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dans sa seconde lettre à M. de Beauvilliers (1),

qu'il n'a point dit qu'il ne se soumettroit à la » condamnation du Pape, qu'en cas que

>>

l'on ex

primât dans sa condamnation les propositions » sur lesquelles le livre seroit condamné; que sa » promesse de souscrire et de faire un mande» ment en conformité, étoit absolue et sans res»triction..... Que plus il vouloit sincèrement

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obéir, plus il désiroit savoir précisément en quoi consiste toute l'étendue de l'obéissance; » que plus il craignoit de se tromper, ou de ne » sortir pas de l'erreur, plus il demandoit qu'on » ne le laissât point errer, et qu'on lui dît tout » ce qu'il falloit croire ou rejeter pour éviter » l'erreur.... Qu'en supposant que le Pape, par » une lumière supérieure à la sienne, prononcât >> une simple condamnation générale, il renou» veloit l'engagement qu'il avoit déjà pris de >> souscrire, dans la forme la plus solennelle, à » la censure de son livre, sans équivoque, ni >> même restriction mentale ». Une déclaration si nette et si tranchante ne permit plus de reproduire les soupçons qu'on avoit prétendu élever sur la sincérité des promesses de Fénélon.

Ce n'est pas seulement dans des écrits destinés au public, c'est dans ses lettres les plus secrètes,

(1) Elle fut imprimée sous le titre de seconde Lettre à un ami.

c'est dans sa correspondance avec l'abbé de Chanterac qu'on retrouve la même candeur et la même sincérité (1). « Ne regardez que Dieu dans sa » cause, mon cher abbé; je dis souvent à Dieu, » comme Mardochée: Seigneur, tout vous est » connu, et vous savez que ce que j'ai fait, n'est » ni par orgueil, ni par mépris, ni par un secret » désir de gloire. Quand Dieu sera content, nous » devons l'être, quelque humiliation qui nous » vienne de lui ».

A peine Fénélon fut-il arrivé à Cambrai, qu'il publia une instruction pastorale pour expliquer

ses véritables sentimens sur le fond de sa doc

trine. C'étoit une espèce d'engagement qu'il avoit pris lorsqu'il étoit encore à la Cour, pour désabuser les personnes de bonne foi qui trouvoient de l'obscurité ou de l'embarras dans quelques parties de son systême ; il la jugea d'ailleurs nécessaire pour l'honneur de son ministère auprès du troupeau qui lui étoit confié. Il profita même de cette circonstance pour ne laisser subsister aucun prétexte au reproche qu'on lui avoit fait sur le silence qu'il avoit gardé dans son livre, au sujet du quiétisme de Molinos et des trente-quatre articles d'Issy; il plaça ces trente-quatre articles et la bulle d'Innocent XI contre Molinos, à la suite de

(1) Lettre du 3 septembre 1697. (Manuscrits.)

xxxv. pastorale de

XXXV. Instruction

Fénélon, du

15 septembre 1697.

XXXVI.

Les trois

son instruction pastorale. Il est vraisemblable que s'il eût pris cette précaution en même temps qu'il publia son livre, il auroit mis de son côté un grand nombre de personnes qui le soupçonnoient d'être un peu trop favorable au quiétisme mitigé.

Les trois prélats avoient fait imprimer et réprélats pu- pandre, dans toute la France et toute l'Europe, blient leur leur déclaration contre le livre de Fénélon. Quoi

Déclaration

vre de Fénélon.

contre le li- que si hautement attaqué, Fénélon avoit tant de répugnance à donner au public le spectacle d'une division scandaleuse entre des évêques, qu'il écrivoit à l'abbé de Chanterac (1): « Je n'ai pas voulu » dans mon instruction pastorale faire une ré>>ponse directe à tous leurs chefs d'accusation, » pour ne pas donner une scène, le scandale » n'étant déjà que trop grand; mais ma réponse » en forme, à leur déclaration, ne laissera aucun » mot sans réponse précise. Je me bornerai à l'envoyer secrètement au Pape, et je désire » autant épargner mes confrères, qu'ils ont affecté » de me traiter indignement ».

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Bossuet étoit si loin de prévoir et de supposer

que

la condamnation de Fénélon pût éprouver à Rome des lenteurs et des incertitudes, qu'il écri

(1) Lettres du 15 septembre et du 29 octobre 1697. (Manuscrits.)

voit à son neveu (1): « Il faut bien prendre garde » de ne faire envisager (à Rome) rien de pénible » ou de difficile. De quelque façon qu'on pro» nonce, M. de Cambrai demeurera seul de son >> parti, et n'osera résister.... Il est regardé dans >> son diocèse comme un hérétique, et dès qu'on » verra quelque chose de Rome, dans Cambrai » surtout et dans les Pays-Bas, tout sera soulevé » contre lui ».

Mais la Cour de Rome n'étoit ni disposée, ni accoutumée à précipiter son jugement; elle connoissoit les justes égards qu'elle devoit à deux grands évêques, dont la réputation étoit également chère à l'Eglise. On a souvent prétendu qu'elle cherchoit à attirer à elle le jugement en première instance de toutes les controverses de religion. Nous ne pouvons cependant douter qu'Innocent XII n'eût sincèrement désiré que cette malheureuse contestation eût été étouffée en France par les voies les plus douces et les plus conciliantes; il chargea souvent son nonce d'exprimer son vœu au Roi, et ce ne fut que sur les vives instances de Louis XIV, qu'il se vit obligé de procéder à l'examen et au jugement du livre de Fénélon. Il nomma huit consulteurs, auxquels il en ajouta deux autres peu de temps après, pour nomme dix (1) Lettre du 2 septembre 1697.

XXXVII.
Le Pape

consulteurs.

XXXVIII.

De l'abbé

émettre leur vœu devant les cardinaux de la con

grégation du Saint-Office.

Le désavantage de la position de Fénélon, Bossuet et de même en se renfermant dans les bornes de la l'abbé Phé- plus légitime défense, se faisoit sentir dans les lippeaux.

plus petits détails; ses adversaires, appuyés de tout le crédit et de tous les moyens du gouvernement, faisoient surveiller sa correspondance, et le privoient de la liberté de transmettre à l'abbé de Chanterac, avec une entière liberté, la connoissance de plusieurs faits intéressans pour diriger sa conduite. Il étoit obligé de donner à ses lettres différentes directions, qui en retardoient nécessairement l'expédition. L'abbé de Chanterac, son défenseur à Rome, ne pouvoit faire un seul dont l'abbé Bossuet ne se fît rendre compte par des moyens peu délicats. C'est ce que l'abbé Bossuet nous apprend lui-même dans une lettre à son oncle (1) Aussitôt que le grand-vicaire sera arrivé, il aura un espion, et nous serons instruits.

pas

:

Quoique les adversaires de l'archevêque de Cambrai eussent déjà fait imprimer la plus grande partie de leurs écrits contre son livre, Fénélon se refusoit toujours à donner la même publicité à ses défenses. Il espéroit toujours éviter l'éclat d'un débat scandaleux entre des évêques. Toutes ses (3) Du 3 septembre 1697.

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