vu ensuite comment du socinianisme on arrivoit rapidement à l'indifférence de toutes les religions.

(2) C'est ce que Fénélon lui-même a dit à M. de Ramsay.

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» ment de mes supérieurs comme un écho de la >> volonté suprême; je ne me suis point arrêté » aux passions, aux préjugés, aux disputes qui précédèrent ma condamnation; j'entendis Dieu » me parler, comme à Job, du milieu de ce tour» billon, et me dire: Qui est celui qui mêle des » sentences avec des discours inconsidérés? Et je » lui répondis du fond de mon cœur : Puisque » j'ai parlé indiscrètement, je n'ai qu'à mettre » ma main sur ma bouche et me taire. J'ai ac» cepté ma condamnation dans toute son éten» due. Il est vrai que les propositions et les expressions dont je m'étois servi, et d'autres bien » plus fortes, avec bien moins de correctifs, se >> trouvent dans les auteurs canonisés; mais elles » n'étoient point propres pour un ouvrage dog» matique; il y a une différence de style qui con» vient aux matières et aux personnes différentes. » Il y a un style du cœur et un autre de l'esprit ; » un langage de sentiment et un autre de raison» nement. L'Eglise, avec une sagesse infinie, per» met l'un à ses enfans simples; mais elle exige >> l'autre de ses docteurs : elle peut donc, selon les » différentes circonstances, sans condamner la >> doctrine des saints, rejeter les expressions fau»tives dont on abuse >>.

Nous voyons, par plusieurs de ses lettres (1),

(1) Manuscrits.

XCIX. Réflexions

qu'il étoit sans cesse occupé à réprimer le zèle indiscret de quelques écrivains trop officieux. Il mandoit à l'un d'eux (1), « je ne puis consentir » qu'on excuse même indirectement mon livre... >> Au nom de Dieu, ne parlez de moi qu'à Dieu » seul, et laissez les hommes en juger comme ils >> le voudront. Pour moi, je ne cherche que le >> silence et la paix, après m'être soumis sans ré» serve (2) ».

En finissant cette affligeante histoire des dégénérales sur mêlés de deux grands hommes, il seroit consoles résultats lant pour nous d'avoir à rapporter qu'ils revin

de la contro

verse duquié- rent aux sentimens de confiance et d'amitié qui

tisme.

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(1) 21 juillet 1699. (Manuscrits.)

(2) Voyez les Pièces justificatives du livre troisième, n.o XIV. - Quelques personnes ont été surprises du silence que nous avons gardé dans la première édition de notre ouvrage sur l'Ostensoir, donné par Fénélon à son église métropolitaine, pour laisser un monument durable de sa soumission au jugement qui l'avoit condamné. Plusieurs récits contradictoires nous avoient laissé dans une espèce d'incertitude à cet égard. Nous avions même observé que le dernier historien de Fénélon ( le père Querbeuf) n'avoit rapporté ce fait que comme une simple tradition. Cependant, cédant à des témoignages qui nous sembloient assez plausibles, nous étions déterminé à en faire mention dans notre seconde édition, lorsque nous avons reçu de Cambrai même des détails qui détruisent cette opinion. On les trouvera à la fin de notre ouvrage. Voyez les Pièces justificatives du livre huitième, n.o IV.

les avoient unis si long-temps; mais si nos manuscrits ne nous offrent aucun témoignage à ce sujet, nous y trouvons au moins des preuves certaines de l'estime et du respect qu'ils conservèrent toujours l'un pour l'autre. M. de Ramsay, qui a vécu plusieurs années dans la société intime de Fénélon, atteste qu'il l'a souvent entendu parler du génie sublime et des ouvrages immortels de Bossuet, avec le même sentiment d'admiration que ses contemporains ont transmis à la postérité. Un jour même qu'on parut craindre de nommer Bossuet devant l'archevêque de Cambrai, il fut offensé de cette réserve injurieuse pour lui-même. « Quelle idée peut-on » avoir de moi, dit-il avec émotion, si l'on » craint de prononcer, en ma présence, le nom » d'un homme dont le génie et les vastes con>> noissances honoreront à jamais son siècle, son » pays, le clergé et la religion ».

Nous ne pouvons également douter que Bossuet n'ait sensiblement regretté d'avoir perdu un ami tel que Fénélon. Nous trouvons dans un manuscrit de madame de la Maisonfort, quelques lignes bien précieuses qui attestent la sincérité d'un sentiment également honorable pour l'un et pour l'autre. C'est madame de la Maisonfort, l'ancienne amie de Fénélon, qui lui transmet

ces détails touchans après la mort de Bossuet (1).

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Quelque temps après le jugement du Pape, » M. de Meaux me paroissoit encore touché, » Monseigneur, de ce que vous lui aviez ren» voyé son livre des Etats d'Oraison sans lui en >> dire votre sentiment. M. de Cambrai, me dit>> il un jour avec émotion, n'avoit qu'à m'indi» quer seulement ce qu'il improuvoit dans cet » ouvrage : j'y aurois volontiers changé plusieurs » choses pour avoir l'approbation d'un homme » comme lui. Il étoit de l'avis du public sur » votre esprit ; il me dit un jour : C'est la grande >> mode de trouver beaucoup d'esprit à M. de >> Cambrai; on a raison; il brille d'esprit; il » est tout esprit; il en a bien plus que moi ».

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Mais une circonstance encore plus intéressante que madame de la Maisonfort nous fait connoître, quoique d'une manière assez obscure, c'est la démarche que fit Bossuet de son propre mouvement, pour se rapprocher de Fénélon (2). « Je demandois souvent à Dieu, écrit madame » de la Maisonfort, qu'il vous réunît avant la » mort le voyage que M. l'abbé de Saint» André (3) fit en Flandre, à la prière de » M. de Meaux, marque le désir sincère qu'il

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(1) Manuscrit de madame de la Maisonfort. (2) Ibid. (3) Grand-vicaire de confiance de Bossuet.

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