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Dans les grands peintres, qu'on appelle plus spécialement coloristes, la couleur ne va jamais seule. Quoi qu'il en soit, il est certain que, sous le rapport de l'exécution et des procédés pratiques, l'école actuelle est très supérieure à celle qu'elle a remplacée, et que les peintres d'aujourd'hui ont un éclat, une vigueur de ton et un certain charme pour les yeux que n'avaient pas les autres. Ceux qui seraient tentés de se féliciter de ce changement comme d'un véritable progrès de l'art, devront ne pas oublier cependant que les écoles qui se sont rendues célèbres par leurs coloristes, sont venues toujours dans des momens de décadence, et ne figurent qu'au second rang dans l'histoire de l'art. »

Quelques unes des réflexions qui précèdent s'appliquent à la sculpture; et, après avoir nommé le David de M. Chaponnière, l'Invocation à la Vierge de M. Petitot, la Léda de M. Etex, la Madeleine de M. Gechter, et les divers ouvrages de M. Dantan aîné, comme les morceaux les plus saillans de l'exposition des sculptures, nous devons ajouter que, semblable à celle des peintures, elle n'offre rien, sous le rapport de la pensée et du style, de vraiment propre à exciter l'admiration, et que l'ensemble des statues, bas-reliefs, bustes et figurines atteste seulement que l'art, en ce qui touche l'imitation matérielle, est dans une direction assez satisfaisante.

Quant aux gravures qui ont principalement fixé l'attention, ce sont : Henri IV jouant avec ses enfans, d'après M. Ingres, par M. Richonime; Léda et ses deux fils, d'après un tableau attribué à Léonard de Vinci, par M. Leroux; l'Enlèvement de Rébecca, d'après M. L. Cogniet, par M. Girard; un portrait de Rembrandt, d'après ce maître, par M. Martinet; Sancho Pança, d'après M. Decamps, par M. Prévost. On trouve dans l'estampe de M. Richomme une pureté, une précision, une délicatesse de dessin, une vérité d'expression et un sentiment de couleur qui permettent de dire que l'un des plus beaux ouvrages de M. Ingres est ici rendu dans tout son charme. La Léda de M. Le

roux, gravée sur acier, est d'un travail doux et moelleux. Dans le portrait de Rembrandt, M. Martinet a imité avec une rare intelligence la touche hardie et pleine de feu du peintre hollandais. La planche de M. Girard satisfait les connaisseurs et le public, sous le rapport de l'art et de l'agrément. L'étonnante fidélité avec la quelle le burin de M. Prévost traduit ordinairement son modèle, se retrouve encore au plus haut degré dans le Sancho Panca.

Voici maintenant l'état statistique du salon de 1835 2,174 tableaux, 155 ouvrages de sculpture; ce qui, avec les gravures, les plans d'architecture et les lithographies, forme un total de 2,535 objets d'art, appartenant à 1,227 artistes, parmi lesquels on compte 235 femmes.

LITTÉRATURE.

Le mouvement littéraire de l'année 1835, pour ce qui ne touche ni le théâtre ni les séances académiques, dont nous avons parlé avec détails dans la Chronique, peut se résumer en quelques ouvrages d'un caractère grave, élevé, et d'un mérite remar quable à beaucoup d'égards. Cependant celui de tous ces ouvrages auquel on était fondé à promettre les plus brillantes destinées n'a point répondu à la vive attente qu'il avait excitée. Il y a eu, en effet, une sorte de malentendu entre le public et M. de Lamartine sur les quatre volumes que l'illustre poète a publiés sous ce titre: « Souvenirs, impressions, pensées et paysages, pendant un voyage ex Orient (1832-1833), ou Notes d'un voyageur. Mais si le public a paru ne pas trouver ce qu'il avait cru pouvoir chercher dans ces quatre volumes, ce n'est pas faute de franchise de la part de M. de Lamartine; il avait nettement averti que ces notes qu'il avait consenti à donner aux lecteurs n'avaient le mérite ni d'un livre, ni d'un voyage. « Je les livre à regret, avait-il ajouté, elles ne sont bonnes à rien qu'à mes souvenirs; elles n'étaient destinées qu'à moi seul. Il n'y a là ni science, ni histoire, ní géographie, ni mœurs; le public était bien loin de ma pensée

