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Le comte d'Artois, le duc d'Orléans et le maréchal Macdonald partirent précipitamment pour Lyon. Les députés s'assemblèrent.

Les royalistes furent inquiets, on les rassura.

Le comte d'Artois, dit-on, à la tête de quinze mille gardes nationaux et de dix mille hommes de troupes de ligne, doit l'arrêter en avant de Lyon.

Le général Marchand, le général Duverney, le prince d'Essling, le duc d'Angoulême se portent sur ses derrières et lui fermeront la retraite.

Le général le Courbe vient manœuvrer sur ses flancs. Le maréchal Oudinot arrive avec ses fidèles grena

diers royaux.

Les gardes nationales de Marseille, et la population entière du midi, marchent de tous côtés à sa poursuite: il est impossible qu'il échappe.

On était au 10 mars.

Le lendemain un officier de la maison du Roi parut au balcon des Tuileries, et annonça en agitant son chapeau que le Roi venait de recevoir la nouvelle officielle que le duc d'Orléans à la tête de vingt mille hommes de la garde nationale de Lyon avait attaqué Bonaparte dans la direction de Bourgoing, et l'avait complètement battu.

Le même jour, on apprit que les généraux d'Erlon, Lefèvre-Desnouettes et Lallemand qui avaient tenté de soulever les troupes sous leurs ordres, avaient complètement échoué et étaient en fuite*.

* Ces quatre généraux s'étaient concertés pour se porter ensemble sur Paris. Les troupes du comte d'Erlon, cantonnées à Lille, trompées par des ordres supposés, étaient en marche lorsqu'elles furent rencon

Les mécontents doutèrent les Royalistes furent dans l'ivresse.

Le 12, la victoire du duc d'Orléans fut démentie, le Journal officiel annonça que Bonaparte avait dû coucher à Bourgoing, qu'on s'attendait à ce qu'il pourrait entrer à Lyon dans la soirée du 10 mars, qu'il paraissait certain que Grenoble ne lui avait point encore ouvert ses portes.

Le comte d'Artois vint bientôt confirmer par son retour la prise de Lyon, et l'inutilité de ses efforts. Les alarmes recommencèrent.

Le Roi, dont la contenance était à la fois noble et touchante, invoqua, par des proclamations éloquentes,

trées par le duc de Trévise, qui allait prendre le commandement de son gouvernement. Il les interrogea, pénétra le complot, et les fit rétrograder.

Le comte Lefèvre-Desnouettes, ignorant ce contretemps, mit en mouvement son régiment en garnison à Cambrai; arrivé à Compiègne, il n'y trouva point les troupes sur lesquelles il comptait, et montra de l'hésitation. Les officiers de son corps, et particulièrement le major Lyon, le questionnèrent, et finirent par l'abandonner.

D'un autre côté, les frères Lallemand, dont l'un était général d'artillerie, s'étaient portés sur la Fère avec quelques escadrons, dans l'intention de s'emparer du parc d'artillerie. La résistance que leur fit éprouver le général D'Aboville les déconcerta, et après avoir essayé vainement de débaucher la garnison, ils prirent la fuite et furent bientôt arrêtés.

On a cru que cette levée de boucliers avait été concertée avec Napoléon; je sais de bonne part, qu'elle fut uniquement le résultat d'une soirée qui eut lieu chez le général G***. Quelques bowls de punch avaient exalté les têtes; on se plaignit; on s'indigna de se laisser faire la loi par une poignée d'émigrés sans courage; on reconnut combien il serait facile de s'en défaire; et de paroles en paroles on finit par convenir qu'on marcherait sur Paris et qu'on forcerait le Roi à changer le ministère, et à chasser hors de France tous les individus désignés par l'opinion publique comme ennemis de la Charte, et perturbateurs du repos et du bonheur public.

Voilà quel était leur seul et véritable but.

le dévouement des Français, le courage et la fidélité de l'armée.

L'armée garda le silence; les corps judiciaires, les autorités civiles, l'ordre des avocats et une foule de citoyens isolés répondirent à l'appel du Roi par des adresses empreintes des témoignages de leur amour et de leur fidélité.

Les deux Chambres déposèrent également aux pieds du trône l'expression de leurs sentiments, mais leur langage fut différent.

