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lettres à l'abbé de Chanterac expriment ces sentimens de convenance et de modération (1): « Il ne » faut ni faire de l'éclat, ni agir d'une manière

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qui puisse ou mal édifier, ou aigrir la Cour. Je » veux, sans politique, par pure religion, res» pecter jusqu'au bout mes confrères, et à cause » de leur ministère, et à cause de la confiance du » Roi pour eux; je la veux respecter dans leurs » personnes: pour les choses à rendre entièrement » publiques, on ne sauroit être trop retenu. Le principal est de conserver notre caractère de >> patience, de simplicité et de candeur, pour » nous expliquer précisément et sans réserve sur chaque article >>.

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Peu de jours après (2), Fénélon écrivoit encore à l'abbé de Chanterac : « Je n'ai point voulu faire imprimer ma réponse à la déclaration (des >> trois prélats), à cause du scandale et du déshon» neur qui pourroit retomber sur mes confrères, >> et c'est de quoi je m'afflige. Je voudrois les épar»gner; ce n'est point par ménagement politique » pour la Cour; car j'aimerois cent fois mieux » achever de lui déplaire, que de demeurer sans » justification. Ce qui me retient donc est la ré» putation de l'Eglise, et le désir de ménager

(1) 12 novembre 1697. (Manuscrits.) (2) 19 novembre 1697. (Manuscrits.)

>> mes confrères, quoiqu'ils aient affecté de me >>couvrir d'opprobre. C'est au Pape, mon supé» rieur, à me décider là-dessus; je dois ma ré» putation à l'Eglise ».

Fénélon fut enfin obligé de céder au vœu des cardinaux et des examinateurs ; ils lui firent observer par l'abbé de Chanterac que cette cause produisoit tous les jours des écrits contradictoires très-volumineux et très-subtils, dont il leur étoit souvent difficile de saisir l'esprit et même les expressions dans des copies à la main, ordinairement mal transcrites, et quelquefois peu exactes. Mais ce que Fénélon avoit prévu arriva. La publicité des écrits respectifs donna une nouvelle activité à la chaleur de cette controverse; et il est très-vrai de dire qu'elle auroit été portée jusqu'au scandale, si la haute vertu de Bossuet et de Fénélon n'eût pas commandé le respect à l'opinion publique.

Ce fut alors que Fénélon fit imprimer sa traduction latine du livre des Maximes, dont l'élégance et la pureté furent généralement admirées (1), la traduction de son Instruction pastorale du 15 septembre 1697, et de sa réponse à la déclaration des trois prélats.

Non seulement il vouloit observer les plus

(1) Voyez la lettre de l'abbé Phélippeaux à Bossuet, 19 novembre 1697. (OEuvres de Bossuet, tom. x. Edit. de Déforis.)

grands ménagemens pour ses adversaires, mais il
exigeoit de ses amis mêmes et de tous ceux qui lui
montroient de l'intérêt qu'ils évitassent de se com-
promettre par une bienveillance trop marquée.
Personne ne pouvoit lui être plus utile à Rome
que le cardinal de Bouillon. Malgré cette consi-
dération, Fénélon voulut s'abstenir, par égard
pour le caractère de ministre du Roi, dont il étoit
revêtu, d'entretenir aucune correspondance avec
lui. « Je vous prie de dire à M. le cardinal de
» Bouillon que je suis si touché de ses bontés,
» que je ne veux, de peur de le commettre, ni l'abbé
>> lui écrire, ni recevoir de ses lettres. Il n'ignore

pour re

» pas tout ce que M. de Meaux a fait
» jeter sur lui tous les mauvais succès qu'il pour-
» roit avoir à Rome. Je lui dois de ne lui donner
>> aucun signe de vie, et de n'en recevoir aucun
» de lui, afin que ce que nous dirons de part et
» d'autre, à sa décharge, soit vrai ».

Le génie remarquable de Bossuet, pour la controverse, fortifié par une longue habitude, le portoit à multiplier les écrits polémiques dont cette cause commençoit à se surcharger (1). Rome en

(1) Il avoit déjà fait imprimer, 1. Summa doctrinæ libri cui titulus: Explication des Maximes des Saints, etc., etc. Deque consequentibus ac defensionibus et explicationibus; 2.o sa Lettre sous le nom d'un docteur; 3.o Declaratio illustrissimorum et

XXXIX. Fénélon à

Lettre de

de

Chanterac,

du6 novembre 1697.

(Manuscr.)

étoit déjà un peu importunée; ses amis mêmes avoient cru devoir le lui représenter, et les deux prélats associés à sa cause n'étoient pas aussi enflammés que lui de l'ardeur d'écrire et de comLettre de battre. Bossuet prétendoit «< qu'on n'avoit à lui Bossuet, du

19 novembre » reprocher que d'être trop rigoureux pour M. de 1697.

>> Cambrai ; mais que s'il mollissoit dans une que»relle où il y va de toute la religion, ou s'il » affectoit des délicatesses, on ne l'entendroit » pas, et qu'il trahiroit la cause qu'il devoit dé>> fendre >>.

Ce fut sans doute par cette considération que Bossuet engagea le cardinal de Noailles à retrancher de son instruction pastorale du 27 octobre 1697, quelques formules d'égards et de politesses qu'il y avoit placées pour Fénélon (1). Le cardinal de Noailles eut la foiblesse de céder à Bossuet; mais il lui arriva en cette occasion ce qui arrive souvent aux caractères doux et modérés, qui craignent de s'expliquer trop fortement entre des adversaires vivement aigris. Ils parviennent

reverendissimorum ecclesiæ principum Ludovici Antonii de Noailles, Archiepiscopi Parisiensis; Jacobi Benigni Bossuet, episcopi Meldensis; et Pauli de Godet-des-Marais, episcopi Carnotensis, circà librum cui titulus : Explication des Maximes des Saints, etc. die 6, mensis Augusti, an. 1697, data; et 4.o la Préface sur l'Instruction pastorale de l'archevêque de Cambrai. (1) Lettre de Bossuet au cardinal de Noailles.

rarement à satisfaire ceux mêmes à qui ils montrent le plus de condescendance, et ils blessent ceux qu'ils auroient voulu ménager, même en leur portant des coups.

Le cardinal de Noailles avoit eu à se vaincre, en entrant dans cette guerre d'écrits, par complaisance pour Bossuet, et Bossuet lui reprochoit trop de douceur et de mollesse. Il auroit voulu marquer à Fénélon un reste d'égard, en ne prononçant pas son nom dans cette instruction pastorale, et en se bornant à condamner sa doctrine; mais Fénélon attachoit bien plus de prix à sa réputation sur la foi, qu'à de vains égards pour sa

personne.

Aussi fut-il très-blessé du procédé du cardinal de Noailles. « M. de Paris, écrit Fénélon à l'abbé » de Chanterac (1), a fait une lettre pastorale >> contre moi, qui a quelque modération appa>> rente, mais dans le fond plus de venin et d'ai» greur que les écrits de M. de Meaux ».

Fénélon avoit donc à répondre en même temps aux trois prélats qui écrivoient contre lui; car l'évêque de Chartres ne tarda pas à se montrer sur la scène; ces trois adversaires, indépendamment de tous leurs moyens de crédit, avoient toutes sortes de facilités à Paris pour l'impression (1) 3 décembre 1697. (Manuscrits.)

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