quand je les écrivais..... Que le lecteur les ferme donc avant de les avoir parcourues, s'il y cherche autre chose que les plus fugitives et les plus superficielles impressions d'un voyageur qui marche sans s'arrêter. Il ne peut y avoir un peu d'intérêt que pour les peintres; ces notes sont presque exclusivement pittoresques; c'est le regard écrit, c'est le coup d'œil d'un passager assis sur son chameau ou sur le pont de son navire, qui voit fuir des paysages devant lui, et qui pour s'en souvenir le lendemain jette quelques coups de crayon sans couleur sur son journal. Quelquefois le voyageur, oubliant la scène qui l'environne, se replie sur lui-même, se parle à lui-même, s'écoute lui-même penser, jouir ou souffrir. »

En même temps qu'il poursuivait sa grande et belle Histoire des Français, dont il a donné cette année même le 24 volume, qui comprend le règne de Henri IV, M. de Sismondi mettait au jour une Histoire de la chute de l'empire romain et du déclin de la civilisation jusqu'à l'an 1000. Ce nouvel ouvrage retrace les événemens mémorables depuis l'an 250, et nous conduit jusqu'à la recomposition de la société sous la forme féodale. Sans négliger le côté social de son sujet, M. de Sismondi s'est surtout appliqué à faire connaître intimement le gouvernement de cette époque, qu'il explique de la manière la plus satisfaisante, et dont il place avec raison les vices monstrueux parmi les principales causes de la chute de l'empire. Si ce livre n'a pas reçu tous les développemens qu'il réclamait, il n'en est pas moins semé de larges aperçus, de curieux détails, d'appréciations énergiques et profondes.

Le plus distingué et le plus fécond des historiens de l'école pittoresque, M. Capefigue a publié sous ce titre : Richelieu, Mazarin, la Fronde et Louis XIV, un ouvrage qui prouve comme l'Histoire de Philippe-Auguste, comme Histoire du XVIe siècle, du même auteur, que sa méthode consiste principalement à faire revivre les vieux temps par les actes et les pièces authentiques, par toutes les expressions possibles empruntées aux contemporains. L'inconvénient

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de cette méthode, c'est l'abus de la description et de la couleur locale; c'est un mélange de mots surannés de figures inconnues qui ne jettent pas toujours une grande clarté dans les tableaux historiques. D'ailleurs le style de M. Capefigue est bien assez remarquable pour qu'il s'y tienne; aussi est-on souvent fâché de le voir Fabandonner pour celui de la chronique, de la chanson, du pamphlet contemporains. Cette part faite à la critique, nous devons dire que la partie politique du caractère de Richelieu est envisagée d'une manière neuve et hardie, dans cet ouvrage; que jamais le cardinal-ministre n'avait été apprécié avec une connaissance plus puissante de ses œuvres; enfin que toutes les questions sociales sont ici vues de haut, et que nulle part ne se dévoile plus complétement la pensée intime des partis.

Une Histoire du Consulat et de l'Empire, en dix volumes, par M. Thibaudeau, offrira au futur historien de Napoléon les plus précieux renseignemens pour l'étudier comme ad

ministrateur. L'écrivain a tenu la promesse qu'il avait faite de montrer dans Bonaparte l'homme social, le grand législateur, l'organisateur par excellence, le juge inspiré de toutes les questions générales et particulières.

