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«S'il arrive ensuite, continuait le ministre, ce que je ne sais pas, ce que personne ne peut affirmer, s'il arrive que la colonisation vienne d'elle-même, que les capitaux et les hommes affluent, qu'aux relations commerciales se joignent les entreprises agricoles, que des établissemens nouveaux se fassent sur le territoire que nous occupons, ou autour et à portée de ce territoire; si cela arrive, eh bien! messieurs, l'administration française sera là; elle verra ce qu'il y aura à faire, quelle conduite elle devra tenir, quel degré d'activité, d'extension, il conviendra de donner à la protection que réclameront ces nouveaux efforts de l'industrie individuellé. L'administration ne doit pas aller an devant; elle ne doit pas promettre ce qu'elle ne pourrait pas tenir. (Très-bien!). Il faut ici, je le répète, que les faits devancent l'action du gouvernement; le gouvernement ne doit venir qu'à la suite des faits, pour les consommer, pour les garantir s'ils sont bons et utiles, pour les laisser périr 's'ils sont mauvais, s'ils n'ont aucune chance de durée, s'ils ne conviennent pas à l'intérêl national. nal. Cela, messieurs, nous serons toujours à même de le faire; chaque année nous serons en mesure d'apprécier la réalité, l'importance de nos établissemens, les progrès de la colonisation libre, spontanée; nous serons en mesure de juger quels sacrifices méritera de la mère-patrie l'importance de ces établissemens. >>

-Ce système semblait répondre à la pensée la plus générale; car autant que pouvaient l'indiquer les marques d'improbation et d'assentiment données pendant le cours de la discus sion, c'étaient les opinions analogues à celles qu'avait développées le ministre de l'instruction publique qui rencontraient le plus de faveur. Au reste, soit que la Chambre se fatiguât d'un débat dont elle n'avait aucune lumière nouvelle à attendre, soit qu'elle se rendit à cette observation de plusieurs orateurs que ces contéstations périodiqués produisaient à Alger les effets les plus fàcheux en jetant l'incertitude et l'inquiétude dans les affaires et les esprits, la clôture fut prononcée sans réclamation, quoique plus de vingt membres, fussent encore inscrits pour prendre la parole.

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La disposition de la Chambre, qui fut appelée aux débats une réaction en faveur d'Alger et que la marche de la discussion pouvait faire deviner, fut formellement constatée par les votes. Sur le chapitre des services administratifs en Afri

que, pour lesquels un crédit de 1,899,000 fr. était demandé, la commission proposait une réduction de 410,000 fr. Après que M. Laurence, qui tirait une grande autorité des fonc tions qu'il avait exercées en Afrique, eut soutenu qu'il y avait en Algérie, tant dans les hommes que dans les choses, les plus beaux élémens de succès, et qu'il ne s'agissait que de savoir les exploiter convenablement, M. Jouffroy et le rap+ porteur vinrent exposer quel était le but de la réduc tion. La commission avait voulu se prononcer nettement et mettre la Chambre en demeure de se prononcer contre tout système de colonisation directe par le gouvernement, et contre tout encouragement, tout appui, toute aide qu'il pourrait paraître donner aux colonisateurs. Le ministre de la guerre, M. le maréchal Maison, n'accepta pas cette manière de poser la question. Ce à quoi l'on visait au fond, suivant lui, tout en ne l'avouant pas, ce à quoi la réduction tendait par voie indirecte, c'était l'abandon absolu d'Algér. Le crédit sur lequel frappait la réduction devait être consacré non à des entreprises de colonisation, mais à des dépenses nécessaires pour la conservation d'Alger, « Il est impossible, disait le ministre, que la Chambre regarde la réduction demandée comme devant s'opposer à la colonisation: il n'est pas possible non plus que la Chambre croie s'engager dans le système de la colonisation, en votant ce qui est nécessaire pour la conservation d'Alger. » L'opinion du gouvernement l'emporta, car la Chambre rejeta l'amendement à une forte majorité. Elle rejeta encore, mais seulement à une seconde épreuve cette fois, une réduction de 27,000 fr., que le ministre de l'instruction publique avait consentie, parce que, destinée à secourir les colons, cette somme pouvait être interprétée comme encouragement à la colonisation, et que M. Passy avait aussi réclamée en son nom, en insistant encore sur ce point, qu'il s'agissait de voter un principe.

Tous les débats que soulevèrent su cessivement les réducAnn. hist. pour 1835.

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tions proposées par la commission offrirent ce même caraçtère: le rapporteur persista à soutenir que les crédits dont on demandait le retranchement étaient affectés à des dépenses qui, și elles ne constituaient pas le gouvernement colonisateur, tendaient du moins à le faire intervenir dans la colonisation, à l'engager pour l'avenir envers les colonisateurs; le ministère persévéra, de son côté, à représenter toutes les sommes dont il s'agissait comme affectées à des dépenses de conservation. Appelée à se prononcer de nouveau par un vote sur une réduction de 28,000 fr. que la commis sion faisait subir au chapitre de la gendarmerie, la Chambre donna encore gain de cause au ministère.

