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nisons respectives, et formèrent, avec les volontaires royaux, une armée de douze mille hommes, qui devaient s'accroître, par les levées qu'on opérait journellement dans les provinces soumises au gouvernement royal, et par les secours que le Prince s'était empressé de demander au Roi de Sardaigne et à la Suisse, et qu'il espérait en obtenir.

Le duc d'Angoulême divisa son armée en deux corps.

Le premier, commandé par le général Ernouf, ayant sous ses ordres les maréchaux-de-camp Cardanne et Loverdo, se dirigea sur Grenoble par Sisteron.

Le deuxième, commandé par le Prince en personne, et sous ses ordres par le lieutenant-général Monnier, le baron de Damas et le vicomte Descars, suivit la route de Valence.

Les deux corps, après avoir soumis le pays, et rallié les royalistes, devaient se réunir à Grenoble et marcher ensemble sur Lyon.

L'avant-garde du deuxième corps, conduite par M. Descars, n'éprouva de résistance sérieuse qu'au passage de la Drôme.

Le général de Belle, à la tête de quelques hussards du 4o, d'un bataillon du 39o, et d'environ huit cents gardes nationaux, s'était laissé chasser de Loriol et s'était retiré tant bien que mal derrière la Drôme.

Les volontaires de Vaucluse, protégés par l'artilleric royale, passèrent la rivière à gué et vinrent se poster sur le flanc gauche des gardes nationaux; au même moment, le prince fit attaquer le pont par le 10o de ligne. Cette manoeuvre n'intimida point les gardes nationales;

elles tinrent ferme; et le 10°, malgré l'ardeur que lui inspirait l'exemple du duc d'Angoulême, allait plier. lorsque plusieurs voltigeurs qui se trouvaient en tête, reconnurent parmi leurs adversaires d'anciens camarades; ils commencèrent mutuellement par cesser leur feu, et finirent par s'embrasser aux cris de: Vive l'Em

pereur.

Pendant la durée de leur colloque et de leurs embrassements, le reste du 10° régiment regagna du terrain ; les impériaux croyant qu'ils venaient se jeter dans leurs bras, s'avancèrent sans défiance; une décharge les détrompa la confusion se mit dans les troupes du général de Belle, il ne fit rien pour les rallier, et la déroute de vint complète. Une partie des impériaux furent pris par les royalistes, les autres se réfugièrent dans les montagnes, ou furent porter à Grenoble et à Valence la nouvelle de leur défaite.

Le lendemain 3 avril, le duc d'Angoulême et sont armée victorieuse entrèrent à Valence, et sans perdre de temps se portèrent à Roinans sur l'Isère.

Le premier corps, après avoir occupé Sisteron, s'était divisé en deux colonnes : l'une, ayant à sa tête le général Loverdo, s'était portée sur Lamure; l'autre, commandée par le général Gardanne, avait pris Gap en passant, et s'était avancée jusqu'à Travers où venaient de prendre position la garnison de Grenoble et les gardes nationales de Vizille, de Lamure et des communes environnantes.

Tout jusqu'à ce jour avait favorisé les vœux de l'ar mée royale; elle marchait de succès en succès; et le bruit de ses victoires, accrues par la peur et la renommée,

avait répandu la consternation et l'effroi à Grenoble et à Lyon.

L'Empereur lui-même fut inquiet. En partant de Lyon il avait prévu la possibilité d'un soulèvement partiel dans le midi; et rassuré par l'énergie et le patriotisme des Dauphinois, il s'était reposé sur eux du soin de défendre leur territoire et leur capitale. Mais s'ils étaient assez forts pour repousser les agressions des royalistes, ils n'étaient point en état de résister aux quatre mille soldats qui avaient embrassé leur cause et combattaient dans leurs rangs.

Le général Grouchy reçut l'ordre de voler à Lyon, et de faire lever en masse les gardes nationales du Dauphiné, du Lyonnais et de la Bourgogne.