La publication d'une nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie française, n'est pas l'événement littéraire le moins important de l'année. Il y a eu jusqu'ici trois éditions réelles du Dictionnaire de l'Académie, celle de 1694, celle de 1762, et celle dont nous parlons en ce moment. Les autres éditions n'ont été que des réimpressions on n'ont pas été avouées par l'Académie. Voici donc l'inventaire authentique de la langue en 1835. Un des juges les plus compétens en pareille matière, M. Saint-Marc Girardin, a dit de ce grand travail : « Nous aurions mauvaise grâce à prétendre que le Dictionnaire de l'Académie est parfait : l'Académie ellemême ne le croit pas; mais, tel qu'il est, et malgré les défauts qui tiennent à son plan, défauts qui ne sont guère plus grands que les défauts du plan opposé, ce trésor de notre langue

ne pent manquer d'être d'une grande et incontestable utilité. Sans doute ce Dictionnaire sera critiqué; mais il sera encore plus consulté que critiqué. Il servira souvent devant les tribunaux à établir le sens douteux de certains mots, et il aura partout l'autorité d'un livre fait avec soin par des hommes de goût. » A ces divers mérites, le nouveau Dictionnaire de l'Académie joint encore celui d'une préface singulièrement remarquable par l'ingénieuse sagacité des aperçus et la perfection du style. C'est une histoire de la langue française depuis que l'Académie est chargée d'en surveiller les progrès, d'en conserver la pureté, la richesse et l'élégance. A cette analyse savante et spirituelle de notre langue, à cette critique pleine de goût, de finesse, d'érudition, il n'a pas été difficile de reconnaître la plume de M. Villemain.

S'il faut en juger par les premiers livres d'une nouvelle traduction en vers de l'Enéide par M. Barthélemy, il paraît que cette traduction n'offrira pas les trop nombreuses imperfections de celle qui porte le nom de Delisle, mais que d'un autre côté elle n'atteindra pas toujours aux beautés qu'elle renferme. Puisque M. Barthélemy avait décidément renoncé à la satire politique pour la carrière de traducteur, il aurait pu, ce semble, choisir un auteur dont il se serait rapproché davantage par sa manière et le genre de son talent. M. Barthélemy s'est montré fort sévère pour Delille; il n'est cependant pas sûr qu'il parvienne à l'effacer complétement. Tout au moins aurait-il dû ne pas tomber dans quelques uns des défauts qu'il reproche à son devancier. Et puis, si la prolixité de Delille défigure le poète latin, la concision de M. Barthélemy a bien aussi ses inconvéniens. La période de Virgile, si souple, si harmonieuse, en même temps qu'elle est exempte de toute superfluité, a parfois, chez M. Barthélemy quelque chose de raide, de contraint, de monotone.

On doit à M. Victor Hugo un nouveau volume de poésies intitulé: Les Chants du crépuscule. Ces chants ont été présentés au public comme les émotions naïves et spontanées d'une

âme poétique qui est en peine de l'avenir, sans savoir si ce vague crépuscule est le crépuscule de la nuit ou du jour. Quoi qu'il en soit de cette explication d'un titre peut-être inexplicable, ce volume ne nous a point offert une nouvelle face dans le talent de M. Hugo, et nous ne pourrions que répéter à son sujet, tont ce qui a été dit des qualités et des défauts des Odes et ballades, des Feuilles d'automne, et des Orientales.

Quant à la littérature dramatique, nous n'avons plus à la considérer ici que dans ses résultats matériels, et sous ce point de vue du moins nous la trouverons en progrès sur l'année précédente. En effet, 1834 n'avait compté que 487 nouveautés (dont 127 vaudevilles), et 148 auteurs; 1835 a produit 224 nouveautés (dont 459 vaudevilles) auxquelles ont pris plus ou moins part 183 auteurs, et qui se trouvent réparties entre les divers théâtres de la capitale, dans les proportions suivantes :

Académie royale de musique, 3 (1 opéra et 2 ballets-pantomimes); Theatre-Français, 40 (4 drames et 6 comédies, et 14 reprises); Opéra-Comique, 9 (et 6 reprises); Théâtre-Italien, 3; Gymnase, 16; Vaudeville, 27; Variété, 26; Palais-Royal, 28 (dont 2 opéras); Gaîté, 8; Ambigu-Comique, 19; Porte-Saint-Martin, 14; Cirque, 16; Folies dramatiques, 9; Théâtre de M. Comte, 14; Panthéon, 47, Théâtre-Saint-Antoine, 5. Total, 224.

Les succès les plus remarquables sont ceux d'Angelo, de la Juire, du Cheval de Bronze, de l'Eclair, de Don-Juan.

