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riaux à l'éducation de M. le duc de Bourgogne, ou qui avoient été le travail des plus belles années de sa vie.

XII. Bossuet pu

les Etats d'o

Bossuet avoit publié son Instruction sur les Etats d'oraison environ un mois après que le blie son Inslivre de Fénélon eût paru; il l'avoit appuyé de truction sur l'approbation du cardinal de Noailles et de l'é- raison. vêque de Chartres, conçue dans les termes les plus magnifiques; l'ouvrage étoit en effet digne de la réputation de son illustre auteur. Il avoit coûté dix-huit mois de travail à Bossuet, et on doit bien croire qu'un ouvrage, dont Bossuet s'étoit occupé avec tant de persévérance, devoit être, comme il l'étoit en effet, un modèle d'érudition et de sagacité.

Si Fénélon avoit été dans le cas d'observer, pendant les conférences d'Issy, que Bossuet n'avoit qu'une notion assez vague et assez superficielle des questions de spiritualité et des auteurs qui en avoient traité, la lecture de l'Instruction de ce prélat sur les Etats d'oraison dut lui prouver qu'il n'avoit fallu dix-huit mois à Bossuet pour se rendre maître dans cette science; il entreprit de la saisir dans son origine et dans ses progrès, dans ses principes et dans ses conséquences; il sut la soumettre à des règles fixes et certaines, démêler ce qu'elle peut avoir de vrai et de faux, d'utile et

que

de dangereux, se soutenir invariablement dans cette juste mesure, qui lui permettoit de respecter dans les auteurs qui en ont parlé, ce qu'ils ont pu dire d'exact et d'édifiant, d'excuser en quelques-uns l'irrégularité ou l'exagération des expressions en faveur de leurs intentions, et foudroyer impitoyablement tous ceux qui avoient voulu emprunter le masque de la piété pour propager des maximes dangereuses et des conséquences révoltantes. Cet ouvrage est resté parmi les théologiens comme la véritable règle à laquelle on doit s'attacher pour la croyance, et se conformer pour la pratique. D'ailleurs Bossuet y laisse assez d'alimens à la piété sincère et affectueuse, pour se nourrir sans danger de tout ce qui peut élever l'ame au degré de perfection compatible avec la foiblesse humaine, et se borne à lui interdire ces illusions trompeuses, qui peuvent séduire les imaginations trop vives, ou pervertir les cœurs corrompus.

Il étoit difficile, qu'en traitant toutes ces questions, et surtout en les traitant dans des circonstances où elles avoient excité des inquiétudes fondées, Bossuet pût se dispenser de parler des auteurs, dont les écrits avoient donné lieu à de justes reproches. Il parloit donc des ouvrages de madame Guyon; il en citoit des passages nom

breux; il en révéloit les conséquences absurdes et condamnables; mais, en même temps, il évitoit d'accuser ses intentions ou de jeter des soupçons sur sa personne. Il ne faisoit à cet égard que ce qu'avoit fait l'évêque de Chartres quinze mois auparavant. Mais pourquoi Bossuet exigeoit-il de Fénélon ce que l'évêque de Chartres n'avoit pas même jugé convenable de lui demander?

Fénélon, instruit de la chaleur avec laquelle Bossuet s'élevoit contre son livre, en y mêlant des accusations qui tendoient à faire suspecter sa bonne foi et sa délicatesse dans les procédés, crut que son honneur exigeoit d'abord qu'il se justifiât sur des points si faciles à éclaircir, puisqu'il n'étoit question que de faits. Il prit pour y parvenir la voie la plus courte et la plus simple, ce fut de prier madame de Maintenon de vouloir bien l'entendre en présence du cardinal de Noailles. Ce prélat étoit le seul témoin de tous les faits relatifs au livre de Fénélon, puisqu'il ne l'avoit composé, réformé, et fait imprimer que de concert avec lui.

Cette conférence eut lieu à Saint-Cyr (1), en présence du cardinal de Noailles et du duc de Chevreuse. Mais elle ne servit qu'à embarrasser

(1) A la fin de février 1697. Nous en avons le manuscrit orîginal.

XIII. Fénélon sou

de son livre.

madame de Maintenon, et à dépiter le cardinal de Noailles. Il ne pouvoit contester aucun des faits sur lesquels Fénélon interpelloit son témoignage; et ces faits rendoient plus sensibles ses variations. D'ailleurs ce prélat, dont la douceur ressembloit un peu à la foiblesse, étoit entraîné par l'ascendant de Bossuet, et embarrassé de justifier sa propre conduite au sujet du livre de Fénélon, depuis qu'il le voyoit si violemment attaqué.

par

Bossuet avoit d'abord paru se borner à faire rectifier Fénélon lui-même ce qu'il pouvoit y avoir d'inexact dans le livre des Maximes des Saints. C'étoit dans cette disposition qu'il avoit annoncé qu'il donneroit en secret ses remarques à Fénélon comme à son intime ami; mais depuis qu'il se voyoit secondé par l'opinion publique, depuis qu'il se sentoit appuyé du cardinal de Noailles, de l'évêque de Chartres et de madame de Maintenon, il ne dissimuloit plus son intention d'arracher à Fénélon une rétractation absolue.

Cependant trois mois s'étoient déjà écoulés, et Bossuet n'avoit point encore communiqué à Fémet au Pape le jugement nélon ces remarques annoncées et attendues depuis si long-temps. L'archevêque de Cambrai prit alors le parti de soumettre son livre au jugement du Pape par une lettre du 27 avril 1697; mais il ne fit cette démarche qu'avec l'autorisation du

Roi (1), et après avoir fait mettre sous les yeux de ce prince, par le duc de Beauvilliers, le modèle de la lettre qu'il se proposoit d'écrire à Sa Sain

teté.

Cette démarche, qui paroissoit devoir saisir le saint Siége du jugement de toute l'affaire, n'avoit point ralenti l'activité de Bossuet.

Il semble que Fénélon ayant porté à Rome la décision de tous les points de cette controverse, avec le consentement et l'approbation du Roi; ayant en même temps pris l'engagement formel de se soumettre au jugement qui interviendroit, auroit pu se dispenser de répondre à toutes les interpellations de Bossuet. Il auroit évité par cette méthode, des discussions personnelles, dont on sut profiter pour achever de le perdre entièrement dans l'esprit du Roi et de madame de Maintenon. Il est vraisemblable que par cette conduite circonspecte et mesurée, il seroit parvenu à n'avoir pour adversaire déclaré que Bossuet seul, et à l'isoler du cardinal de Noailles et de l'évêque de Chartres, qui auroient attendu avec respect et en silence le jugement du Pape.

Mais un désir estimable de conciliation, et la conviction pleine et entière où étoit Fénélon,

(1) Nous avons la lettre manuscrite qui porte cette autorisation.

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