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» avoit de cette réconciliation; et les contre» temps qui en empéchèrent le succès, que mes » prières ne méritoient pas d'être exaucées (1) ».

Tout ce qui revenoit à Bossuet de la conduite de Fénélon, depuis qu'il avoit condamné luimême son livre, de la sagesse édifiante avec laquelle il gouvernoit son vaste diocèse; de la tendre affection que lui montroient les heureux habitans de la Flandre; les éloges unanimes que les généraux et les officiers faisoient de l'archevêque de Cambrai, en revenant de l'armée; l'espèce d'enthousiasme général qu'excitoit alors le Télémaque, quoique cet ouvrage fût peu du goût de Bossuet; enfin, pour se servir des expressions de Bossuet lui-même, en parlant du grand Condé, ce je ne sais quoi d'achevé que le malheur ajoute à la vertu (2), tout contribuoit à lui faire regretter d'avoir perdu un ami si digne d'être, après lui, l'oracle et le modérateur de l'Eglise de France.

C'étoit d'ailleurs vers cette époque que Bossuet venoit d'éprouver, de la part de Louis XIV, un refus qui lui avoit été extrêmement sensible. Son âge avancé et de cruelles infirmités lui ins

(1) Voyez, sur ce voyage de l'abbé de Saint-André, l'Histoire de Bossuet, tom. III.

(2) Oraison funèbre du grand Condé.

Mort de

Bossuet.

pirèrent la pensée de demander au Roi l'abbé Bossuet, son neveu, pour son coadjuteur. II présenta à ce prince un mémoire (1), où il faisoit le tableau le plus touchant des douleurs et des souffrances qui l'empêchoient de veiller aux besoins de son diocèse avec son zèle accoutumé. Nous n'approfondirons pas les motifs qui ne permirent pas à Louis XIV d'accorder, à un évêque pour lequel il avoit tant d'estime et de respect, une grâce qui ne sembloit être que la juste récompense de ses glorieux travaux pour l'Eglise et pour l'Etat. Non-seulement Louis XIV se refusa toujours à nommer l'abbé Bossuet coadjuteur de Meaux, mais il paroît qu'il l'avoit irrévocablement exclus de l'épiscopat. Ce ne fut que sous la régence, en 1717, qu'il dut à la faveur du cardinal de Noailles, sa nomination à l'évêché de Troyes, à l'âge de 55 ans.

Bossuet mourut, le 12 avril 1704, âgé de 77 ans (2). On répandoit le bruit que Fénélon lui avoit fait faire un service solennel, et prononcé lui-même son oraison funèbre. On prétendoit

(1) On le trouve dans l'édition des OEuvres de Bossuet, de dom Déforis.

(2) On trouvera aux Pièces justificatives du livre troisième n.o XV, la relation d'un voyage que l'abbé Ledieu, secrétaire de Bossuet, fit à Cambrai cinq mois après la mort de Bossuet.

de

même que Fénélon avoit déclaré, dans cette oraison funèbre qu'il avoit obligation à Bossuet de l'avoir tiré de l'erreur. Le père Lami, savant religieux bénédictin, s'adressa directement à l'ar chevêque de Cambrai, pour savoir jusqu'à quel point ces bruits pouvoient être fondés. Fénélon lui répondit (1): « Il est vrai, mon révérend » Père, que j'ai prié Dieu de bon cœur pour feu >> M. de Meaux; mais je n'ai jamais songé à or

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donner pour lui des prières dans mon dio» cèse; ce n'est point un usage établi entre les évêques, et vous savez que je n'aime point » l'affectation des choses extraordinaires : j'ai >> encore moins pensé à faire une oraison funè»bre de ce prélat. Pour le discours qu'on m'im» pute, je ne pourrois l'avoir fait que contre >> ma conscience jamais homme n'eut dans le >> cœur une soumission et une docilité plus sin» cères pour le saint Siége; mais j'ai tout dit » dans le procès-verbal de notre assemblée pro» vinciale. Ceux qui ont tant d'empressement » à répandre cette fable et à la soutenir dans le » public, ont leurs raisons pour le faire ; je ne sais >> si leurs intentions sont droites devant Dieu »>. Madame Guyon resta enfermée à la Bastille encore plus d'un an, après que Bossuet lui-même Guyon.

(1) Le 14 août 1704. (Manuscrits.)

FÉNÉLON. Tom. II.

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Mort de

madame

eut déclaré son innocence devant une assemblée

du clergé (en 1700); elle fut ensuite exilée dans une terre de sa fille (1), après une captivité de sept ans. On lui permit enfin de se retirer à Blois; elle y passa le reste de sa vie dans le silence, la retraite, l'exercice de toutes les œuvres de piété et de charité, sans laisser échapper la plus foible plainte des persécutions qu'elle avoit essuyées, ni le plus léger reproche contre ceux qui en avoient été les auteurs ou les instrumens: elle s'étoit imposé la réserve la plus absolue sur toutes les matières de spiritualité qui lui avoient attiré tant de malheurs. On put regretter de n'avoit pas suivi, dès l'origine, le plan que Fénélon avoit proposé, de la reléguer dans quelque couvent éloigné, où elle auroit vécu tranquille et ignorée. Madame Guyon mourut à Blois, le 9 juin 1717, âgée de 69 ans. Au moment de mourir elle fit un testament, à la tête duquel elle inscrivit sa profession de foi, qui atteste la sincérité de ses sentimens en matière de religion et l'innocence de ses mœurs, malgré toutes les calomnies dont elle avoit été la victime.

(1) Marie-Jeanne Guyon avoit épousé en premières noces Louis - Nicolas Fouquet, comte de Vaux, fils du surintendant Fouquet; elle se maria en secondes noces, le 14 février 1719, avec Maximilien-Henri de Béthune, duc de Sully.

Il nous reste peu de choses à dire du vertueux abbé de Chanterac. Ce fidèle ami de Fénélon, associé aux soins de son administration, dépositaire de tous les sentimens de son cœur, témoin habituel de ses œuvres de piété et de ses travaux dans l'exercice de ses fonctions apostoliques, partagea, avec l'abbé de Langeron, toute la confiance d'un ami, d'un parent, d'un prélat qu'il vénéroit avec toute la piété que les prêtres de la primitive Eglise avoient pour leur évêque. Les fragmens de ses lettres que nous avons rapportées (1), peuvent donner une idée de ses vertus douces, paisibles et modestes. Nous avons cité un trait remarquable de son désintéressement (2). Avec un pareil caractère, l'abbé de Chanterac devoit attacher peu de prix aux grâces et aux dignités auxquelles sa naissance et ses talens sembloient l'appeler. Il mourut en 1715, peu de temps après Fénélon. A cette occasion, nous consacrerons, dans le livre VIII, quelques lignes à l'abbé de Chanterac.

Il étoit impossible d'écrire l'histoire de Fénélon, sans faire connoître tous les détails d'une controverse qui a eu tant d'influence sur sa vie entière. Nous avons pensé que l'histoire ne doit être ni une satire, ni un panégyrique; nous nous

(1) Livres II et III. — (2) Page 142.

Mort de l'abbé de

Chanterac.

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