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taines conditions.

suet, à cer- aussi loin qu'elle pouvoit aller. Il consentit à conférer avec Bossuet; mais il exigea trois conditions, dans la seule vue d'éviter une scène confuse chacun rapporteroit selon ses préventions.

Lettre de Fénélon au

que

« 1.° Qu'il y auroit (1) des évêques et des théo>>logiens présens.

» 2.° Qu'on parleroit tour à tour, et qu'on » écriroit sur-le-champ les demandes et les ré>>>ponses.

» 3.° Que Bossuet ne se serviroit point du pré>> texte de ces conférences sur les points de doc>>trine, pour se rendre examinateur du texte du » livre des Maximes, et que cet examen demeu>> reroit suivant le premier projet entre l'arche>> vêque de Paris, M. Tronson et M. Pirot ».

Dès que Fénélon eut proposé ces conditions, on lui répondit qu'elles rendoient, selon les vues de M. de Meaux, les conférences inutiles, et tout fut irrévocablement rompu.

Fénélon prit alors le parti d'écrire au Roi (2) Roi, 25 juil- « que n'ayant pu savoir précisément ce qu'il y » avoit à reprendre dans son livre, que bien des théologiens approuvoient, quoiqu'ils n'osassent

let 1697.

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» s'en expliquer, il ne pouvoit faire de rétracta» tion ni oblique, ni positive; la première ne lui

(1) Réponse à la Relation sur le quiétisme.

(2) Manuscrit de Pirot.

>> convenant

» convenant en aucune manière, et ne se sentant » coupable d'aucune erreur, ce que supposeroit » la seconde. Il osoit supplier Sa Majesté de lui

XXV.

Il demande

la permission

me.

» permettre d'aller lui-même à Rome pour dé» fendre son livre, promettant de n'y voir per- d'aller à Ro» sonne que le Pape, et ceux que Sa Sainteté » jugeroit à propos de nommer pour l'examiner; » de ne se mêler d'aucune autre affaire; d'y vivre » encore plus rétiré qu'il ne faisoit à Versailles, » et d'en revenir dès le moment où le Pape auroit » prononcé, soumis à son jugement, justifié ou » détrompé, et toujours catholique; que dans » tous les cas, il se trouveroit alors en état de » détromper lui-même les théologiens cachés qui >> recevoient la doctrine de son livre, en supposant » que le Pape prononçât qu'il s'étoit trompé ».

Quatre jours après (le 29 juillet 1697), Fénélon écrivit à madame de Maintenon pour la prier d'appuyer sa demande auprès du Roi. Il paroît qu'il étoit réduit à la nécessité de lui écrire, parce qu'il n'avoit plus la liberté d'arriver jusqu'à elle (1). On doit croire qu'en se refusant à voir Fénélon, elle cédoit malgré elle à un sentiment de ménagement et de délicatesse. Il lui auroit été sans doute trop pénible de se trouver en présence

(1) On trouvera cette lettre aux Pièces justificatives du livre troisième, n.o V.

FÉNÉLON. Tom. II.

5

XXVI.

Fénélon est renvoyé de la Cour.

XXVII. Lettre de

madame de

Maintenou,

d'un homme qu'elle avoit tant affectionné, dans un moment où elle savoit que sa disgrâce étoit décidée, et qu'elle ne devoit plus le revoir.

Ce fut le jeudi 1.er août 1697 que Louis XIV écrivit à Fénélon « qu'il ne jugeoit point à propos » de lui permettre d'aller à Rome; qu'il lui en» joignoit au contraire de se rendre dans son » diocèse, et lui défendoit d'en sortir; qu'il pou» voit envoyer à Rome ses défenses pour la jus»tification de son livre ». Le même ordre lui prescrivoit de ne s'arrêter à Paris, en se rendant à Cambrai, que le temps nécessaire pour expédier les affaires qu'il pouvoit y avoir.

Au moment même où Fénélon reçut les ordres du Roi, il écrivit à madame de Maintenon la lettre suivante. Nous la transcrivons sur la minute originale, qui est entièrement de sa main.

A Versailles, ce 1.er août.

<< Je partirai d'ici, Madame, demain vendredi, Fénélon à » pour obéir au Roi. Je ne passerois point à Pa» ris, si je n'étois dans l'embarras de trouver un I.er août » homme propre pour aller à Rome, et qui veuille 1697. » bien faire ce voyage. Je retourne à Cambrai (Manuscr.) » avec un cœur plein de soumission, de zèle, de >> reconnoissance et d'attachement sans bornes » pour le Roi. Ma plus grande douleur est de

» l'avoir fatigué et de lui déplaire. Je ne cesserai » aucun jour de ma vie de prier Dieu qu'il le » comble de ses grâces. Je consens à être écrasé » de plus en plus. L'unique chose que je demande » à Sa Majesté, c'est que le diocèse de Cambrai, >> qui est innocent, ne souffre pas des fautes qu'on » m'impute. Je ne demande de protection que » pour l'Eglise, et je borne même cette protec» tion à n'être point troublé dans le peu de bonnes » œuvres que ma situation présente me permet » de faire pour remplir les devoirs de pasteur.

» Il ne me reste, Madame, qu'à vous deman» der pardon de toutes les peines que je vous ai >> causées. Dieu sait combien je les ressens; je ne >> cesserai point de le prier, afin qu'il remplisse lui >> seul tout votre cœur. Je serai toute ma vie aussi » pénétré de vos anciennes bontés, que si je ne les >> avois point perdues, et mon attachement res» pectueux pour vous, Madame, ne diminuera » jamais ».

En lisant cette lettre, dont chaque ligne respire un sentiment si doux et si tendre de calme, de courage et de résignation, on se représente facilement l'effet qu'elle dut produire sur madame de Maintenon. Cette lettre, en lui rappelant tous ses anciens sentimens pour Fénélon, ne lui permettoit pas de se dissimuler toute la part

qu'elle avoit à ses disgrâces actuelles. Il étoit difficile qu'elle n'accordât pas de l'intérêt et de l'estime à un homme, dont le tort le plus grave, au moins dans l'origine, provenoit d'une excessive délicatesse en amitié, et qui consentoit à sacrifier tous les honneurs et toutes les espérances de la plus brillante fortune à un procédé fidèle et généreux, ou plutôt à des motifs de conscience qu'il s'exagéroit trop à lui-même. On ne peut douter en effet, que cette lettre n'ait laissé pendant long-temps une impression profonde de tristesse dans l'ame de madame de Maintenon. Elle nous apprend (1) que sa santé en fut affectée, et qu'elle n'en dissimula pas la cause à Louis XIV. Ce prince en parut d'abord blessé; mais il ne put s'empêcher de lui dire, en voyant son affliction : «Eh bien, Madame, il faudra donc que nous » vous voyions mourir pour cette affaire-là »?

Dès le 26 juillet, six jours avant l'exil de Fénélon, Louis XIV avoit écrit de sa propre main, au pape Innocent XII, une lettre rédigée par Bossuet. Le Roi dénonçoit au Pape le livre de l'archevêque de Cambrai, comme très-mauvais et très-dangereux; comme déjà réprouvé par des évêques et un grand nombre de docteurs et de savans religieux; il ajoutoit que les explica(1) Entretiens de madame de Maintenon,

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