Sire, dit la Chambre des Pairs, jusqu'ici une bonté paternelle a marqué tous les actes de votre gouvernement*. S'il fallait que les lois devinssent plus sévères, vous en gémiriez sans doute, mais les deux Chambres, animées du même esprit, s'empresseraient de concourir à toutes les mesures que pourraient exiger la gravité des circonstances et la sûreté du peuple.

Quelles que soient les fautes commises, dit la Chambre des Députés, ce n'est point le moment de les examiner; nous devons tous nous réunir contre l'ennemi commun, et chercher ensuite à rendre cette crise profitable à la sûreté du trône et à la liberté publique. Le Roi ne s'en tint pas à de vaines proclamations, il ordonna :

Qu'une nouvelle armée se rassemblerait en avant de Paris, sous les ordres du duc de Berri et le commandement du maréchal Macdonald;

Que tous les militaires en semestre et en congé limité rejoindraient leurs corps;

* M. le Chancelier oubliait sans doute la proscription à mort des Français qui suivaient ou assistaient Bonaparte.

MÉMOIRES.

I

10

Que tous les officiers à la demi-solde seraient rappelés;

Que les trois millions de gardes nationales du royaume prendraient les armes pour, pendant que l'armée tiendrait la campagne, contenir les factieux, et dissiper leurs rassemblements;

Que les jeunes gardes nationaux qui voudraient faire partie de l'armée active, seraient armés et équipés, et dirigés sur les points menacés;

Que pour utiliser les services des braves Français, qui de toutes parts demandaient à marcher contre l'ennemi, il serait formé des bataillons de volontaires royaux qui feraient partie de l'armée du duc de Berri.

Le maréchal Ney, dont on connaissait la popularité et l'influence, fut chargé de prendre le commandement des troupes de l'Est.

Le maréchal Soult fut remplacé par le duc de Feltre. Le Roi n'omit rien, enfin, de tout ce qui pouvait concourir à sauver son trône des dangers dont il était menacé.

De semblables mesures, suffisantes pour arrêter une armée de trois cent mille hommes, ne pouvaient qu'attester les succès de Napoléon; et, cependant, le ministère faisait répandre chaque jour dans le public, et accréditer par les journaux, les bruits les plus rassurants.

M. de Montesquiou, fidèle au système de déception qu'il avait adopté, continuait à mystifier les députés, en les trompant par de fausses nouvelles et en les berçant d'espérances qu'il n'avait plus lui-même. Il connaissait l'ivresse qu'excitait en tout lieu l'approche,

et le passage de Napoléon. Il savait qu'il était maître de Grenoble, de Lyon; que les troupes qu'on avait voulu lui opposer, s'étaient réunies aux siennes avec enthousiasme; et néanmoins, il annonçait à la Chambre, << que toute la population des départements envahis par l'aventurier de l'île d'Elbe manifestaient hautement leur indignation contre ce brigand audacieux; qu'ils avaient pu être surpris, mais non subjugués; que toutes les sommations qu'il avait faites, les ordres qu'il avait voulu donner aux autorités locales étaient rejetés avec fermeté; que les Lyonnais avaient montré le dévouement qu'on avait droit d'attendre de leur noble caractère; que les départements de la Bourgogne, de la Franche-Comté, de la Lorraine, de la Champagne, de la Picardie, etc., etc., rivalisaient de dévouement et d'énergie; que le bon esprit des troupes répondait à celui des citoyens, el que tous ensemble, généraux, officiers, soldats et citoyens, concourraient à défendre la patrie et le Roi. »

Ces jongleries politiques ne furent point sans effet; elles rassurèrent quelques hommes crédules, et enflammèrent le courage et l'imagination de quelques jeunes gens les enrôlements volontaires se multiplièrent; un certain nombre d'élèves de l'école de droit et de médecine offrirent leurs bras et parcoururent les rues de Paris aux cris de Vive le Roi ! à bas le Corse! à bas le tyran! etc.

Ce mouvement d'effervescence ne pouvait être durable; et quels que fussent les soins qu'on mettait à tromper la capitale, les voyageurs, les lettres particulières, opposaient la vérité aux mensonges ministériels.

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