Le Théâtre-Français a repris une à une toutes les pièces de Molière; le théâtre de l'Odéon est resté fermé, sauf quelques représentations extraordinaires. Robert-le-Diable a continué d'attirer la foule à l'Opéra.

Parmi les auteurs les plus féconds, on cite en première ligne M. Bayard, qui compte 14 pièces; MM. Theaulon et Leuven, qui en ont fait 40, et M. Charles Desnoyers, 9. Après eux viennent MM. Dumanoir, Paul-Duportet Rougemont, pour8; MM. Scribe et Brazier, pour 7; MM. Cogniard, Ancelot, Dupeuty et Deforges, pour 6; enfin MM. Mélesville, Comberousse,

Desvergers, Varin, St-Georges et Sauvage pour 5.

Le cours de l'année 1835 a vu l'incendie et la réédification du théâtre de la Gaîté, ainsi que l'ouverture du théâtre Saint-Antoine

tiques, qui n'avaient donné que 600 mille francs en 1834, tant à Paris que dans les départemens, se sont élevés en 1835 à plus de 700,000 fr. Il serait curieux de savoir ce qu'ils produisaient au temps de Corneille, de Mo

Enfin les droits des auteurs drama- lière et de Racine.

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Le signe veut dire mort; le signe ?, que la date exacte n'est pas connue.

1er Janvier. Desclozeaux, ancien membre du conseil des Cinq-Cents, ancien conseiller à la cour impériale de Paris, † dans cette ville âgé de 77

ans.

2. Langbein (Frédéric-Auguste-Ernest), poète allemand et l'une des célébrités littéraires de la Prusse, †à Berlin, âgé de 77 ans.

6. Dupleix de Mézy, pair de France, †à Paris.

... Mercœur (Elisa), connue par un recueil de poésies, † à Paris. Elle était née à Nantes en 1809.

7. Visconti (Alexandre), frère punîé du célèbre Ennius Visconti, et luimême archéologue distingué, †à Rome, où il était né le 12 mars 1757.

8. Duchesnois (Catherine-Joséphine Raffin), ancienne actrice du Théâtre-Français, † à Paris. Elle était née le 5 juin 1777 à Saint-Saulve-lèsValenciennes.

9. Le comte Péré, pair de France, commandeur de la Légion-d'Honneur, tà Tarbes dans sa 86° année.

11. De Latour-Landorthe, évêque de Pamiers, † dans cette ville, âgé de 75 ans. Il était né à Sant-Ignan (Haute-Garonne).

14. Le lieutenant-général comte Partouneaux, grand'croix de la Légion-d'Honneur, † à Menton, principauté de Monaco. Il était né Romilly-sur-Seine (Aube) le 26 septembre 1771.

15. La princesse de Chimay, née mademoiselle de Cabarus, si célèbre par sa beauté et par le rôle qu'elle a joué dans la révolution française sous le nom de madame Tallien, † dans son château de Chimay en Belgique.

23. Séguin (Armand ), fournisseur des armées de la république et de l'empire, mort à Paris.

26. Le marquis de Villeneuve-Bargemont (Ferdinand), ancien préfet, † à Grasse (Var), âgé de 55 ans.

28. Lafont, peintre d'histoire, †à Paris, âgé de 62 ans.

? Don Juan Romero Alpuente, chef du parti des Descamisados, sous les Cortès de 1820 à 1823, † à Madrid.

2 février. Mangin, procureur-général à Poitiers, conseiller à la cour de cassation et enfin préfet de police à Paris sous la Restauration, † à Paris, âgé de 49 ans.

5. Reizet, receveur général des fi nances à Rouen, † dans cette ville, âgé de 65 ans.

... Le docteur Fodéré, professeur de médecine à la faculté de Strasbourg, auteur de plusieurs ouvrages, † à Strasbourg.

S. Dupuytren (Guillaume), l'un des plus célèbres chirurgiens de l'Europe, professeur à la faculté de médecine de Paris, membre de l'Académie des Sciences, de l'Académie de médecine et de plusieurs sociétés savantes nationales et étrangères, ancien inspec

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