Ces trois échecs n'empêchèrent pas MM. Passy et Duvergier de Hauranne d'appuyer énergiquement une réduction importante proposée sur le chapitre de la solde des troupes d'occupation. Il avait été convenu à l'amiable entre le ministre de la guerre et la commission, postérieurement à la présentation du budget, que l'effectif, élevé à environ 30,000 hommes, serait réduit à environ 23,000 hommes ; mais la commission voulait que cette réduction fût opérée au 1 janvier 1836, tandis que le ministre de la guerre demandait jusqu'au 1er juillet, tout en ne réclamant cependant la solde d'un effectif de 30,000 hommes que pour les trois premiers mois. Quoique, même parmi les partisans de la conservation d'Alger, l'amendement eût rencontré des défenseurs qui pensaient qu'une diminution des forces et des moyens militaires serait avantageuse à la prospérité de la colonie, le ministre de la guerre obtint encore le rejet de cette nouvelle réduction. Un amendement du maréchal Clausel, tendant à accorder pour les six premiers mois de 1836 le crédit que le ministère ne réclamait que pour les trois premiers mois, avait même trouvé quelque appui. Malgré toutes ces solutions successives rendues dans le même sens, la question fut encore posée dans les mêmes termes et aussi vivement discutée à l'occasion d'une réduction de 800,000 fr. que la commis

sion proposait sur le crédit de 1,800,000 fr, affecté au matériel du génie. Combattu par le ministre de la guerre, cet: amendement subit le sort commun des précédens : il ne fut toutefois rejeté qu'après deux épreuves. Les autres articles du budget particulier d'Alger passèrent sans amener d'incidens remarquables, non plus que le chapitre des poudres et salpêtres, par le vote duquel la Chambre termina ses déli bérations sur le budget du département de la guerre.

Budget du ministère de l'instruction publique.

Les débats dont ce service fut l'objet porterent non sur des questions d'économie, mais sur des points d'organisation. La commission d'examen n'avait rien trouvé à réduire sur les dépenses qui, arrêtées à 12,991,629 fr., restaient exactement dans les limites posées par la dernière loi de fi pances. Un surcroît apparent de 700,000 fr. n'était que le résultat d'une mesure d'ordre par laquelle des recettes et des dépenses, comprises jusqu'alors dans le ministère de l'intérieur, étaient rattachées au ministère de l'instruction publique. Les considérations, les critiques, que développa le rapporteur, M. Prunelle (séance du 8 mai ), allaient audelà des chiffres. Cette vaste et importante matière laissait voir de tous côtés des points à réformer, à perfectionner. Une seule partie de l'enseignement général, l'instruction primaire, avait reçu, depuis 1830, une puissante impul sion : le nombre des écoles communales, qui en 1831, n'était que de 30,796, était de 45,119 en 1833; en 1834, 898 nouvelles communes avaient été pourvues d'écoles, et l'on pouvait prévoir que, le progrès continuant, en neuf années chaque commune de France aurait son école. Cet état de choses était satisfaisant ; mais le régime intérieur de ces écoles primaires laissait beaucoup à désirer; mais l'enseignement donné aux filles était insuffisant; mais les écoles primaires supérieures n'atteignaient généralement pas le but de leur institution; mais l'enseignement secondaire, mais

l'enseignement supérieur réclamaient de grandes améliorations. On attendait impatiemment la loi que le ministre de l'instruction publique avait promise sur l'enseignement secondaire.

-29 mai, 1 juin. Ces questions, auxquelles le rapporteur s'était particulièrement attaché dans son travail, furent aussi celles que traitèrent les divers orateurs qui prirent part à la discussion générale. Cette discussion fut forte et sérieuse et se soutint à une hauteur remarquable; elle roula principalement sur l'enseignement secondaire. MM. Muret de Bord, de Tracy, Charlemagne, attaquèrent avec force le système, l'ordre d'études suivis dans l'instruction secondaire non seulement ce système, resté le même depuis un siècle et uniquement basé sur l'enseignement des langues mortes, n'ouvrait point de carrière à la jeunesse, mais il était fécond en fâcheux résultats; il tendait à inspirer aux jeunes gens des idées, des sentimens qui, appropriés à un autre état social, étaient en désaccord avec la condition actuelle de la société, avec la situation présente de l'esprit humain. C'était à cette instruction secondaire toute défectueuse qu'il fallait attribuer le malaise, la perturbation, l'anxiété de la société, l'encombrement de certaines carrières, la propension excessive vers les emplois publics, la position triste et critique de tant de jeunes gens, qui sortaient des colléges, uniquement disposés pour la médecine ou le barreau.

Le système d'instruction établi trouva un habile défenseur en M. Saint-Marc Girardin, qui soutint que l'étude des langues anciennes était plus propre, par les difficultés qu'elle donnait à vaincre, que tout autre exercice à développer l'intelligence des enfans: la langue maternelle, les langues modernes, qui s'en rapprochaient, exigeaient trop peu d'efforts pour produire les mêmes résultats. La comparaison qu'avait faite l'honorable membre (d'abord à titre de professeur de collége, puis de professeur de faculté), entre le système d'ensei

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