Au nom de l'Empereur et de la patrie, tout se mit en mouvement; les patriotes de la Drôme et de l'Isère sortirent de leurs montagnes; les Lyonnais quittèrent leurs ateliers; les Bourguignons se mirent spontanément en marche, les officiers réformés à leur tête.

Cet élan patriotique fut si unanime que les routes se couvrirent en un instant de gardes nationales, et que le général Corbineau, à qui l'Empereur avait donné la mission d'accélérer leur départ, fut au contraire obligé de l'empêcher. Mais toutes ces dispositions, tristes présages de la guerre civile, ne furent point heureusement nécessaires.

Les troupes du général Gardanne, pendant leur séjour à Gap, avaient eu connaissance des proclamations de l'Empereur; elles avaient réveillé leurs souvenirs, électrisé leurs âmes, et le 58 arbora la cocarde tricolore.

La défection de ce régiment fut bientôt connue de la division du général Loverdo; et malgré les efforts de ce général, une partie du 14o de chasseurs, et le 83 tout entier, embrassèrent la cause impériale. Les autres soldats, quoique fidèles en apparence, n'inspiraient plus de confiance à leurs généraux; « ils ne pouvaient parler à un seul habitant du pays sans en recevoir des impressions absolument contraires au parti du Roi*, » et l'on s'attendait à chaque instant à les voir déserter à l'ennemi.

Le général Loverdo,impatient de combattre, et croyant pouvoir se passer de leur assistance, voulut, avec le seul appui de ses volontaires royaux, forcer le défilé de Saulces, en avant de Gap; mais cette attaque, aussi téméraire qu'inutile, n'eut aucun succès, et il ful forcé de se replier sur Sisteron.

Le deuxième corps, contenu par la présence du duc d'Angoulême, n'avait perdu qu'un petit nombre de soldats; l'ordre de se porter en avant venait d'être donné lorsque le Prince reçut à la fois de toutes parts les nouvelles les plus accablantes.

D'un côté, il apprit la défection des troupes réglées du général Ernouf, et sa retraite forcée sur Sisteron. De l'autre, il fut prévenu que le général Grouchy s'avançait à sa rencontre avec des forces formidables. Un troisième avis l'informait que le parti royal à Nîmes et à Toulouse s'était dissous sans résistance; que M. de Vitrolles, chef du comité d'insurrection avait été arrêté, et que les patriotes et les troupes de la 9 division, réunis sous les ordres du général Gilly, * Rapport du général Ernouf.

s'étaient portés sur ses derrières, avaient repris de vive force le pont Saint-Esprit, et dépassé le Rhône.

Des dépêches de Turin lui annoncèrent enfin qu'il ne fallait plus compter sur les secours des Suisses, et sur les promesses du Roi de Sardaigne.

Le Prince fit sonner la retraite et se retira sur Valence.

L'Empereur, qui, suivant sa coutume, prenait la peine de composer lui-même les articles du Moniteur relatifs à cette petite guerre, rendit compte ainsi de l'évacuation de Valence.

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Valence, le 7 avril. Le duc d'Angoulême a fait une triste figure; le tocsin sonnait dans tout le Dauphiné, et de nombreux bataillons de gardes nationales étaient partis de Lyon. Le duc d'Angoulême, informé de leur arrivée, s'est mis à la débandade avec les quatre mille insurgés qui sont sous ses ordres. Les troupes de ligne, instruites par nos concitoyens qu'il était question de la cause de la nation contre quelques familles privilégiées, de celle du peuple contre la noblesse, et enfin, de celle de la révolution contre la contre-révolution, ont subitement changé de parti: cependant, l'armée compte trois traitres qui paraissent s'être rangés du parti des ennemis de la patrie ce sont les généraux Ernouf, Monnier et D'Aultanie. » Il oublia le général Loverdo.

L'Empereur avait également le soin de rendre publiques les correspondances qu'on parvenait à intercepter; et comme les unes annonçaient l'intention de séparer la paille du bon grain et de la jeter au feu; les autres de faire pendre, sans pitié et sans exception,

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